Interview Stéphane Baumet, directeur de la Fondation Villa Datris pour la sculpture contemporaine

Vue de l’exposition Toucher Terre à la Fondation Villa Datris, 2022 – Photo © Bertrand Hugues

Créée par Danièle Kapel-Marcovici en 2011, la Fondation Villa Datris est animée d’une volonté de partage offrant un véritable havre de paix et de création à l’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse, en parallèle à la collection et à l’espace parisien Monte-Cristo.  Elle se construit autour d’une programmation ambitieuse d’expositions annuelles et d’acquisitions. Après des thématiques phares telles que : De nature en sculpture, Tissage tressage, Bêtes de Scène, Recyclage/Surcyclage, place à la céramique et à ses expérimentations multiples et fascinantes avec « Toucher terre ». Le parcours qui rassemble une centaine d’artistes de toutes provenances et générations, ouvre sur un cabinet graphique, se poursuit autour des liens entre la céramique et l’organique, des hybridations, du rapport au temps, d’une archéologie du quotidien et se termine sur l’engagement politique.  Le jardin interagit en résonance. Stéphane Baumet, directeur de la Villa Datris, revient sur les enjeux de ce panorama, les missions que se donne la Fondation en prise avec le territoire et ses possibles synergies et ce qui l’a séduit dans le projet qu’il mène aux côtés de la fondatrice et présidente. Un retour dans la région pour ce parisien d’adoption qui a posé les jalons du salon Paris Photo, assuré plusieurs commissariats d’expositions et dirigé une galerie pendant plusieurs années. Il a répondu à mes questions.

Quel est l’ADN de la Villa Datris ?

La générosité, le partage et l’accessibilité, des valeurs que l’on retrouve dès l’origine dans le choix des œuvres et des thèmes abordés. Les artistes que nous exposons peuvent être connus ou non, régionaux ou internationaux, avec ou sans galerie, émergents, en milieu de carrière ou redécouverts. Nous ne procédons pas par hiérarchie mais autour d’une pluralité d’expressions artistiques réunies par un thème. Danièle Kapel-Marcovici assure le commissariat de nos expositions avec ma collaboration.

Vue de l’exposition Toucher Terre à la Fondation Villa Datris, 2022 – Photo © Bertrand Hugues

Comment se répartit votre public ?

La gratuité favorise une fréquentation régulière des habitants de l’Isle-sur-la-Sorgue et de la région. Nous recevons aussi beaucoup de scolaires, environ 1500 enfants qui reviennent ensuite avec leur famille. L’on retrouve au fil de nos éditions des personnes venues enfant qui ont grandi avec nous ! Nous travaillons aussi avec différentes associations du champ social : migrants, réinsertion, personnes en difficultés…Nous proposons aussi des concerts, des conférences qui attirent beaucoup. La gratuité qui a été la volonté dès le départ de Danièle permet de rendre accessible un lieu d’art à des gens qui se sentiraient a priori mis à l’écart. Cette gratuité est une richesse pour nous et non pas synonyme de manque d’exigence, bien au contraire.

Vue de l’exposition Toucher Terre à la Fondation Villa Datris, 2022 – Photo © Bertrand Hugues

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette aventure ?

L’échelle humaine de la fondation et la relation directe avec la présidente et fondatrice avec qui nous décidons ensemble du choix des artistes, des œuvres, des équipes.. Un dialogue au quotidien qui n’est souvent pas possible dans une grande structure. Une fois que Danièle a décidé du sujet, nous le mettons en œuvre. Selon les périodes nous passons, en termes d’effectif, de 3 personnes à 10.

Vue de l’exposition Toucher Terre à la Fondation Villa Datris, 2022 – Photo © Bertrand Hugues

En termes d’expositions, comment se fait le lien entre l’espace provençal et l’espace parisien ?

Nous ne présentons à Paris que les œuvres entrées dans la collection après leur exposition à la Villa Datris dans une version un peu réduite alors qu’ici nous exposons une centaine d’œuvres à chaque fois. Mais il y a aussi la carte blanche offerte à un artiste, comme Manuel Merida cette année, qui réalise des installations monumentales et in situ pensées pour l’Espace Monte-Cristo.

Vue de l’exposition Toucher Terre à la Fondation Villa Datris, 2022 – Photo © Bertrand Hugues

Le Jardin et les œuvres in situ

L’enjeu est de nouer une correspondance avec la nature et l’environnement : les arbres, la rivière comme cela se ressent avec la fontaine d’Elsa Sahal, les pommes rouges de Caitriona Platts-Manoury, la mangeoire pour oiseaux de Laure Prouvost ou encore la forêt en miniature de Safia Hijos. L’ascenseur agit aussi en résonance et la démarche de Catherine Gardone à partir d’une photographie des carrières d’ocre de Roussillon rejoint ce rapport immédiat avec la terre. C’est toujours un défi à la fois pour trouver une idée et la mettre en œuvre.

Claire Lindner The Fall 2021
Grès émaillé
215 x 175 x 30 cm
Réalisation dans le cadre d’une résidence de création à l’EACV, Vallauris
Courtesy de l’artiste et Nendo Galerie
Photo © Bertrand Hugues

Pourquoi la céramique ?

Danièle avait en tête le sujet de la matière terre depuis plusieurs années et après avoir proposé un focus sur l’art textile autour de l’aspect universel du matériau, elle souhaitait le décliner à la céramique à partir d’artistes de toutes provenances (nord de l’Europe, Asie, Afrique, Etats-Unis… ) opérant des révolutions de style majeures et plus visibles que dans d’autres mediums. Il ressort de ce panorama une grande liberté.

Comment faîtes-vous la sélection des artistes ?

Nous rencontrons les artistes dans leurs ateliers, nous visitons les foires et les galeristes, ou sur recommandation de collectionneurs et d’amis … tissant tout un réseau au fil de nos rencontres.

De plus certains artistes ont des cartes blanches. C’est un versant plus expérimental que nous offrons par le biais de la possibilité donnée aux artistes de lieux de création pendant une certaine période.

La collection, histoire et fondements

Pauline Ruiz, qui dirige avec Jules Fourtine l’Espace Monte-Cristo à Paris, est en charge de la collection. La collection est assez éclectique dans le prolongement de l’histoire de chacune de nos expositions et en fonction de l’attachement ressenti par Danièle et nous. Cela peut être aussi des œuvres qui ont marqué nos visiteurs. Le spectre est large entre Victor Vasarely, Rafael Soto, Marinette Cueco, Moffat Takadiwa, François Morellet mais aussi Suzanne Husky, Katia Bourdarel, Alice Anderson, Elsa Sahal….

De plus nous proposons pour chacune de nos expositions, un catalogue à la Villa Datris et à l’Espace Monte-Cristo. Cela rejoint cette mémoire.

Quelles synergies engagez-vous sur le territoire ?

En plus des synergies locales, nous faisons partie du réseau Plein Sud créé par Jean-Pierre Blanc (Villa Noailles), Anne Racine (Fondation Carmignac) et Véronique Collard Bovy (Frame) pendant le confinement.  Il permet de nous rencontrer et de créer des liens entre institutions publiques et privées sur ce large territoire entre Sète et Monaco. La force de ce réseau se mesure à sa visibilité et à son dynamisme.

Votre parcours

J’ai été commissaire général du salon Paris Photo à ses débuts, après avoir travaillé 4 ans aux Rencontres d’Arles. J’ai ensuite organisé plusieurs expositions en tant que curateur indépendant pour ensuite monter ma propre galerie d’art contemporain avec un associé pendant 6 ans. Puis je suis revenu m’installer dans le sud jusqu’à ce que je décide de répondre à ce poste de directeur de la Villa Datris. Un rôle qui rejoignait mes expériences précédentes autour de la recherche de projets et d’artistes, du commissariat, du travail avec les équipes, de la mise en place d’une programmation culturelle et d’actions  de médiation.. l’avantage d’une petite structure étant une certaine polyvalence et variété.

Quel impact a eu le confinement ?

Ayant une activité temporaire et non annuelle, nous n’avons pas été affectés comme l’ont été d’autres centres d’art. L’année dernière nous avons reçu 37 000 visiteurs, ce qui reste un très bon chiffre et 36 000 l’année précédente. Les années antérieures 45 000 et 53 000, ce qui rejoint notre moyenne habituelle.

Quel bilan faîtes-vous des 10 ans de la Fondation fêtés en 2021 ?

Nous remarquons une nette progression en termes de fréquentation et de notoriété. La Fondation a véritablement trouvé sa place et pas uniquement dans la région, mais à un niveau national à travers nos publications et les prêts de la collection. Cela concerne par exemple l’œuvre d’Anita Molinero exposée au Musée d’art moderne de Paris ou Kate MccGwire en ce moment exposée à Lille 3000. La personnalité de Danièle et son engagement pour les artistes apporte aussi une vraie visibilité à la Fondation. Nous avons aussi à cœur de rester fidèles à nos choix et à nos engagements.

Infos pratiques :

Toucher terre l’art de la sculpture céramique

jusqu’au 1er novembre

Entrée gratuite

Villa Datris, Isle sur la Sorgue

à Paris, Espace Monte-Cristo :

CINETIQUE ! la sculpture en mouvement

jusqu’au 11 décembre

https://fondationvilladatris.fr/