Jean-Roch Bouiller, une exposition en contre point de la Collection Pinault et un Musée des Beaux-Arts bis dans le quartier prioritaire de Maurepas à Rennes

Jean Roch Bouiller, Focus sur le Retour de la lumière Episode 33 du musée confiné.

En complément de mon tour de France des expositions confinées à Rennes, après le Frac Bretagne, 40mcube et la Criée, le Musée des Beaux-Arts aux très riches collections d’art ancien, moderne et contemporain. Jean-Roch Bouiller après avoir été conservateur à la Cité de la céramique de Sèvres et au Mucem de Marseille a pris la direction du musée des Beaux-Arts de Rennes en 2019. Adepte des synergies locales et animé d’une vision transdisciplinaire, il prépare en écho à l’exposition de la Collection Pinault une exposition conçue avec les responsables des centres d’art de 40mcube et de La Criée, Anne Langlois et Sophie Kaplan qu’il a invitées pour ce commissariat partagé. De plus et dans le cadre de la politique prioritaire de la ville, une antenne du Musée des Beaux-Arts va ouvrir dans le quartier de Maurepas en lien avec la commande artistique publique passée autour de l’ouverture de la nouvelle ligne B du métro. Il nous dévoile les grandes lignes de cet ambitieux projet qui place plus que jamais la culture au cœur de la vie de la cité, n’en déplaise à nos responsables gouvernementaux pour qui la culture reste non essentielle…

Jean-Roch Bouiller Musée des beaux-arts de Rennes, exposition Créatrices l’émancipation par l’art de l’été dernier 2019

Retour sur la place des donateurs dans les collections du musée « la moitié des acquisitions depuis 10 ans » comme vous le déclariez à l’occasion de l’exposition « Etonnants donateurs » et Stanley Willam Hayter en fait partie, est ce que cela a constitué le point de départ de cette exposition ?

Nous avions en effet proposé l’exposition intitulée Etonnants donateurs l’année dernière autour de cette dimension qui représente 50% environ de notre politique d’acquisition.

L’exposition est effectivement liée à cela car elle est l’aboutissement d’un compagnonnage avec Nicole Marchand-Zaňartuqui nous a donné en 2017 un certain nombre d’œuvres d’Enrique Zaňartu, proche collaborateur de Hayter, ce qui a permis à la commissaire, Laurence Imbernon, de découvrir l’immensité du travail de Stanley William Hayter. Au-delà de cette dotation, l’exposition que nous présentons et qui reste malheureusement non ouverte au public, est construite avec des œuvres provenant d’origines multiples, qu’elles soient publiques et privées, nationales et internationales.

Hayter et l’atelier du monde vue de l’exposition Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021

Le parcours de l’exposition : quels ont été vos partis pris scénographiques ?

Pour être totalement sincère avec vous j’avais une appréhension de départ sur une exposition uniquement de gravures, ce qui suppose des formats particuliers, petits ou moyens et un vocabulaire que je craignaistrès répétitif, ce qui n’est pas du tout le cas au final. Nous avons souhaité exposer des mediums multiples avec beaucoup de gravure certes mais aussi de la peinture et de la sculpture. L’exposition est construite de façon assez classique et chronologique autour des 3 temps de la carrière de Hayter : la première période à Paris de 1927 à 1939, la deuxième période à New York avec la recréation de l’atelier 17 pendant la 2eme guerre mondiale et jusqu’aux années 1950 et le retour à Paris dans les années 1950. Dans ces 3 grandes parties nous présentons à la fois des œuvres de Hayter lui-même et aussi de tous les artistes qui sont passés par l’atelier et nombreux sont les grands noms du XXème siècle à en avoir fait l’expérience de Giacometti à Helena Viera de Silva, Picasso, Miro, Masson, Giacometti, Louise Bourgeois…

Hayter et l’atelier du monde vue de l’exposition Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021

Les travaux autour du Patio et l’accrochage inaugural autour de la lumière

Nos espaces d’exposition temporaires à Rennes sont répartis à la fois entre le grand patio monumental au niveau de l’accueil et le parcours des salles d’exposition temporaires. Nous faisons en sorte en général que l’exposition temporaire investisse également l’espace du patio, ce qui se révélait impossible avec les œuvres exposées pour Hayter en grand majorité graphiques et nécessitant un éclairage inférieur à 50 lux. De plus nous venions de terminer les travaux de rénovation totale de la verrière et il nous semblait important de célébrer ce retour à la lumière assez spectaculaire. Nous avons alors proposé un accrochage à partir de nos collections et des collections du Frac Bretagne autour du noir et du blanc, dans cette idée d’un matériau premier utilisé par les artistes pour accrocher la lumière, peintres en particulier. Le point de départ de la réflexion a  été deux tableaux de Soulages, l’un daté des années 1950 appartenant au Frac Bretagne et l’autre des années 2010 qui montrent comment Soulages, à presque 60 ans d’écart, utilise les mêmes formats et les mêmes techniques dans un rapport particulier à la lumière.  Soit elle jaillit de la toile au début de sa carrière, soit elle vient l’accrocher et s’y reflète à la verticale à cause du caractère rugueux du tableau. D’autres artistes gravitent autour comme Gottfried Honegger, John Cornu, Vera Molnar, François Morellet, Bernard Frize ou Yan Pei-Ming.

Jacques Hérold et Gherasim Luca, Le Sorcier noir, 1950, boîte-livre, 17,5 x 24 x 1,5 cm, n° 11, contient une feuille-titre, une planche d’échantillons minéralogiques colorés, disposés sur un carton, et une estampe en blanc portant un gaufrage, collection privée © Rennes, Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021 © Adagp, Paris, 2021

En ce qui concerne la vie de la collection, quelles sont vos priorités en termes d’acquisition ?

Le musée des Beaux-Arts de Rennes, est tricéphale avec trois grands axes de collections.

Tout d’abord un axe autour d’un musée-monde avec cette ambition un peu démesurée de donner à voir les fondements archéologiques, culturels et artistiques des 4 continents non-européens dans une dimension de cabinet de curiosité, au rez-de-chaussée.

Nous avons un 2ème axe très fort autour de l’art ancien avec des œuvres du XIVème au XIXème siècle et enfin un axe moderne et contemporain.

Notre politique d’acquisition reflète obligatoirement ces 3 axes et comme pour tout musée nous avons à cœur à la fois de renforcer nos points forts et combler nos lacunes tout en restant très pragmatiques en matière de politique d’acquisition. Nous restons très dépendants d’une part de ce qui arrive sur le marché et d’autre part des propositions de donation qui nous sont faites et devons donc rester très ouverts et observateurs.

Stanley William Hayter, Sacre du printemps, 1952, huile sur toile, collection privée © Rennes, Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021 © Adagp, Paris, 2021

L’exposition en regard de la Collection Pinault a dû être reprogrammée suite à la pandémie : enjeux de ce commissariat partagé avec Sophie Kaplan et Anne Langlois 

Cette exposition qui s’intitule « La couleur crue » est en effet directement liée à notre partenariat avec la Collection Pinault. C’est une double exposition qui aurait dû avoir lieu en 2020 et pour laquelle nous sommes encore en train de préparer des supports de communication actualisés. Nous souhaitions au musée impliquer les deux centres d’arts à Rennes : 40mcube et La Criée pour souligner le fait que, parallèlement à un acteur aussi important que la Collection Pinault, il existe aussi d’autres acteurs de l’art contemporain à Rennes qui font un travail sur le long terme de diffusion. Cela me semblait naturel que le musée des Beaux-Arts puisse incarner cette dimension de vitrine d’un territoire particulièrement riche en terme de propositions en art contemporain. Le dialogue à trois a été très fructueux entre nous et nous avons eu beaucoup de plaisir à réfléchir à la fois en écho à la proposition de la collection Pinault et les solliciter sur quelques œuvres qu’ils ont bien voulu nous prêter pour arriver à cette double proposition assez réjouissante je crois. Les deux propositions sont en effet très différentes mais se répondent l’une et l’autre avec d’un côté le Noir et le blanc au Couvent des Jacobins et une plongée dans la couleur crue au musée des Beaux-Arts. Nous avons ainsi rempli ce double objectif en proposant aux visiteurs un événement de grande envergure.

L’ouverture du musée des Beaux-Arts de Maurepas : quels enjeux et à quel horizon ?

Nous sommes effectivement en train de travailler sur une antenne du musée des Beaux-Arts dans le quartier de Maurepas, quartier prioritaire de la politique de la ville qui fait l’objet d’un important travail de requalification et restructuration urbanistique pour renouveler le visage de ce quartier. Parmi les nouveautés de ce réaménagement plusieurs équipements culturels vont trouver une nouvelle place ou être créés ex-nihilo comme pour l’antenne du musée en lien avec le  projet de commande artistique publique passée à un certain nombre d’artistes à l’occasion de la mise en place de la nouvelle ligne B du métro. Plutôt que de proposer une œuvre seule dans ce quartier, l’idée a été de créer un équipement pérenne issu d’une institution du centre-ville.

Notre projet est d’abord d’aller à la rencontre des acteurs culturels déjà implantés dans le quartier et des habitants pour pouvoir réfléchir avec eux sur le sens que peut avoir ce nouvel équipement. A terme, nous avons comme objectif de pouvoir créer des liens et des allers retours entre le musée des Beaux-Arts Quai Emile Zola et le musée des Beaux-Arts de Maurepas, tous les deux reliés par le métro à 3 stations de distance. Deux équipements qui seront complémentaires dans deux quartiers différents mais proches grâce à ce trait d’union.

La première exposition même s’il est encore un peu tôt pour en parler précisément, sera très connectée à la commande artistique du métro puisque nous travaillons à un projet avec l’artiste Isabelle Arthuis qui a déjà dans sa pratique une grande expérience de la co-construction de projets avec des non-professionnels de la scène artistique. Nous souhaitons nous appuyer sur toutes les expériences qui existent déjà dans le champ de l’art contemporain où des artistes font un pas de côté pour aller à la rencontre d’habitants, d’associations, des gens dont l’art contemporain n’est pas le métier principal mais qui portent un autre regard, une autre attente, un autre besoin.

Un autre aspect de la programmation sera directement connecté à notre programmation d’expositions temporaires au musée, ce qui incitera nos visiteurs à prendre le métro et à aller trois stations plus loin, dans cette antenne.

Infos pratiques :

Le retour de la lumière

Hayter et l’atelier du monde

Conçue en relation avec la Bibliothèque nationale de France, cette exposition, soutenue par le FRAME (FRench American Museum Exchange), s’inscrit dans la programmation Une saison américaine en France, en partenariat avec le musée d’Arts de Nantes, le Centre de la Vieille Charité à Marseille et le musée Fabre de Montpellier, tous membres de ce réseau de coopération culturelle franco-américain.

Un été contemporain à Rennes : la couleur pure au musée des Beaux Arts

En attendant la réouverture…

Contenus en ligne Facebook @museebeauxartsrennes 

Épisode 35 du musée confiné. Vera Molnar. Poursuivons la découverte des artistes femmes…

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