Invitée par Emmanuel Perrotin à participer à la 1ère session de #Restons Unis, Anne-Sarah Benichou revient sur cette initiative solidaire en ce temps de crise. Alors qu’elle a dû faire face à l’annulation de 2 foires : Drawing Now et ARCOlisboa (version digitale), la galeriste insiste sur la nécessaire mobilisation de la profession dans cette épreuve. Siégeant au bureau du Comité Professionnel des galeries et du Paris Gallery Week-end elle défend la carte collective. Sa galerie fondée dans le marais depuis 2016 a su trouver sa place du fait de la personnalité et le regard très sûr de sa fondatrice qui n’hésite pas à oser les rapprochements de générations et de styles. La galerie a réouvert avec une exposition solo de Chourouk Hriech, véritable ode au vivant.
Vous rouvrez la galerie après une longue immobilisation, quel bilan dressez-vous de la période ?
Le bilan est assez catastrophique, et nous savons que le milieu de la culture a été profondément affecté par cette crise. Plusieurs études ont été publiées par le Comité des galeries d’art qui estime probable qu’1/3 des galeries puisse fermer d’ici la fin de l’année. On sait aussi à quel point les artistes ont été fragilisés par la fermeture des galeries, l’absence de ventes, l’arrêt de la majorité des évènements culturels et l’annulation des foires. Nous sommes donc face à un bilan négatif et inquiétant qui demande une grande mobilisation pour essayer de continuer à avancer et à résoudre cette crise dans les meilleures conditions.
Vous participez à Restons Unis en quoi cette initiative solidaire vous a t-elle séduite ? comment s’est faite l’invitation d’Emmanuel Perrotin ?
En effet j’ai la chance de faire partie de cette initiative prise par Emmanuel Perrotin, galeriste passionné qui sachant l’importance de la richesse du réseau des galeries parisiennes, dont de nombreuses plus petites que la sienne se retrouvaient menacées, a souhaité dans un élan de générosité réagir pour venir en aide à ses collègues en leur proposant l’espace de sa galerie mais aussi toute sa force de frappe commerciale, de réseaux et de communication. J’ai été très séduite par l’idée quand il m’a appelé personnellement et ai tout de suite accepté. C’est quelqu’un que j’admire et respecte beaucoup et cela m’a touché d’être retenue dans cette sélection de 26 galeries.
De plus le travail collectif entre galeries est au cœur de mes engagements que ce soit au board du Paris Gallery Week-end ou du Comité Professionnel des galeries d’art. Les initiatives en commun ont toujours été nécessaires et le sont plus que jamais. On ne sera que plus forts pour tenir le coup en mettant en commun nos réseaux et nos liens.
J’ai décidé de présenter à cette occasion Marion Baruch la doyenne des artistes chez Emmanuel Perrotin et de mes artistes. C’était important pour moi de pouvoir la montrer car j’ai du annuler son exposition prévue en ce moment à la galerie pour cause de report de calendrier. Le choix s’est fait ensuite en accord avec les autres galeries, l’idée étant de proposer une exposition collective où les différents œuvres et artistes pouvaient se répondre et interagir. On rejouait ainsi ensemble cette solidarité. De plus l’espace de Perrotin étant très imposant il fallait penser à des pièces plutôt de grande taille et disponibles dans un délai très rapide puisque nous étions la 1 ère session. Le travail de
Marion répondait donc à des critères à la fois intellectuels, artistiques, stratégiques et des raisons plus pratiques d’organisation.
Comment vos artistes ont-ils réagi au long de cette période et les avez-vous accompagnés ?
Les réactions ont été très différentes selon les artistes. Certains ont profité du confinement pour s’enfermer dans l’atelier et produire de nouvelles œuvres comme Yann Lacroix qui a beaucoup peint pendant 2 mois. D‘autres étant enseignants ont été rattrapés par les problématiques des écoles d’art, d’autres avaient des sources de revenu annexes. L’impact n’a pas été le même pour tous, mais de façon moindre que pour ceux qui sans galerie se retrouvent sans aucun moyen de vendre. J’ai apporté un soutien à la fois matériel et moral aux artistes car au-delà des annulations de foires ou autres coups durs, on se serre les coudes et on espère tous que l’économie va reprendre sans trop de
délai.
A quel horizon estimez-vous une reprise réelle ?
Il encore difficile de répondre et je pense qu’il n’y aura pas de reprise d’ici l’automne, sous réserve de la tenue des foires et la réouverture des frontières au-delà de l’Europe. Si Bâle n’a pas lieu, ni la FIAC, ni Paris Photo, j’imagine mal une reprise ou un début de reprise. Si les américains ne peuvent plus revenir, le marché asiatique ne peut reprendre il n’y aura pas cette reprise mondiale qui doit se déclencher, étant tous liés les uns aux autres. Il y aura peut-être un retour des collectionneurs dans les galeries et une légère reprise à l’automne mais une reprise globale du marché sera beaucoup plus longue.
Pensez-vous que le monde de l’art saura tirer les leçons de cette alerte ?
J’ai peu d’espoir si tant est que ce soit le bon terme car même si on se dit aujourd’hui qu’il y a trop de foires, de voyages, de spéculation… si l’économie repart, tout sera vite oublié face à un monde qui va très vite, où tout est mondialisé et tout s’accélère qu’on le veuille ou non.
En écoute : 🎧
FOMO Podcast Anne-Sarah Benichou, galeriste
Infos pratiques :
Restons Unis, galerie Emmanuel Perrotin, rue Saint-Claude
Acte 1 avec : Balice Hertling, Anne-Sarah Bénichou, Crèvecœur, Frank Elbaz, Antoine Levi et Semiose.
à la galerie :
Chourouk Hriech …et des échelles pour les oiseaux
ARCOlisboa 2020 on line : la proposition d’Anne-Sarah Benichou