François-Xavier Gbré, « Pont de l’amitié sino-malienne #1 », Sotuba, Bamako, Mali, 2013
Comme en prélude à la saison « Africa 2020 », Alicia Knock, conservatrice au service créations contemporaines et prospectives du Musée national d’art moderne et co-commissaire de l’exposition Chine-Afrique entend éclairer la géopolitique contemporaine d’une analyse conceptuelle critique basée sur de nouvelles hypothèses de rencontres sino-africaines et sortir d’une vision postcoloniale réductrice. Décentrer le regard à partir d’un imaginaire commun entre deux « Suds » puissants fantasmés pour dessiner de nouveaux horizons à partir d’une approche prospective apaisée, non plus uniquement basée sur une domination économique ou politique mais sur des récits plus subtils et profonds véhiculés par les artistes. Le titre de l’exposition « Crossing the World Color Line » est emprunté au penseur et militant panafricain W.E.B Du Bois, adepte d’une autre histoire.
Ainsi l’installation filmique qui ouvre le parcours de Kiluanji Kia Henda, une antilope empaillée du musée d’histoire naturelle de Luanda, symbole de l’identité nationale angolaise, raconte sa condition d’objet symbolique, comme artefact ethnographique traversé dans un même temps par la mémoire bouleversée de la guerre civile comme par la présence chinoise au présent. Chez François-Xavier Gbré, le récit éclaté de la piscine de Bamako, construite en 1969 par l’URSS pour les premiers jeux africains qui n’ont jamais vu le jour, et rénovée par les Chinois, devient celui d’un transfert d’influence géopolitique. Musquiqui Chihying part de l’histoire longue du lien sino-africain – la découverte archéologique de monnaies chinoises au Kenya – pour mettre en scène une excavation anticipée des institutions culturelles que les Chinois construisent en Afrique, tandis que Binelde Hyrcan s’inspire de l’envol légendaire du dignitaire chinois Wan Hu pour faire écho à l’échec de la politique spatiale angolaise. L’installation d’Anawana Haloba, se veut une restitution poétique de la construction en Zambie d’une ligne de chemin de fer par les Chinois, sous la forme d’une chorégraphie filmique, littéraire, gestuelle et sonore.
Chacun d’entre eux apporte une réponse visuelle différente à des problématiques passées et futures. Comment transformer cet héritage commun au delà des idées reçues et scénarii simplistes ? Une gageure qui revisite le spectre de la mondialisation de façon engagée et poétique sans tomber dans les écueils possibles.
N’oublions pas que le Centre Pompidou a fait le pari de la Chine en inaugurant son satellite à Shangaï en novembre dernier, le « Centre Pompidou x West Bund Museum Project » (cf mon interview de Bernard Blistène en juillet 2018).
Artistes exposés :
Kiluanji Kia Henda, né en 1979 en Angola, vit et travaille à Lisbonne et Luanda.
Musquiqui Chihying, né en 1985 à Taipei, vit et travaille à Berlin et Taipei.
Binelde Hyrcan, né en 1983 à Luanda, vit et travaille à Nice et Paris.
Cui Jie, née en 1983 à Shanghai, vit et travaille à Beijing.
François-Xavier Gbré, né en 1978 à Lille, vit et travaille à Abidjan.
Annie Anawana Haloba, née en 1978 à Livingstone, vit et travaille à Amsterdam
Wang Bing, né en 1967, à Xi’an, Province de Shaanxi, Chine, vit et travaille en Chine et en France.
Marie Voignier, née en 1974 à Ris-Orangis, France, vit et travaille à Paris.
Yonamine, né en 1975 en Angola, travaille entre Harare, Luanda, Lisbonne et Berlin.
Pratchaya Phinthong, né en 1974, vit et travaille à Bangkok.
Egalement lors de votre visite ne pas manquer : l’artiste chinoise Yuan Jai, Christian Jaccard, dans la cadre de sa donation exceptionnelle et Wols histoires naturelles.
Infos pratiques :
Chine-Afrique : Crossing the world color line
4 mars 2020 – 18 mai 2020
Musée – Niveau 4 – Galerie 0 – Espace prospectif