Alexia Fabre : «Je rêve d’accueillir le public à bras ouverts et de retrouver les œuvres, dès que nous en aurons l’autorisation et les moyens sanitaires et techniques»

Le MAC VAL qui relève du Conseil départemental du Val-de-Marne et de la Préfecture attend le feu vert et les consignes spéciales de réouverture. Alexia Fabre est impatiente et se dit prête ! Elle s’interroge avec lucidité sur les leçons à retirer d’une telle situation au niveau de notre système de diffusion de l’art et de soutien aux artistes. L’exposition du duo Brognon & Rollin (cf mon article) est prolongée jusqu’en janvier 2021 (sous réserve) et Alexia Fabre a veillé à rémunérer les artistes et intervenants invités, malgré la déprogrammation ou le report de leurs interventions, afin qu’ils soient le moins pénalisés possibles.

Quelle est la liste de vos envies de déconfinement ?

Je rêve, réellement, de retrouver les oeuvres récemment installées dans le musée et ses deux dernières expositions, fermées à peine quelques jours après l’ouverture. Je rêve aussi d’accueillir le public à bras ouverts, dès que nous en aurons l’autorisation et les moyens sanitaires et techniques. Comme à l’occasion de notre Pic Nic du musée le dimanche 5 juillet. Pourra t-il avoir lieu ? C’est une invitation très emblématique de nos actions et de notre relation à la population car il rassemble dans le jardin du musée nos partenaires associatifs, éducatifs de l’année écoulée, mais aussi les voisins et en général les amis du musée.

Enfin, je rêve d’aller voir la mer….

Vue de l’exposition de la collection « Le vent se lève ». Au centre, Laurent Pernot, Atlas, 2017.
Papier marouflé sur argile, résine polyester, fibre de verre, dimensions variables.
Collection MAC VAL. Acquis avec la participation du Fram Île-de-France© Adagp, Paris 2020. Photo © MAC VAL.

Quelles solutions digitales avez vous mis en place et avec quelle visée ?

Comme je le disais nous sommes privés de notre matière première et réelle, le lieu, les œuvres (en vrai !) et le public.Nous tentons donc de poursuivre notre mission de rencontre entre les projets artistiques, les artistes et le public en développant, sous la forme de rendez-vous régulier chaque jour à 13h sur les réseaux sociaux et le site une offre numérique qui rende compte de la personnalité du MAC VAL : avec des rencontres avec des artistes, leur voix, leur témoignage, leur présence , ou leur atelier : nous lançons en effet un très beau rendez-vous où l’artiste, aujourd’hui Ange Leccia nous montre son atelier, le lieu de son confinement mais aussi de son travail, de sa création.
Beaucoup d’artistes répondent avec enthousiasme à cette invitation de continuer, autrement de s’adresser au public. D’autres rendez-vous, à l’adresse des enfants (jeux…) sont également programmés, comme la diffusion d’une grande partie des archives regroupant les entretiens avec les artistes, véritable marque de fabrique du MAC VAL.

Brognon Rollin,
Attempt of Redemption Vidéo couleur, muet, 11’10’.
Collection FRAC Lorraine, France

Quels impacts un tel séisme peut-il avoir sur les artistes et les mesures annoncées par le gouvernement vous semblent-elles réalistes ?

Je suis très inquiète sur les répercussions, à court et moyen terme de la baisse, pour ne pas dire la chute d’activité pour les artistes et les différents acteurs du monde artistique, institutions, prestataires … Tout cela constitue une chaîne et chaque maillon y est essentiel pour qu’elle tienne. Or, nous pouvons l’imaginer, tous les acteurs sont impactés.
Comment les collectivités vont elles se relever ? L’Etat, les Départements qui portent la mise en oeuvre de la politique sociale de la nation.
Les mesures énoncées par l’Etat, par le CNAP sont essentielles, vitales aujourd’hui, mais elles ne peuvent compenser la disparition de l’activité. Il dépendra aussi de nous, institutions, de prioriser dans nos projets à venir la meilleure utilisation de nos moyens. Plus pour les artistes, donc au détriment d’autres actions ? C’est certain, ce sont ces choix auxquels il nous faut faire face, comment accompagner au mieux les artistes dans l’avenir proche.

Brognon Rollin
Until Then (Saint Savinien) 2018.
Performance, durée variable.
Photo © Origins Studio Paris

Pensez-vous que notre écosystème soit prêt à aborder des solutions collectives de solidarité ?

Je l’espère très fort, mais je n’en suis pas sûre ! Mais cela ne dépend que de nous.Le tout est que nous ne nous replions pas chacun sur nos difficultés et urgences, mais que nous profitions de cette immense contrainte pour nous poser les vraies et seules questions aujourd’hui essentielles.
A travers de nombreux échanges avec des collègues et ami.es, j’ai le sentiment que l’écosystème s’interroge aujourd’hui, et tend à partager ces sujets pour envisager des « solutions », des tentatives.
Nous en sommes encore aux prémisses car l’urgence nous a tous débordés, mais je pense que va se mettre en place et j’espère en oeuvre une réflexion collective sur la solidarité, sur le faire ensemble, peut être faire moins et mieux…

En matière de conscience écologique cette crise qui sonne comme une alerte entrainera-t-elle des changements durables dans nos habitudes et comportements pour concevoir et montrer de l’art, le partager et le vivre ?

Je rebondis sur la fin de ma réponse précédente. Je crois que oui nous étions déjà beaucoup, et au MAC VAL réellement, engagés à interroger et revoir, refonder nos pratiques. La nécessité nous rattrape. Nous ne pouvons plus tergiverser, il y a urgence. Tant les moyens qui seront probablement en baisse, que notre volonté de raisonner notre activité, nous poussent à revoir nos rythmes, nos missions mêmes. Par exemple, nous pouvons interroger le sujet de la production, de collection même, des prêts et des transports.
Devons-nous raisonner notre production matérielle, freiner l’accumulation ? Mais les artistes ne sont ils pas là pour produire justement ?
C’est avec eux et selon eux que nous trouverons le chemin, mais il est clair que cette situation nous bouleverse et que nous devons en faire l’occasion d’améliorer notre relation au monde.
Néanmoins cette privation de déplacement, et pour rester dans notre sujet de rencontre physique avec les œuvres, me convainc encore plus si possible de la nécessaire rencontre physique. L’art ne peut se rencontrer uniquement par le numérique, les œuvres se parlent dans un espace, et elles s’adressent à nous par leur matérialité, par ce qui se joue entre elles et nous.

Relire mon article Le Vent se Lève du 8 mars 2020.

L’offre numérique :
Découverte numérique de la nouvelle exposition Le Vent se Lève
Tout un contenu numérique pour découvrir l’univers des artistes Brognon Rollin :
http://www.macval.fr/L-avant-derniere-version-de-la-realite

Visite à distance avec TCQVAR :
http://www.macval.fr/L-avant-derniere-version-de-la-realite#article6943

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