Ivan Argote Les Extatiques Paris La Défense © Martin Argyroglo, 2020
Si Fabrice Bousteau, rédacteur en chef de Beaux-Arts compare la Défense à « une petite Venise du futur »nul doute que ces « Extatiques » 2020, nom emprunté à l’artiste Leandro Ehrlich, ont le don de dessiner un parcours onirique et décalé dans le premier quartier d’affaires européen déjà doté d’un parc de sculptures unique. C’est feu Patrick Devedjian alors président de Paris La Défense et Marie-Célie Guillaume, directrice générale de l’établissement public qui proposent au commissaire une carte blanche en 2018 à l’occasion des 60 ans de la Défense. Cette année l’exposition gagne la Scène Musicale pour la première fois comme nous l’avait annoncée dans son interview confinée l’artiste Elsa Sahal (relire). Elle fait partie des 6 artistes à investir le toit-terrasse de ce lieu emblématique.
à La Seine Musicale
Notre regard est interpellé tout d’abord par l’intervention monumentale de Felice Varini sur la façade béton de La Seine Musicale qui se compose et décompose selon la perspective choisie.
Sur le parvis de La Seine Musicale, presque trois mètres de sculpture sonore choisissent le vent comme seul chef d’orchestre. C’est Screwed Harmonies de Matteo Nasini : une orgue éolienne à percussion.
Fabrice Hyber installe HommeFemme, un couple de petits personnages verts dont les orifices corporels déversent des filets d’eau.
Sur le toit-jardin de La Seine Musicale, visibles de loin, les pétales de cette immense corolle de sept mètres de diamètre de Choi Jeong Hwa se meuvent lentement au rythme des impulsions d’air, créant la sensation étrange d’une respiration. L’artiste insuffle la vie comme pour en conjurer la beauté éphémère.
Méandre d’Elsa Sahal est une œuvre aquatique. Composée d’une longue circonvolution qui court sur le jardin-toit de La Seine Musicale, elle semble sortie d’un monde invisible, charriée jusqu’à nous par les eaux de la Seine qui l’entourent.
Julie Fortier a créé l’œuvre Le jour où les fleurs ont gelé : un bouquet de sept crosses de fougères métalliques qui se déroulent pour révéler de précieuses capsules parfumées en verre et porcelaine poreuse.
à La Défense :
Pour cette 3e édition, onze artistes investissent l’esplanade de La Défense, du bassin Takis à la Grande Arche, en jouant avec l’architecture unique du lieu. Fabrice Hyber dissémine des petits hommes et femmes verts dont les orifices corporels déversent des filets d’eau.
À travers son projet Pigeonner, l’artiste Julien Berthier remet à l’honneur les pigeons. Le pigeon est traité dans le style hyperréaliste et le matériau noble de la sculpture animalière du XIXe siècle. Ses sculptures de pigeon en bronze viennent se greffer sur des sculptures publiques de même patine, leur offrant un surplus temporaire de réalisme.
Yue Minjun installe la sculpture The Tao Laughter n°4, 2012. Le titre de l’œuvre est une référence à Tao To King, ouvrage fondateur du taoïsme attribué à Lao Tseu (600 avant J.-C.) dans lequel il est suggéré que le rire permet de résoudre les problèmes de la société sans douleur ni chagrin pour atteindre la paix intérieure.
Gilles Barbier emprunte aux récits cosmogoniques qui fondent les croyances mélanésiennes ou polynésiennes, comme ceux compliés par Theuira Henry dans ses Mythes tahitiens. L’aileron de requin est à la fois ce qui est caché en partie, ce qui glisse entre deux eaux, ce qui chasse.
Pour Les Extatiques, Jacques Villeglé propose de faire courir le long d’un des escaliers de l’esplanade un grand graffiti blanc en alphabet sociopolitique reprenant une citation inspirée de l’écrivain André Salmon « Écrire! C’est plus que voir, écrire c’est concevoir ».
Ivan Navarro crée une structure rappelant les puits en briques traditionnels qui ponctuent les campagnes. L’œuvre fait référence aux légendes ancestrales qui ont construit l’histoire de son pays, le Chili. Héroïne du mythe médiéval éponyme, Mélusine, créature hybride mi-femme mi-serpent aquatique, est condamnée à hanter les populations et à veiller sur elles. Dans Mélusine, le puit semble créer un passage lumineux sous-terrain infini, métaphore de l’évasion mais aussi de la disparition.
Le pavillon ZIG ZAG d’Héctor Zamora propose une nouvelle expérience architecturale. Construit avec des briques ajourées en terre cuite, qui donnent de la transparence aux murs, il permet à la brise estivale de s’introduire apportant son souffle. C’est une expérience inédite qui rappelle l’architecture moderne des tropiques, et qui, au milieu de l’esplanade de La Défense, incarne une fraîcheur ludique nous invitant à nous détendre et à nous perdre dans ses murs.
Iván Argote installe la sculpture monumentale Strenghtlessness. Le processus créatif de l’artiste utilise des stratégies comme la désobéissance et la fantaisie, avec lesquelles il nous pousse à changer notre façon de voir et de concevoir l’activisme politique, la domination occidentale et les centres de pouvoir, afin d’en pointer l’absurdité et les faux-semblants. Sans doute le totem en devenir de cette édition qui rentrera peut-être dans les acquisitions de Paris La Défense.
Infos pratiques :
Les Extatiques 2020 : Rien à voir !
jusqu’au 4 octobre
Parcours, les oeuvres à découvrir :
parisladefense.com/fr/les-extatiques