Mathias Ary Jan : « Cette crise sanitaire n’est que le révélateur d’une mutation déjà amorcée »

Mathias Ary Jan, Biennale Paris, Grand Palais

Collectionneur depuis sa tendre enfance, Mathias Ary Jan se passionne pour Drouot
et décide, à 19 ans, d’en faire son métier. Après s’être consacré à la peinture du
XIXe dans une première galerie place du Palais Royal, Mathias Ary Jan se spécialise
dans les mouvements Orientaliste et Belle Epoque en ouvrant une 2 ème galerie rue de
Penthièvre, dans le 8è arrondissement. Parallèlement, il s’engage auprès du
Syndicat National des Antiquaires et devient le plus jeune président de la Biennale
en 2016, à l’âge de 45 ans. Il y pose les jalons du renouveau en renforçant
l’attractivité de cette incroyable marque de fabrique qui s’annualise. Pour ses 30 ans,
Biennale Paris, sous son impulsion, se tourne vers une nouvelle génération de
marchands et d’amateurs et propose à Jean-Charles de Castelbajac d’en imaginer la
scénographie. Mathias Ary Jan, à l’occasion de l’inauguration d’une nouvelle adresse
au 32 avenue Marceau, organise une exposition consacrée à Jacques Majorelle
alors qu’au même moment, ouvre le nouveau musée Yves Saint Laurent Pierre Bergé à Marrakech.
Nous le rencontrons à l’occasion de son exposition Masterpiece qui réunit les
tableaux prestigieux qu’il destinait à la Biennale. Las, la pandémie est passée par là
mais si cette crise agit comme un révélateur, les mutations du digital étaient déjà à
l’œuvre, précise t-il. Au-delà de ces changements, il insiste sur le caractère
irremplaçable du contact réel avec une œuvre. Il observe, suite à cette vague
d’annulation de foires et de salons, un retour très net de la fréquentation en galerie,
ce dont il se félicite.

A quand remonte votre passion pour les oeuvres d’art et votre vocation ?

Depuis mon enfance. J’ai toujours été passionné par les objets, les œuvres d’art, les
musées. Autodidacte de formation, je me suis lancé très jeune dans ce métier en
découvrant la frénésie du marché de l’art à Drouot. Cet univers m’était alors inconnu
même si j’avais parcouru de nombreux livres sur l’art et exercé mon œil.

Adolphe Alexandre Lesrel 1839-1929
Le départ des hirondelles Galerie Ary Jan

L’exposition Masterpiece 

Comme vous le savez, cette année à cause de la crise sanitaire, beaucoup de salons
ont été annulés dont la Biennale. J’ai donc voulu, à travers cette exposition, proposer
une sélection de tableaux que j’avais réservés pour la Biennale, des pièces
d’exception trouvées à travers le monde. J’ai organisé à la fois un vernissage et une
exposition de 3 semaines dans ma galerie à Paris. L’exposition Masterpiece dévoile
un choix très sélectif d’œuvres réunies ces 18 derniers mois.

Jean Souverbie 1891-1981
Le bonheur de Marin, circa 1927-1929 Galerie Ary Jan

Quelle ligne défendez-vous à la galerie ?

Je suis très exigeant sur la qualité des œuvres et ma volonté est de trouver des
chefs d’œuvres souvent exposés dans des salons de l’époque du vivant de l’artiste et
au pédigrée prestigieux.

Alfred De Dreux 1810-1860
Black knight Galerie Ary Jan


La passion Majorelle

J’ai toujours été passionné par cet artiste que je considère comme le plus grand
artiste orientaliste du XXe siècle par sa modernité, par les techniques qu’il emploie,
mixtes à l’or et à l’argent. Quand j’ai ouvert mon nouvel espace au 32 avenue
Marceau, j’ai voulu inaugurer la galerie avec une exposition Majorelle, ayant pu
rassembler sur les 10 dernières années, une collection de 17 tableaux, ce qui, de
plus, coïncidait avec l’ouverture du musée à Marrakech redessiné par Nathalie
Crinière. C’était un bel hommage rendu à l’artiste à la fois à Paris et à Marrakech.

Jacques Majorelle 1886-1962
La Kasbah du Caïd Larbi Dardoui Targout, vallée du Souss 1927 Galerie Ary Jan Paris

Comment votre métier a t-il évolué ? Quelle place a prise le digital ?

Il est vrai que depuis quelques années, on constate une vraie accélération qui
concerne tous les métiers et pas seulement le métier de galeriste ou le marché de
l’art, et une grande mutation avec le digital. Je m’emploie, avec mon équipe, à
communiquer davantage sur le digital comme le font les grandes maisons de vente,
les grandes galeries et salons. En même temps, on ne peut pas tout digitaliser et je
reste très attaché à un lieu, une galerie. Cela reste irremplaçable, car, même si les
réseaux sociaux ont quelque chose de formidable et d’instantané, rien ne remplace
le contact du visiteur ou du collectionneur avec l’œuvre.

Que pensez, en tant qu’ancien président du Syndicat des Antiquaires, de
l’association de la Biennale et de Christie’s ?

J’avais déjà initié, lors de la dernière Biennale en 2019, un contact avec l’Hôtel
Drouot et l’ensemble des commissaires-priseurs et nous avions ouvert un espace
dédié à la Biennale aux Highlights des ventes de Drouot. Je considère aujourd’hui,
que nous devons tous travailler dans un sens commun, que l’on soit une maison de
vente, une galerie ou un marchand car il n’y a plus vraiment de frontière. En ce qui
concerne cette vente Christie’s-La Biennale, tout ce qui permet de parler
positivement du Syndicat national des Antiquaires, organisateur de La Biennale
Paris, est une bonne chose. Cela permet de toucher un plus large public, cela montre
aussi une certaine ouverture d’esprit et que nous ne devons pas craindre les grandes
maisons de vente. C’est un partenariat très fort entre une maison aussi prestigieuse
que Christie’s et les galeries qui ont un intérêt commun à se réunir pour renforcer
l’attractivité de Paris.


Quel bilan personnel faîtes-vous de cette crise et quand peut-on espérer une reprise
?
Nous sommes face à de grands bouleversements et qui ne sont pas terminés. La
crise est un accélérateur mais ce n’est pas elle qui a déclenché un certain nombre de
phénomènes comme l’accélération du digital. On verra à terme que beaucoup de
maisons de vente ou de galeries vont revoir à la baisse leurs éditions papier.
Cependant, je maintiens qu’il est important d’avoir un lieu ouvert dans une capitale
unique au monde avec un tel tissu de galeries, que ce soit au Carré Rive Gauche, la
Rive Droite, le Faubourg Saint-Honoré, le Village Suisse ou les Puces de Saint-
Ouen, et ce, au-delà de la durée du Covid. Il est fondamental, quelle que soit la
stratégie digitale déployée, de garder des espaces physiques pour que Paris reste la
capitale de la culture et l’art de vivre à la française. De plus, étant donné les
annulations des salons, je note un retour des gens dans la galerie. Ils prennent de
nouveau le temps de nous visiter et cela est très satisfaisant.

Infos pratiques :

Masterpiece

jusqu’au 31 octobre 2020

Galerie Ary Jan
32 avenue Marceau 75008 Paris


https://www.galeriearyjan.com