Anne Commet, portrait photo Marie Levi
Découverte à l’occasion de l’exposition collective Sillons organisée par Laure Boucomont, fondatrice de l’association Fertile qui soutient artistes et résidents au Domaine de Toury (Bourgogne), je suis séduite par le travail d’Anne Commet et son rapport au paysage à partir d’une sédimentation entre photographie, peinture et vidéo, une technique très personnelle qui renvoie à la mémoire, la trace et à l’empreinte. Des cartographies de l’intime basées sur les souvenirs et les sensations riches de sens. Récemment installée dans le nouvel incubateur de Poush à Aubervilliers qui élargit les possibles sur 22 000 m² au total avec 12 bâtiments, 60 ateliers et plus de 150 artistes de 30 nationalités, je lui propose un entretien dans son bel et lumineux atelier à l’occasion de la visite presse organisée par Hervé Digne et Laure Collieux, co-fondateurs de POUSH et Yvannoé Kruger, directeur artistique.
Rapport à l’expérience du paysage
Je travaille sur l’expérience du paysage, autour de deux thématiques fortes : la nature qui reste un enchantement dans un rapport à la poésie du lieu et le temps. C’est par la marche dans des territoires familiers et parcourus mille fois que se crée cette expérience. C’est un temps d’observation et de collecte notamment par la photo et la vidéo. Ces parcours répétitifs créent une intimité. Je dis souvent que je fais des portraits de paysage. J’ai aussi démarré un projet autour de portrait d’arbres, certains offrants des singularités incroyables. Dans ce portfolio vous pouvez découvrir des arbres photographiés dans l’Arboretum du parc de Versailles. Ce travail s’inscrit au long cours. Les arbres se révèlent une formidable expression de la mémoire et de la transmission.
La technique
Quel que soit le medium, je procède toujours avec la même technique, par transfert. En photographie, cela implique d’imprimer l’image avec une imprimante jet d’encre et transférer cette encre sur papier par l’intermédiaire d’une presse taille douce. Contrairement à la photographie où l’on a soit un passage d’impression, soit un bain révélateur, ce procédé implique une succession d’impressions et de manipulations qui demande du temps et fait de chaque transfert une pièce unique. C’est une technique hybride entre photo et gravure apprise auprès d’un ami graveur.
La peinture
Chacune de mes pièces se rapporte à un moment et un lieu précis. Si un transfert photographique va restituer de façon directe ce que j’ai vu, en peinture il s’agit de tout autre chose. Pour moi, il est question de ce qu’il me reste de cette expérience. Ce souvenir qui semble réduit à une abstraction assez minimale et colorée est en fait plus riche car au-delà d’une simple représentation visuelle, elle est pleine de sensations, de mouvements, de lumière, de sons, d’odeurs. En assemblant ces instants, ce que j’explore c’est la permanence et la fragilité, le souvenir que l’on garde d’un lieu ou d’un moment précis, la place de la trace et de l’empreinte.
Mon rapport à la marche et au paysage était venu nourrir mes recherches sur la manière de produire une image en peinture et en photo. Dans les deux cas, il est question de contact, d’absence et d’empreinte.
Les titres des œuvres découlent de mon rapport au lieu et au temps et aussi parfois avec des références empruntées à la littérature ou à la poesie avec notamment Philippe Jaccottet ou René Char, des personnes très importantes.
Le rapport peinture-photographie-vidéo
Finalement en assemblant mes peintures, photos et video, je construis des parcours et des cartographies de territoires. Il y a toujours un lien entre les différentes pièces, cela peut être un lieu ou l’histoire de ce lieu.
Retour sur la résidence au Manoir de Mouthier Haute-Pierre, centre d’art en Franche-Comté
En résidence au Manoir de Mouthier Haute-Pierre, j’ai passé un mois à marcher dans la vallée de la Loue. Philippe Perrin Pique, qui a créé cette résidence, m’a donné la chance de porter un autre regard sur les paysages du pays de Courbet. Dans ce cadre incroyablement inspirant, j’ai eu envie de travailler sur la couleur de l’eau et les différentes sources des gorges de Nouailles.
La rencontre avec Laure Boucomont (association Fertile)
Cela s’est fait par Poush, Laure m’ayant découverte à Clichy puis contactée après l’exposition Native Vol II VEGETAL à laquelle j’ai participé. L’exposition, organisée par les galeries Romero Paprocki, See Marais et Flaure Beaulieu sous le commissariat de mg.atmosphere fait partie d’une trilogie: minéral, végétal et espace.
Le bilan de Poush 1
Il est très positif. L’esprit collectif de Poush a été très important pendant les mois de covid. C’est un lieu qui permet de tisser des liens forts tant sur le plan humain qu’artistique. On est très heureux de poursuivre cette aventure dans ce nouveau lieu ici à Aubervilliers.
Votre parcours
J’ai une formation hybride, ayant commencé par des études d’économie à Dauphine tout en pratiquant en parallèle la peinture et un cursus art plastique à la Sorbonne. J’ai aussi grandi dans la nature, mes parents ayant construit seuls une maison en haut d’une colline au milieu d’un champ de fraises. J’ai aussi parcouru tous les musées italiens, ayant une grand-mère italienne avec une rencontre décisive autour de Botticelli et des peintres de la Renaissance, et bien d’autres artistes comme les Nabis. Je porte aussi l’empreinte de nombreuses trajectoires familiales de personnes qui ont connu l’exil ou le déplacement, ayant moi aussi beaucoup bougé. Cette réflexion sur ce qui reste d’un endroit, d’un moment a beaucoup alimenté aussi mon rapport au paysage, à la peinture et à la mémoire.
Relire mes interviews précédentes à Poush Clichy des artistes : Pierre Clément Thomas Van Reghem Garance Matton Rose Barberat Angèle Guerre Arnaud ADAMI Deborah Fischer Scarlett
Et d’Yvannoé Kruger : Yvannoé Kruger, conseiller artistique chez Manifesto : accélérer la mutation du patrimoine bâti délaissé et donner un coup de poush aux artistes ! – FOMO VOX (fomo-vox.com)
Infos pratiques :
Sillons par Fertile
Exposition collective, commissariat : Elora Weill-Engerer et Laure Boucomont
Les artistes : aurèce vettier, Alice Bandini, Marguerite Bornhauser, Anne Commet, Léa Dumayet, Suzanne Husky, Anaïs Lelièvre, Jules Lobgeois, Noémie Niddam Hosoi, Sepa, Lise Thiollier
Jusqu’au 11 juin
11 rue Pierre Sarazin Paris 6
Visite sur réservation
Journées Pro Poush les 10 et 11 juin
Prochain appel à candidature pour les ateliers
153 avenue Jean Jaurès, Aubervilliers
POUSH
Site d’Anne Commet
Centre d’art Manoir Mouthier :