Bertille Bak à la Criée et Animalia à 40mcube, une journée à Rennes

Vue de l’exposition Dark-en-ciel, Bertille Bak, courtesy de l’artiste, de la galerie Xippas, de Gallery Apart, Rome et de La Criée centre d’art contemporain, Rennes – photo : Aurélien Mole

En plus de l’actualité du Frac Bretagne dont Etienne Bernard son directeur, nous a donné les grandes lignes dans un récent et passionnant entretien (relire), les structures de la Criée et de 40mcube qui travaillent régulièrement en synergie, présentent deux expositions à ne pas manquer, d’une part Bertille Bak et sa nouvelle production à La Criée et Animalia ou la vie fantasmée des animaux à 40mcube.

L’arc-en-ciel de Bertille Bak, même s’il est coloré ne répond pas à la vision que l’on s’en fait. Les traits sont hachurés et les couleurs bavent. Une ironie douce-amère à laquelle elle nous a habitués au fil de ses projets auprès de communautés rencontrées avec qui l’artiste partage un bout de chemin. Après les chasseurs cueilleurs de l’Alsace dans le film Le hameau qui fait le lien avec l’exposition de 40mcube, elle fictionnalise le labeur des invisibles de la mine, ces enfants qui dès leur plus jeune âge doivent se glisser au fond des boyaux en Bolivie, Inde ou Thaïlande comme le faisaient les ancêtres de Bertille dans le Pas-de-Calais minier. Mineur Mineur qui a été réalisé à distance de part le confinement en collaboration avec des associations sur place qui s’engagent pour la scolarisation des enfants, transfrome l’univers sombre et tragique de ces destinées en une fable légère et décalée. Autre projet en Bolivie cette fois : La Brigada tournée à La Paz auprès des cireurs de chassures, des communautés ostracisées de par leur métier très dévalorisé. Une farandole burlesque qui se prolonge par l’installation de ces boîtes en bois colorées, à la fois outil de travail et de revendication identitaire. Enfin, Bleus de travail imagine une chaine de production et d’abattage industrielle de poussins façon Buster Keaton drolatique et décalée. Comme si Jean de La Fontaine avait pris sa caméra ! On navigue toujours entre le poétique et l’incisif, la dénonciation et la dérive imaginaire.

Vue de l’exposition Animalia ou la vie fantasmée des animaux, commissariat 40mcube photo Margot Montigny

Animalia interroge notre raport aux animaux qui ont pris une grande place pendant le confinement avec ces vues d’oiseaux ou de renards qui reprenaient leur droits dans nos villes. Entre adoration, empathie, fascination on bascule vite à l’effroi ou l’inquiétude comme en témoigne les oeuvres rassemblées. Bertille Bak comme je le soulignais fait partie de ce paysage hybride, sorte de diorama animé qui referme le tryptique d’une série d’expositions collectives proposées par Anne Langlois après Archeologia puis Geologia. Peintures, sculptures, vidéos, installations alternent et créent des échos entre mythe, fantastique, croyances populaires et science-fiction.

L’œuvre de Clédat & Petitpierre, Abysse, introduit une poche d’humour et de jeu dans le concret de cette exposition. Cette sculpture évoquant les fonds marins s’anime ponctuellement en laissant surgir un animal non identifié qui rampe sur le sol de l’espace d’exposition.

Vue de l’exposition Animalia ou la vie fantasmée des animaux, commissariat 40mcube photo Margot Montigny

Le style documentaire du film L’hypothèse du Mokélé Mbembe de Marie Voignier sème le doute sur la nature des images données à voir et sur la véracité des faits narrés, qu’on ne peut à aucun moment vérifier. Les chiens et la hyène empaillés de Nicolas Milhé semblent de leur présence morbide nous observer de biais. Le réalisme du film de Bertille Bak, Le hameau, comme celui de Darielle Tillon, L’esprit des animaux, vrille vers le surnaturel, que l’on retrouve pleinement dans les sculptures abstraites de Jean-Marie Perdrix réalisées à partir d’une peau de vache ou d’un crâne d’âne. Les peintures de Maël Nozahic, quant à elles, nous promènent dans des scènes oniriques où les loups semblent vivre en toute confiance. Bertrand Dezoteux comme Luiz Roque anticipent un futur où les animaux, dans un retournement de situation discret, prennent clairement la place des êtres humains – et le pouvoir sur eux.

Infos pratiques :

Une journée à Rennes

DARK-EN-CIEL, Bertille Bak

jusqu’au 24 avril

Prochainement : Katia Kaméli, Le Cantique des oiseaux

La Criée centre d’art contemporain – Rennes, France (la-criee.org)

Animalia ou la vie fantasmée des animaux

https://www.40mcube.org/

jusqu’au 23 avril

Au Frac Bretagne :

Manon de Boer & Latifa Laâbissi

Jibade-Khalil Huffman

Thomas Teurlai

Frac Bretagne – Site du Fonds régional d’art contemporain Bretagne