Art Anwerp, 5ème édition : Interview Nele Verhaeren « Une foire petite, contemporaine, éclectique et précieuse »

Katrien De Blauwer, Blue Bruises FIFTY ONE Gallery

La 5ème édition d’Art Antwerp qui réunit 79 galeries en provenance de 11 pays, affirme un développement de la boutique art fair fidèle à ses fondamentaux de départ : convivialité, exigence et format intime. A noter pour 2025 : une internationalisation des participants, un renouvellement des profils (20 nouvelles galeries), une approche curatoriale renforcée (11 solo shows et 6 duo shows), un engagement pour des pratiques durables : intégration de la foire à la Gallery Climate Coalition, une place croissante des pratiques liées à l’image et de nouveau, les installations monumentales dans les allées pour prolonger l’expérience de la découverte. Nele Verhaeren, directrice d’Art Brussels et d’Art Antwerp a répondu à mes questions. 

Quelles raisons expliquent selon vous le succès d’Art Anvers ?

Selon moi, trois facteurs principaux expliquent le succès d’Art Antwerp : la taille de la foire, l’attractivité d’Anvers comme ville historique et culturelle, et le fort soutien de la communauté.

D’abord, les petites foires sont vraiment dans l’air du temps. Art Antwerp a une échelle très humaine, ce qui la rend facile et agréable à visiter. Depuis le début, nous avons conservé le même format : trois couloirs et une grande zone de catering by KTCHN (offre locale et de saison) où les visiteurs peuvent faire une pause à chaque fois qu’ils arrivent au bout d’un couloir. L’atmosphère est très détendue, ce qui contribue fortement à la qualité de l’expérience de visite.

Ensuite, une visite à Art Antwerp dure en moyenne deux à trois heures. C’est l’occasion idéale de combiner la visite de la foire avec une découverte de la ville, qui offre une scène culturelle riche : institutions, musées, galeries d’art… à découvrir notamment via notre programme OFF. Anvers propose également une excellente expérience culinaire et un large choix en matière de fashion design shopping.

Enfin, il y a un élément essentiel : les ventes. Elles sont primordiales pour les galeries et, par conséquent, pour leurs artistes. L’édition précédente d’Art Antwerp a été un véritable succès sur ce plan. Les galeristes partagent naturellement ce type d’informations entre eux, ce qui a donné envie à de nouvelles galeries de nous rejoindre. Le taux de satisfaction est très élevé : 78 % des galeries présentes reviennent cette année.

Brian Harte Disher 2024 TATJANA PIETERS Gallery

Quelles évolutions avez-vous remarqué pendant ces années ?

Au départ, le contexte était totalement différent : Art Antwerp a été imaginé fin 2020, en pleine période Covid, et la première édition en 2021 a surtout attiré de grandes galeries qui ont saisi une rare opportunité de participer à une foire. Cela nous a permis de mettre Art Antwerp sur la carte. À l’origine, nous pensions en faire une « one shot », mais le noyau dur de galeristes nous a très vite demandé de poursuivre. Après trois éditions, nous avons décidé d’organiser Art Antwerp chaque année.

Depuis, le calendrier international s’est densifié, mais notre créneau de décembre, juste avant les fêtes, s’est révélé être un atout majeur et contribue fortement à l’ambiance particulière de la foire. Nous restons très attachés à son caractère intime et « boutique ».

Art Antwerp s’est affirmé comme un rendez-vous vivant pour une communauté très diversifiée : collectionneurs, amateurs d’art, designers, architectes, curateurs, directeurs de musées et entrepreneurs. La fréquentation augmente d’année en année, tout comme l’internationalisation de la foire : cette année, 58 % des galeries sont étrangères, contre 49 % l’an dernier. L’intérêt du public international progresse également, soutenu par l’accessibilité d’Anvers en train à grande vitesse.

Susanne WellmHer Favourite Silk Dress 2025 Hopstreet Gallery 

Quel est le profil des 20 nouvelles galeries ?

Il n’y a pas un profil unique. L’art contemporain reste bien sûr le fil rouge, mais cela vaut pour l’ensemble des galeries participantes. Les nouvelles galeries forment plutôt un ensemble éclectique. Si l’on devait les regrouper, on pourrait distinguer trois grands profils.

D’abord, un profil plus international, avec des galeries expérimentées, actives depuis longtemps sur la scène des events et habituées aux foires. Elles représentent souvent des artistes mid-career ou déjà bien établis, comme Dürst Britt & Mayhew et Galerie Ramakers de La Haye, Ellen de Bruijne (Amsterdam) ainsi que plusieurs galeries parisiennes telles que Suzanne Tarasieve, In-Situ – Fabienne Leclerc, Nathalie Obadia, Double V et Polaris.

Deuxième profil : des galeries émergentes, très tournées vers la création récente, comme Night Café (Londres) – qui a d’ailleurs remporté le prix Invited à Art Brussels 2025 – ainsi que KlotzShows et La Peau de l’ours de Bruxelles, See You Next Tuesday de Bâle ou encore Arcade de Londres.

Enfin, un troisième groupe rassemble des galeries plus « niche », spécialisées dans un domaine précis : Afikaris, dédiée aux artistes du continent africain et de la diaspora ; Callewaert Vanlangendonck, centrée sur l’art des années 1950 et 1960, l’abstraction et les artistes du constructivisme belge ; Binôme (Paris), spécialisée en photographie contemporaine, et Dilecta, axée sur les éditions de haut niveau.

Paul Van Hoeydonck, Maurice Verbaet Gallery

La proportion des solo et duo shows est en progression, ce qui est un signal fort : qu’est ce qui se détache de cette forte curation ?

Les galeries ont carte blanche, mais elles savent qu’elles s’adressent à un public spécialisé, curieux et très bien informé. Le collectionneur belge type est habitué aux expositions et aux events d’art, ce qui incite les galeristes à proposer des présentations plus pointues : soit un ensemble cohérent d’œuvres d’un seul artiste, soit un dialogue fort entre deux artistes. Cette curation plus exigeante permet de mieux porter un discours et de mettre en valeur la pratique des artistes. 

Laurence Aegerter, Miroir aveugle 2023, Galerie Binome

La photographie occupe une place centrale cette année : pouvez-vous nous détailler quelques propositions ?

On observe clairement une présence croissante de la photographie et des pratiques liées à l’image – souvent en dialogue avec d’autres médiums. Cela reste une niche au sein de la foire, mais une niche très dynamique, avec plusieurs approches distinctes.

D’un côté, certains artistes interrogent directement le médium photographique lui-‑même. C’est le cas de Jaya Pelupessy (Caroline O’Breen), qui utilise la photographie pour questionner le statut de l’image et se concentre sur les processus qui mènent à l’image autonome. Katrien De Blauwer (Gallery Fifty One) ne prend pas de photos elle-même : elle collecte, découpe et recadre des images trouvées, souvent de femmes fragmentées, pour révéler ce qui se joue ‑au-delà‑ du médium photographique. Gerald Petit (In Situ – Fabienne Leclerc) confronte depuis longtemps peinture et photographie, en mettant en tension les possibilités technologiques infinies de la photographie numérique avec l’acte de peindre.

Un autre groupe d’artistes travaille dans un registre plus narratif, intime ou documentaire. Yto Barrada (Polaris, Paris), qui représentera le pavillon français à la Biennale de Venise 2026, présente une série de 1998, faite dans la cuisine de sa tante à Tanger : des images domestiques et intimes, chargées de mémoire. Max Pinckers (Sofie Van de Velde, Anvers) utilise une photographie à la croisée du documentaire et de la culture populaire, avec des références au cinéma Bollywood, pour suggérer l’érotisme et jouer avec la mise en scène.

On trouve aussi des pratiques où la photographie dialogue avec d’autres médiums et crée des illusions visuelles. Ilona Plaum (Galerie Dubokdegroot) combine maquettes, peinture et photographie pour générer des illusions optiques. Chez Hopstreet, plusieurs artistes – Julie CockburnBerend Strik et Susanne Wellm – travaillent chacun à leur manière à partir de l’image photographique, souvent en la transformant, en la brodant ou en la recomposant. La galerie Ibasho est, elle, spécialisée dans la photographie japonaise et explore une scène très spécifique, avec une forte identité esthétique.

Enfin, certains artistes mobilisent la photographie dans une démarche plus engagée ou performative. Buhlebezwe Siwani (No Man’s Art Gallery) travaille avec la performance, la photographie et la sculpture pour interroger le cadrage patriarcal du corps féminin noir et de l’expérience des femmes noires dans le contexte sud‑africain.

Comment vous projetez-vous dans 5 ans ?

Nous savons tous que le monde de l’art contemporain et la scène des events évoluent très vite. Il est important d’écouter le marcher et de rester proche de sa communauté. Pour rester en phase avec ces changements, nous avons fait le choix de renouveler notre « Invitation Committee » tous les trois ans, afin d’apporter régulièrement une nouvelle dynamique et de nouveaux réseaux à la foire.

Nous sommes d’ailleurs très reconnaissants envers le comité actuel, qui arrive au terme de son mandat après cette édition. Grâce à Will Lunn (Copperfield, Londres), nous avons pu renforcer notre soutien aux jeunes talents. Avec Myriam Attali (Galerie Lelong & Co., Paris, New York), l’intérêt des galeries parisiennes s’est nettement intensifié. Et grâce à Jason Poirier (Plus One Projects, Anvers), nous avons affiné notre compréhension de la scène anversoise et consolidé le caractère « boutique » de la foire. Ils ont véritablement joué un rôle de passeurs et de « bridge-builders ».

Dans cinq ans, je pense qu’Art Antwerp aura encore évolué, mais certains fondamentaux resteront : le plaisir de se rencontrer, de s’entourer d’art, la taille humaine de la foire – volontairement limitée – et un profil clairement international. Notre ambition est de continuer à faire grandir Art Antwerp comme une foire à la fois petite, contemporaine, éclectique et précieuse.

Infos pratiques :

Art Anvers, 5ème édition 

du 11 au 14 décembre

Billets lien ICI

Plein Tarif : 20 euros

Opening Day : 120 euros

Jours d’ouverture :

OPENING DAY
Thursday 11 December 2025
Preview | 11am – 4pm
Vernissage | 4pm – 9pm

PUBLIC DAYS | 11am – 7pm
Friday 12 December 2025
Saturday 13 December 2025
Sunday 14 December 2025

www.art-antwerp.com

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