La Collection Société Générale par la commissaire Marie-Ann Yemsi : Transport Commun, volet 1

Kubra Khademi courtesy l’artiste, galerie Eric Mouchet, Transport Commun #1, Collection Société Générale x Marie-Ann Yemsi

La nouvelle carte blanche de la Collection Société Générale a été confiée à Marie-Ann Yemsi, commissaire indépendante qui signe Transport Commun en deux volets. Nous avons lors d’une visite limitée aux professionnels pu découvrir l’articulation qu’elle dessine entre les œuvres de la collection et des artistes invités. Elle a su transformer cet exercice imposé en une plateforme de découverte d’artistes émergents et engagés autour de questionnements sur l’altérité, l’identité plurielle, l’ouverture au monde. Un dialogue subtil et formellement très abouti dans les espaces du groupe à La Défense où travaillent et transitent au quotidien de nombreux collaborateurs. A partir d’axes, de formes artistiques et d’artistes de générations différentes, elle explore notre capacité à envisager le vivre ensemble autour de territoires en perpétuel devenir d’un monde de plus en plus fragmenté.

Dès le départ Marie-Ann Yemsi confronte la culture du hip hop et ses stéréotypes documentés par le film multi primé de l’artiste Elsi Ontiwa (découverte au Palais de Tokyo avec l’Ecole Kourtrajmé) aux sculptures de l’artiste brésilienne Lyz Parayzo (Sam art projects) qui se définit comme trans et activiste. Il est question de corps minorés et racisés mais aussi de revendication et de partage, comme elle le souligne. De même chez Romuald Jandolo, artiste qui a grandi dans un cirque, culture traditionnellement habituée aux rejets. Son oeuvre foisonnante questionne la notion d’identités plurielles et de marges. Ces lithographies ont été réalisées à partir d’une gravure de son visage sur une plaque qu’il va conserver le plus longtemps possible, comme elle l’explique. Il s’agirait donc de repousser les limites de l’identité. En regard les photographies de Jordi Colomer et Aglaé Bory relatent d’un être au monde poétique et engagé. Après cette mise en tension en préambule, nous abordons le couloir avec un autre dialogue subtil entre Kader Attia et El Mehdi Largo.

Aglaé Bory Autoportrait avec enfant, 2014 Collection Société Générale Transport Commun #1, Collection Société Générale x Marie-Ann Yemsi

Une confrontation entre un artiste confirmé Kader Attia, nommé à la prochaine Biennale de Berlin et le jeune artiste El Mehdi Largo, (diplômé des Beaux-Arts du Mans, prix Dauphine pour l’art contemporain en 2016) : d’un ailleurs qui se fracasse sur les rochers du port d’Alger aux gilets de survie tels que ceux empruntés par le père de El Mehdi Margo lors de sa traversée de la Méditerranée. Il vient rebroder des fragments de tapis de prière sur d’anciennes brassières, là où l’espoir cache une expérience humaine souvent tragique de la migration.

Dans un espace intermédiaire face à une vue sur un grand cimetière, 3 œuvres de la collection : une sculpture de Didier Marcel, un dessin de Barthelemy Toguo et la photographie de l’artiste sud-africaine Berni Searle interagissent avec la vidéo de la plus jeune artiste invitée Virginia Quadjovie intitulée La Parisienne.  Dans cette mini-série elle pose la question de ce mythe mondial d’une femme forcément élancée, sophistiquée, blonde…, qui exclut de fait un certain nombre de femmes. Elle questionne ce phénomène de représentation et d’invibilisation des autres corps.  

De même avec l’artiste sud-africaine Touriya Magadlela de la collection Société Générale qui questionne les discriminations et espaces d’autonomie des femmes à travers ces sculptures réalisées à base de collants habituellement réservés aux peaux claires. Une forme d’assignation en puissance qu’elle déjoue.

Turiya Magadlela Walking towards God III, 2017 Collection Société Générale

Dans le couloir l’on croise Carole Fekété, Sépànd Danesh « Architecture of inclusion » et l’artiste d’origine afghane réfugiée en France Kubra Khademi, sélectionnée à la Bourse Révélations Emerige en 2019 et actuellement exposée à la galerie Eric Mouchet. Performeuse, féministe, elle lutte contre le patriarcat de son pays, ce qui l’oblige à fuir et s’empare des tabous sur la sexualité et codes de représentation du corps féminin.

L’un des temps forts du parcours se joue dans l’installation, la peinture et le dessin d’animation de l’artiste Antwan Horfee que la commissaire a découvert lors d’une exposition chez Mécènes du Sud. Sa critique pleine d’humour de nos rituels de collection dans ce petit musée du kitsch tranche avec l’univers relativement formaté des lieux. Ce tour de force reflète la capacité de la commissaire à montrer cette diversité de la création contemporaine. L’artiste collecte des éléments du quotidien, miroirs de notre société de consommation.

Rakajoo

Marie-Ann Yemsi a tenu également à investir le foyer, habituellement réservé aux réceptions des visiteurs. Elle y déroule une puissante narration autour du piano et performances de Martin Faure, repéré à la dernière édition de Jeune Création, en écho au mécénat musical de la Société Générale, aux portraits plein de vie de Rakajoo, formé également à l’Ecole Koutrajmé et exposé chez Magda Danysz, des cordes et entrelacs de l’artiste brésilien Daniel Maria (Beaux Arts de Paris) également exposé par Sandra Hegedüs, Josèfa Ntjam qui « semple » différentes mythologies à des œuvres textiles (exposition Anticorps au Palais de Tokyo) ou Emmanuel Tussore qui à partir du salon d’Alep, revisite les ruines de l’histoire dans des fictions à la fois poétiques et symboliques. Résistance, traversée, transformation…, ce panorama sensible et engagé invite à décentrer nos regards et nos certitudes à une période de profonds bouleversements où les fragilisations de chacun se font plus criantes.

Dans un 2ème chapitre, à partir de septembre 2021, Marie-Ann Yemsi proposera un dialogue entre les œuvres des 14 lauréats de l’appel à projets du mécénat artistique Société Générale lancé par les Beaux-Arts de Paris et les oeuvres de la Collection. Pour rappel l’appel à projets lancé en novembre 2020 auprès des diplômés des cinq dernières années (2015-2020) des Beaux-Arts de Paris, avait suscité 152 dossiers de candidatures. Parmi eux, 28 présélectionnés ont été présentés au Comité d’acquisition de la Collection Société Générale qui a choisi 14 artistes lauréats, dans 4 catégories (Peinture, Dessin-Arts Graphiques, Photographie, Sculpture-Installation). Chaque lauréat a reçu une dotation de 5.000 € pour l’acquisition de son œuvre, qui a rejoint la Collection Société Générale.

Etant donné le contexte actuel, des visites guidées en visioconférences commentées par la commissaire ou des médiateurs sont proposées sur le site de la collection www.collectionsocietegenerale.com

Teaser Transport commun volet 1 Collection Société Générale x Marie-Ann Yemsi

Les artistes invités : Martin Faure, Antwan Horfee, Romuald Jandolo, Kubra Khademi, El Mehdi Largo, Daniel Nicolaevsky Maria, Josèfa Ntjam, Elsie Otinwa, Lyz Parayzo, Virginia Quadjovie, Rakajoo et Emmanuel Tussore.

Les artistes sélectionnés dans la Collection Société Générale : Kader Attia, Omar Ba, François Bard, Aglaé Bory, Ulla von Brandenburg, Stéphane Calais, Jordi Colomer, Danica Dakić, Sépànd Danesh, Philippe Decrauzat, Philippe Favier, Carole Fekété, Raymond Hains, Turiya Magadlela, Didier Marcel, Jonathan Monk, François Morellet, Lyndi Sales, Berni Searle et Barthélémy Toguo.

À propos de Marie-Ann Yemsi :

Marie-Ann Yemsi est commissaire d’exposition et consultante en art contemporain. Née en Allemagne et diplômée en Sciences Politiques, elle vit et travaille à Paris. En 2005, elle fonde Agent Créatif(s), un atelier de production culturelle et de conseil en art contemporain avec une expertise reconnue notamment pour les artistes contemporains du continent africain et des diasporas. Directrice Artistique de « Afrotopia », la 11ième édition des Rencontres de Bamako – Biennale Africaine de la Photographie (2017), elle est la commissaire de plusieurs expositions internationales dont « Odyssées africaines » au Brass (Bruxelles) en 2015, «Le jour qui vient » à la Galerie des Galeries (Paris) en 2017, « A silent Line, Lives Here » au Palais de Tokyo (Paris) en 2018 et «HAVE YOU SEEN A HORIZON LATELY ?» au MACAAL – Musée d’Art Contemporain Africain Al Maaden (Marrakech) en 2020. Elle est commissaire invitée du Palais de Tokyo (Paris) pour l’exposition collective «Ubuntu, un rêve lucide» qui se tiendra à l’automne 2021.

Infos pratiques :

Transport Commun volet 1

Pour s’inscrire à une visite guidée en visioconférence :

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Relire mon interview avec l’artiste Rakajoo à la galerie Magda Danysz.