William Klein. Dorothy et Little Bara habillé en prêtre. Publié dans Vogue, octobre 1960.
© William Klein
Pour celles et ceux qui ont eu la chance de découvrir cette exposition et les autres qui devront patienter ou se consoler avec le superbe catalogue (à commander auprès de votre librairie préférée), retour sur l’un des évènements marquants de cet automne à Paris. Le Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, a fêté sa réouverture et le centenaire de ses collections (plus de 200 000 pièces) avec faste dans de somptueux écrins agrandis de plus de 700m² baptisés : « Galeries Gabrielle Chanel » (galerie courbe en rez-de-chaussée), grâce au concours de la Maison Chanel qui signe l’exposition : « Gabrielle Chanel, manifeste de mode ».
L’occasion de se pencher sur les innovations majeures de la couturière au trèfle à quatre feuilles dans un parcours organisé autour de 10 chapitres qui soulignent les incontournables de la quintessence du style Chanel. Plutôt que de revenir sur les éléments de sa biographie : l’orphelinat, les ressorts de son ambition, sa soif de reconnaissance, les hommes de sa vie…, ce qui manque parfois pour comprendre le mythe Chanel, il est question de traduire une élégance faite de rigueur et de minimalisme à partir d’ une scénographie radicale et sobre qui reproduit les codes de la Maison et de l’appartement de la rue Cambon.
L’ensemble est très convaincant autour de jalons iconiques tels que la marinière de 1916, la petite robe noire, le gros cabochon fantaisie, le fameux sac 2.55 matelassé tant de fois imité ou le soulier bicolore.
Le tailleur est évidemment sa marque de fabrique, véritable manifeste à lui tout seul d’une véritable posture faite de fausse nonchalance et de quête émancipatrice. Il est l’équivalent chez elle du costume masculin, concentré de souplesse et de précision qui laisse au corps son mouvement et le libère de toute entrave. Ce moment du parcours dans la galerie courbe est exceptionnel. Comme avec les robes ou les jupes conçues pour des femmes qui travaillent. On est à des années lumières du New Look de M. Dior qui triomphe après-guerre. Le chic se fait casual autour de la notion de confort à travers l’emploi de matériaux inattendus empruntés au sport et au vestiaire masculin et une volontaire recherche de simplicité et de cohérence. Une silhouette est née qui devient iconique et traverse de nombreux territoires de la création comme le cinéma notamment à travers des garde-robes iconiques comme pour Jeanne Moraud (Ascenseur pour l’échafaud), Delphine Seyrig (l’Année dernière à Marienbad) ou Romi Schneider (Boccacio 70), toutes inoubliables dans leur parfaite adéquation avec les transformations intérieures vécues par ces héroïnes.
Bienvenue dans le dandysme au féminin comme le souligne Caroline Evans, professeur d’histoire et de théorie de la mode au Central Saint Martin College de Londres dans le catalogue. Le bijou et l’art de la parure imaginés aux côtés de génies tels que François Hugo, Etienne de Beaumont ou Robert Goossens à partir d’inspirations multiples entre l’orient et l’occident, le moyen âge et l’époque moderne dans la galerie d’honneur restera longtemps dans nos souvenirs.
Commissaires :
Miren Arzalluz, directrice du Palais Galliera
Véronique Belloir, responsable de collection du Palais Galliera
Directeur artistique :
Olivier Saillard, historien de la mode
Infos pratiques :
“Gabrielle Chanel. Manifeste de mode”
Jusqu’au 14 mars 2021
Le Palais Galliera est fermé depuis le 30 octobre comme l’ensemble des musées de la Ville de Paris.