Hippolyte Hentgen Velvet 2020 Photo Hippolyte Hentgen Courtesy Semiose Paris
La semaine du dessin contemporain démarre sous les meilleurs auspices.
Plusieurs scénarios ont été évoqués par Christine Phal et Carine Tissot et maintenir cette 14ème édition de Drawing Now a été un véritable tour de force. Renoncer au Carreau du Temple (incertitude autour de l’éventuel pass sanitaire) mais construire une offre alternative de qualité dans un quartier central, la Bastille. Un format plus resserré à 35 galeries internationales dans un ancien grand magasin et l’exposition curatée par la directrice artistique Joana P. R. Neves interviewée, déplacée dans deux lieux : au Drawing Lab et au Frac Picardie, est visiblement la bonne solution. Nombreux étaient les collectionneurs et amateurs présents dès le preview au 42 rue du Faubourg Saint-Antoine. Il faut dire que le retour des foires est très attendu et encore plus dans le domaine du dessin où le contact physique avec l’œuvre reste incontournable. Des retrouvailles que chacun savoure.
Repérages et coups de cœur :
Sémiose galerie (Paris) : Hippolythe Hentgen, Françoise Petrovitch
C’est un bonheur de retrouver le duo formé par Gaëlle Hippolyte et de Lina Hentgen dont j’ai vu récemment l’exposition à Albi au Centre d’art Le Lait. Leurs collages et emprunts multiples à la presse ou la bande dessinée, leur recyclage des icônes de la publicité ou vision pirate de l’histoire de l’art et ses grands poncifs, engage une réflexion sur la notion d’auteur et de pastiche.
Françoise Petrovitch
Récemment lauréate du Prix de la Fondation Florence et Daniel Guerlain, ses aquarelles révèlent un monde mystérieux peuplé d’animaux ou d’adolescents pensifs ou rêveurs aux yeux masqués ou cachés par un masque. Comme en retrait du monde. Sa carte blanche à la Villa Savoye donnait l’occasion de révéler son nouveau motif : les oiseaux, que l’on retrouve ici.
Galerie Maubert (Paris) : Nicolas Daubannes, nommé Prix Drawing Now
J’avais rencontré Nicolas Daubannes dans son atelier marseillais à l’occasion de Paréidolie, autre foire du sud dédiée au dessin contemporain, conjointement à son exposition au Frac PACA puis au Palais de Tokyo. La limaille de fer et le béton sont chez lui l’occasion de revisiter des moments de lutte sociale et des figures de révolte ouvrière. Avec ce nouveau projet il explore ce qu’il appelle de la poussière d’étoile obtenue par concrétion de météorite. Egalement le béton se voit chargé de sucre dans des sortes de portraits très mélancoliques. Comme des visages du Fayoum. A la fois plastiquement poétique avec un sous-entendu très engagé.
Backslash (Paris) Odonchimeg Davaadorj, nommée Prix Drawing Now
Cette artiste d’origine mongole imprègne ces dessins d’une mythologie qui lui est propre faite de fleurs et de fils, d’animaux qui se métamorphosent. Le dessin devient l’écrin pour ses rêveries ancrées dans la terre et le feu. De la broderie à la vidéo en passant par le vêtement elle puise son inspiration dans les récits intimes dont elle révèle l’universalité autour du féminisme et de l’écologie. Chacune de ses installations est pensée pour le lieu qui l’accueille. Elle mériterait le Prix à mon avis ! On la retrouve à la Drawing Factory.
Anne de Villepoix (Paris) : Gastineau Massamba et Frank Lundangi
Sculpteur, peintre, il s’est lancé dans la broderie avec le dessin comme fondement de tout. Le corps comme ostracisé, dominé, colonisé par le regard de l’autre. La mort n’est jamais loin comme dans son pays d’origine, le Congo.Il refuse les étiquettes et toute forme de géthoisation autour d’un prétendu art africain.
Frank Lundangi est né en Angola et a été footballeur professionnel pendant 10 ans. Poète, ses aquarelles rassemblent des cosmogonies étranges et foisonnantes. Sorte d’eden originel.
Galerie Vachet Delmas (Sauve, Fr): Yoann Estevenin
J’avais beaucoup aimé l’exposition proposée par la galerie Guido Romero Pierini qui le représente également. De la céramique à la gravure, il est question de textures, de fards, de paillettes. Des clowns, des divas, des trapézistes peuplent ces cabinets de curiosité en puissance.
Les Filles du Calvaire : Thomas Lévy-Lasne
Je l’avais découvert lors d’une édition Drawing Now au Carreau du Temple grâce à la galerie Backslash. Personnalité haute en couleur très sympathique, Thomas Lévy-Lasne y proposait une installation immersive sous la forme d’ une grande forêt peuplée de fêtards un peu décalés au milieu des canettes de bières et des bouteilles. « Fragilité » cèdait le pas à « L’asphyxie » cette fois à la galerie des Filles du Calvaire autour de peintures proches de la catastrophe dans une sorte de jungle. Comment habiter le monde ? tel qu’il le résume. A présent sa nouvelle série de fusains créée pendant le confinement part du halo lumineux si présent sur nos écrans et nos visages captifs qu’il a saisit dans une palette de gris virtuose.
Laurent Godin : Lamarche Ovize
La série des Tissages de Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize entamée pendant l’été du confinement à partir d’images puisées dans des magazines de mode ou de décoration issus de la collection du Musée des Arts Décoratifs. Des projections imaginaires et fantasmées qui croisent l’histoire du goût dans des compositions en trompe l’oeil.
Galerie C (Neuchâtel) : Mathieu Dufois, nommé Prix Drawing Now
Lauréat Art Collector 2019, puisant son inspiration dans le cinéma noir il cherche les images fantômes ou manquantes à l’aide du dessin qui lui permet de sonder les traces, les épaisseurs du réel.
Xippas : Karishma D’Souza
Les aquarelles de cette artiste d’origine indienne qui vit à Lisbonne, sont empreintes de références culturelles et sociales de son pays qui au delà de l’évasion poétique posent des questionnements politiques autour notamment des rites de la caste des intouchables.
Infos pratiques :
Drawing Now Alternative
10- 13 Juin
42 rue du Faubourg Saint-Antoine