Heidi Bucher, portrait 1966 , Winterthur. Courtesy The Estate of Heidi Bucher
Les artistes pionnières : Heidi Bucher (Mendes Wood DM), Jacqueline de Jong (Allen), Deborah Turbeville (Christophe Gaillard) sont mises à l’honneur, tandis que le rôle de Simone Collinet-Breton au sein du groupe Surréaliste est enfin souligné à travers la reconstitution de sa bibliothèque (Jocelyn Wolff). Les amateurs d’images ne sont pas en reste avec quelques pépites de Photo Days : SMITH, Mari Katayama, Tania Franco Klein ou encore Nhu Xuan Hua.
Entre le Marais et Romainville (Komunuma), de quoi se réjouir !
Heidi Bucher, Galerie Mendes Wood DM
Découverte de l’exposition avec le fils de l’artiste, Mayo en charge de l’Estate Heidi Bucher. Un moment très fort. « La rose de Paris » est un hommage aux séjours de Heidi à Paris avec ce petit collage de 1954 qui ouvre le parcours. Après une spécialisation textile et design à l’Ecole des arts appliqués de Zurich, l’artiste voyage à New York et au Canada avec son mari, l’artiste Carl Bucher. Elle côtoie la scène féministe californienne quand ils déménagement à Los Angeles et réalise ses premières sculptures en mousse synthétique et nacre, habitables, les Bodyschells. La question de l’enveloppe et du cocon, de l’organique émergent. Après sa séparation avec son mari, elle installe sa pratique et commence ses empreintes au latex liquide et de la gaze d’anciens bâtiments, façades, couloirs, portes, fenêtres.
L’accrochage très abouti commence par une porte de Lanzarote, île où Heidi s’installe à la fin de sa vie. La mémoire du lieu, sa chair, sa métamorphose, son épaisseur. Entre sculpture, peinture, performance, le choix des lieux n’est pas anodin quand il s’agit l’ancien sanatorium Bellevue à Kreuzlingen qui traitait des femmes dites hystériques, le passé nazi de la Suisse avec Grand Hôtel de Brissago devenu foyer d’internement pour femmes juives ou la salle réservée aux hommes recouverte de trophées dans la propriété familiale de ses parents. Des « actes d’écorchement » qui engagent physiquement son corps à valeur de résistance face au patriarcat et formes de domination.
Heidi Bucher, Untitled (shell on cushion), ca. 1980s latex, textiles and mother of pearl courtesy The Estate of Heidi Bucher
Quand elle s’attaque à l’espace symbolique de la chambre et du lit, l’on songe à Virginia Wolf et cette revendication de l’intime comme espace d’affirmation de soi. Une redécouverte émancipatrice, l’artiste n’ayant pas eu en France d’exposition autre que celle du CCS en 2013. Elle avait fait partie de l’exposition collective « Women House » à la Monnaie de Paris en 2017.
Heidi Bucher
La rose de Paris
28 novembre–31janvier 2024
Mendes Wood DM
https://mendeswooddm.com/artists/38-heidi-bucher
Jacqueline de Jong, Galerie Allen
J’avais découverte l’artiste néerlandaise grâce au WIELS de Bruxelles qui lui avait offert une monographie en 2021. Elle doit fuir le nazisme, participe à l’Internationale Situationniste, dirige la revue Situationist Times, et poursuit sa pratique. Après sa séparation avec Asger Jorn, elle se tourne vers le militantisme et soutient le mouvement Mai 68. La galerie Allen se penche sur ses toutes dernières toiles avant sa disparition autour de son urgence à figer des images de guerres ou d’atrocités. « Disasters » titre qui renvoie à Goya, (Désastres de la guerre), dit cette violence, cette saturation, ce dérèglement. Ses influences oscillent entre Cobra, expressionnisme abstrait, goût du burlesque, chaos, bestiaire monstrueux. L’artiste se nourrit d’images de la presse, de la télévision, d’internet qu’elle dissèque en autant de fragments qui deviennent comme des séquelles de la mémoire.
Disasters
Jusqu’au 21 décembre
http://www.galerieallen.com/en/expositions/encours/0/exposition-en-cours
Vue de l’exposition « Transformer le monde. Changer la vie. Une bibliothèque surréaliste » Galerie Jocelyn Wolff, Photo Fabrice Gousset
La bibliothèque surréaliste de Simone Breton, galerie Jocelyn Wolff
« On passe sa vie ici à faire du surréalisme. » Simone Collinet
Simone Collinet, personnage clé du surréalisme et malheureusement passé à la trappe du récit officiel, a initié et développé le regard d’André Breton dont elle est l’épouse de 1921 à 1929. A la fois militante politique, correspondante, muse, actrice, Simone ouvre deux galeries à Paris. L’exposition proposée par Jocelyn Wolff lui rend hommage. Si Man Ray dans une célèbre photographie la montre au cœur du cercle des surréalistes, mais devant la machine à écrire soulignant la place ambivalente occupée par les femmes au sein du mouvement.
Vue de l’exposition « Transformer le monde. Changer la vie. Une bibliothèque surréaliste » Galerie Jocelyn Wolff, Photo Fabrice Gousset
Organisée en 5 séquences qui correspondent à des lieux essentiels : la Rue avec les tracts, journaux, affiches, La Galerie avec œuvres anciennes et surréalises comme le portrait de Simone par Picabia, Dorothée Tanning, Leonor Fini, le goût pour l’astrologie, La Bibliothèque autour de l’aventure éditoriale de Simone avec nombreuses dédicaces et des caisses d’ouvrages en 2 colonnes « Lisez/Ne lisez pas », le Musée soulignant le processus de muséification d’un mouvement rebelle au départ, avec un cadavre exquis réalisé par Simone, Raymond et Janine Queneau, sœur cadette de Simone. Enfin le Cabinet, conçu en écho au cabinet de la fille de Simone, Sylvie Sator-Collinet, soulignant le sens du bizarre, de l’hétéroclite, du mouvement et réunissant des œuvres contemporaines de Diego Bianchi, Miriam Cahn, Guillaume Dégé, Hugues Reip, Sarah Tritz, Santaiago de Paoli, Francisco Tropa..Un projet muséal unique !
Vue de l’exposition « Transformer le monde. Changer la vie. Une bibliothèque surréaliste » Galerie Jocelyn Wolff, Photo Fabrice Gousset
avec une sélection d’oeuvres de : Hans Bellmer, Diego Bianchi, Katinka Bock, Bruno Botella, Mélissa Boucher Morales, Miriam Cahn, Claude Cahun, Alfred Courmes, Arthur Cravan, Guillaume Dégé, André Derain, Monsu Desiderio, Oscar Dominguez, Marcel Duchamp, Max Ernst, Léonor Fini, Aline Gagnaire, René Magritte, Marcel Moore, Man Ray, Bona de Mandiargues, André Masson, Joan Miró, Max Morise, Santiago de Paoli, Francis Picabia, Prinz Gholam, Janine et Raymond Queneau, Valentin Ranger, Hugues Reip, Bernard Réquichot, Mathieu Rosianu, Émile Savitry, Lou Tchimoukow, Sarah Tritz, Francisco Tropa, Clovis Trouille, Jacques Vaché, Franz Erhard Walther.
Journée d’étude et d’activation le samedi 7 décembre
Transform the world, Change life: A Surrealist library.
Curated by Emmanuel Tibloux
Galerie Wolff, Romainville
Komunuma
https://www.galeriewolff.com/exhibitions/transform-the-world-change-life-a-surrealist-library
Vue de l’exposition SMITH, DAMI courtesy de l’artiste et galerie Gaillard photo Rebecca Fanuele
SMITH et Deborah Turbeville, Galerie Christophe Gaillard
Avec DAMI, l’artiste poursuit un cycle engagé il y a plus de 10 ans aux confins des genres et des états modifiés de la matière. Son corps fait l’objet de transplantations volontaires : puce électronique, météorites, champ magnétique autant d’hybridations et de contaminations pour interroger l’invisible, notre rapport au cosmos, à l’au-delà. Parmi les explorations récentes : les sculptures en néon, des images captées à la caméra thermique, des portraits de plantes dans la nuit hallucinée de la jungle. L’autre espace de la galerie est consacré à l’artiste américaine Deborah Turbeville sous le titre très bien choisi « A world of one’s own ».
Vue de l’exposition Deborah Turbeville « A world of one’s own » courtesy de l’artiste et Galerie Gaillard photo Rebecca Fanuele
J’avais découvert l’artiste américaine grâce Nathalie Herschdorfer, directrice de Photo Elysée, interviewée à Lausanne (lien vers) à l’origine d’une exposition majeure de cette photographe souvent limitée au champ de la mode. Elle dépasse le regard des photographes masculins qui règnent à l’époque (Avedon, Bourdin..) pour se livrer à des collages et différentes manipulations du medium. La galerie Gaillard a collaboré avec la prestigieuse MUUS Collection à cette occasion.
Deborah Turbeville (front space)
SMITH, DAMI (main space)
Jusqu’au 18 janvier
https://galeriegaillard.com/exhibitions/224-deborah-turbeville-a-world-of-one-s-own/overview
Pan, Fire, Kitchen (self-portrait), 2022, Tania Franco Klein
Tania Franco Klein, galerie Les Filles du Calvaire
Break in Case of Emergency et Mercado de Sonora.
Pour la première fois, la photographe mexicaine est exposée à la galerie les Filles du Calvaire. Sa démarche à la croisée de la sociologie et de l’anthropologie, interroge les angoisses contemporaines et injonctions liées à la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux. Avec la série Break in Case of Emergency, il s’agit d’autoportraits cinématographiques dans différents contextes liés au féminin et au voyeurisme ambiant. L’installation volontairement fragmentée insiste sur le côté disruptif de nos habitudes et relation au temps. Avec la série Mercado de Sonora. exposée au sous-sol il s’agit de pointer la corruption de la société mexicaine autour de ce marché public et la vente d’animaux exotiques protégés et tous types de remèdes illicites.
Break in case of Emergency
Jusqu’au 21 décembre
https://www.fillesducalvaire.com/exhibitions/167-tania-franco-klein-break-in-case-of/overview
Vue de l’exposition « This is how we stand our ground » Mari Takayama, galerie Suzanne Tarasiève photo Rebecca Fanuele
Mari Katayama, Galerie Suzanne Tarasiève
Exposée récemment aux Rencontres d’Arles (« Quelle joie de vous voir ») ou à la MEP, l’artiste japonaise Mari Katayama a su faire de sa vie et son handicap, le moteur de son œuvre. Atteinte d’une maladie rare à l’enfance, elle subit une amputation partielle des jambes et doit porter des prothèses. Loin de se sentir diminuée, elle décide de « se tenir les pieds sur terre » (série les Cariatides) et de se battre, en revendiquant sa différence. Dans le prolongement de Paris Photo, la galerie Suzanne Tarasiève expose sa série récente où elle pose face à des sortes de patchworks en tissus combinés à des hauts talons rouges dans le cadre de sa collaboration avec la marque de chaussures italienne Sergio Rossi. Une esthétique Pop ultra féminine pour une visée intimiste et crue proche d’une Louise Bourgeois, les cicatrices et coutures restant apparentes. Comme des tuniques qui renvoient à l’architecture des façades et statues antiques.
Dans la project room est exposée l’artiste Valentine Cotte. Lauréate du prix Icart – Artistik Rezo 2024, elle a étudié la gravure à l’Ecole Estienne de Paris puis la céramique à la Haute École des Arts du Rhin (HEAR). Ses œuvres traitent de résilience, de soins, de seconde peau, de matériaux et de corps vulnérables.
« This is how we stand our ground » Mari Takayama
Galerie Suzanne Tarasiève
du 2 novembre au 21 décembre.
Nhu Xuan Hua, Anne-Laure Buffard
Saison photographique avec Nhu Xuan Hua chez Anne-Laure Buffard. L’artiste franco-vietnamienne a été exposée aux Rencontres d’Arles à l’Eglise Sainte-Blaise avec autour de la construction de soi et à Paris Photo pour la première participation de la galerie avec la série Tropismes, Consequences of a Displaced Memory. A partir d’archives familiales, l’artiste ayant peu de connaissance de l’histoire du Vietnam, nous dit ce flottement, ces émotions, ente chaos et résilience. Ce solo show Bridge Falling Down, Soon Rising Up, s’inscrit dans le prolongement du projet Heaven and Hell présenté par Nhu Xuan Hua et Vimala Pons à l’Église Saint-Blaise aux Rencontres d’Arles.
Bridge Falling Down, Soon Rising Up,
Jusqu’au 15 janvier 2025
Geert Goiris, Art concept
« Writing to myself » est une sorte de journal intime au milieu des archives du photographe belge, inconditionnel de l’argentique et de la chambre. Lieux tirés de leur contexte, sentiment d’étrangeté, de solitude. On se croit dans le documentaire alors que l’on bascule dans la nature morte. Changement d’échelle, désorientation, contemplation devant cette femme qui dort ou ce graphiti halluciné échappé d’une grotte.
Galerie Art Concept
Jusqu’au 18 janvier 2025
http://www.galerieartconcept.com/fr/geert-goiris-writing-to-myself-7-novembre-2024-18-janvier-2025/
« Trois éléments », galerie In Situ – fabienne leclerc, Grand Paris
03.11.24 – 21.12.24 © Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste & galerie In Situ – fabienne leclerc, Grand Paris
Patrick Tosani, In Situ Fabienne Leclerc (Komunuma)
Chef d’atelier aux Beaux-Arts de Paris de 2004 à 2019, formé à l’architecture, Patrick Tosani poursuit une recherche autour du medium, sa nature sérielle, ses modes d’apparition. La galerie In Situ révèle ses dernières explorations avec « Trois éléments » autour de l’utilisation d’un dispositif de miroirs posé dans le paysage. Multipliant les rebonds et points de vue formels et conceptuels, l’artiste joue de nos perceptions. Des formes aléatoires et imprévisibles surgissent comme des leurres, des pièges.
http://www.insituparis.fr/fr/expositions/presentation/198/trois-elements
Malo Chapuy, mor charpentier
Avec « Memorabilia », l’artiste que l’on a découvert à la Biennale de Lyon aime jouer des anachronismes, des citations en faussaire génial qui fabrique ses propres pigments ayant envisagé d’être restaurateur. Adepte du Gothique International et de l’art du Quattrocento, il parsème de détails savoureux que le spectateur peut découvrir comme des éoliennes au milieu d’une scène de chasse de Paolo Ucello (Le Louvre), un robinet le long d’une chasse médiévale, des immeubles HLM…le tout favorisant des collages.
Memorabilia
Jusqu’au 16 janvier 2025
https://www.mor-charpentier.com/fr/artist/malo-chapuy
Pauline Guerrier, Double V Gallery, photo Gregory Copitet
Et parce que c’est bien d’être solidaire, Double V Gallery propose au profil de l’Institut Curie l’exposition « Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été« , de 45 oeuvres de petit format. Les prix vont de 650 à 7000 euros.
Agenda des galeries :
https://www.parisgallerymap.com