Giorgio de Chirico, le métaphysique au musée de l’Orangerie

Chirico Giorgio de (1888-1978). Royaume-Uni, Londres, Tate Collection. T04109.

Si aucune œuvre de Giorgio de Chirico n’est dans les collections du musée de l’Orangerie, en revanche Paul Guillaume son marchand a fait beaucoup pour sa reconnaissance et postérité dans l’art moderne. C’est pourquoi ce nouvel éclairage porté par le musée de l’Orangerie sur les peintures de Giorgio de Chirico d’avant 1918 a tout son sens.

C’est Breton qui devant l’une de ses œuvres à la galerie « Le Revenant » pose les jalons de sa matrice métaphysique. Le séjour parisien de l’italien né en Thessalie, (berceau des Argonautes ce qui a son importance), entre 1911 et 1915 est l’un des chapitres de cette exposition avec comme commissaire général Paolo Baldacci à qui l’on doit « De Chirico à Ferrare, Métaphysique et avant-garde », Ferrare étant une autre ville décisive, associé à Cécile Girardeau, conservatrice au musée de l’Orangerie et Annabelle Gorgen-Lammers conservatrice de la Kunsthalle de Hambourg pour la partie sur Munich. Trois villes essentielles dans la genèse du processus de création de l’artiste.

Giorgio de Chirico (10.7.1888 – 20.11.1978) / Maler, Serenade. 1909 Öl auf Leinwand, 82 x 120 cm Inv.-Nr. A II 797 Creditline: Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie / Fotograf: Jürgen Liepe VG Bild-Kunst, 53113 Bonn, Weberstr. 61, www.bildkunst.de Werbliche Nutzung nur nach Rücksprache!

A Munich où il étudie à l’Académie des Beaux-Arts il définit sous l’influence du romantisme allemand et de la philosophie de Nietzsche la proto-métaphysique, en s’identifiant fortement lui et son frère aux Argonautes. Une Antiquité sublimée par les mythes autour de « l’éternel présent » (Ainsi parlait Zarathoustra) entre lumières et ombres, féminin, masculin, dialectique dionysiaque ou apollinienne.

Chirico Giorgio de (1888-1978). Paris, Centre Pompidou – Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle. AM2009-198.

Puis c’est la rencontre avec Apollinaire et d’autres amitiés importantes pendant le séjour parisien ; Picasso qui lui rend hommage dans « L’homme assis au chapeau melon », mais aussi Modigliani ou Brancusi selon leurs correspondances. Il participe aux Salons et côtoie les avant-gardes. s’inscrivant dans le prolongement des Illuminations de Rimbaud, il met au point ce qu’il désigne la « solitude des signes » autour de rapprochements d’objets incongrus dont Breton perçoit toute la puissance onirique comme en témoigne une photographie de Man Ray de 1925 d’André Breton devant « L’énigme d’une journée ».

Mais avec la guerre, Giorgio de Chirico et son frère doivent quitter Paris pour aller remplir leurs obligations militaires en Italie. Hospitalisé pour troubles nerveux à l’hôpital militaire de la Villa del Seminario de Ferrare et privé d’atelier, il trouve dans cette parenthèse une sorte de refuge salutaire d’où il se met à peindre des objets du quotidien au milieu de prothèses orthopédiques, mannequins et autres accessoires de rééducation pour les soldats qui apparaissent dans les œuvres. Une lecture clinique des atrocités de la guerre dans la verve de Dada qui deviennent des sortes d’accumulations, de « géographies muettes » pour reprendre les propos de Paolo Baldacci, peuplées d’avertissements mystérieux. Comme si l’artiste face à cette grande folie du monde se retranche dans un recueillement aux confins du syncrétisme et de l’invisible (Le rêve de Tobie, les Poissons sacrés). Un art métaphysique qui s’épanouit dans ce climat singulier de Ferrare entre juin 1915 et décembre 1918 aux côtés de Giorgio Morandi et Carlo Carra.

Giorgio Morandi, Nature morte, 1920
© Ministero per i beni e le attività culturali e per il turismo (MiBACT) – Pinacoteca di Brera – Archivio Fotografico © ADAGP, Paris, 2020

C’est l’une des originalités de cette exposition de nous faire revivre cette période qui n’avait pas été étudiée à part entière par les précédentes rétrospectives de Giorgio de Chirico notamment celle de 2009 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris qui couvrait l’ensemble de son travail jusqu’aux années pastiches fortement rejetées par la critique, Breton en tête à partir de 1920, même si ces œuvres de 1950 à 1970 connaissent actuellement un regain d’intérêt.

A noter que les collections du musée de l’Orangerie bénéficient d’un nouvel accrochage que l’on doit à Cécile Debray.

Infos pratiques :

Giorgio de Chirico. La peinture métaphysique
Jusqu’au 14 décembre 2020
Musée de l’Orangerie


Réservation obligatoire. Mesures spéciales COVID 19.

https://www.musee-orangerie.fr/