Pierre et Gilles, Le Marin (Philippe Gaillon), 1985, Photographie peinte, 52 × 37 cm © Pierre et Gilles — Courtesy TEMPLON, Paris, Brussels, New York
Si Gilles est havrais et Pierre est vendéen, le duo Pierre et Gilles n’avait pas encore exploré ce lien avec la Normandie. C’est à l’invitation du musée des Franciscaines de Deauville que leur nouvelle odyssée s’invite sur les planches ! Quand la mythologie du cinéma rencontre celle des marins et des dockers pops et flamboyants cela donne envie de larguer les amarres. Annie Madet-Vache, directrice du musée des Franciscaines revient sur la genèse de cette exposition qui réunit 70 œuvres iconiques dont plusieurs créations inédites, des mystères des profondeurs aux fonds marins, en passant par nymphes et divinités, matelots, pompons et marinières. Lieu unique en France, entre musée, médiathèque et salle de spectacle, les Franciscaines déploient une programmation en lien avec le riche patrimoine de Deauville, la collection du peintre André Hambourg (1909-1999) et des incursions plus contemporaines, à partir du fonds photographique et des résidences d’artistes. Annie Madet-Vache a répondu à mes questions.

Annie Madet-Vache DR
Quel est l’ADN du musée des Franciscaines ? A quand remonte ses origines ?
La genèse des Franciscaines s’inscrit au départ dans un projet de médiathèque et de salle de spectacle dans les années 2000-2005, la ville cherchant un espace pour conjuguer ces deux aspects. En 2011 une importante donation est faite constituée de 580 tableaux et plus de 3000 dessins de l’artiste André Hambourg et la collection privée du couple Hambourg réunissant des noms tels de Marie Laurencin, Leonard Foujita, Maurice Utrillo, André Dunoyer de Segonzac… , ce qui permet alors de renforcer le projet initial avec un volet muséal supplémentaire. A la même période, les Sœurs Franciscaines annoncent à la mairie qu’elles vont libérer le lieu qu’elles occupent devenu trop couteux et grand, et souhaitent vendre avec comme seule contrainte d’en préserver le bâti. Nous assistons à un alignement de planètes entre ce projet de la Ville et ce site qui va y correspondre en tous points. Une histoire qui s’est déroulée en plusieurs temps. Une fois le bâtiment acquis par la Ville, un concours est lancé avec plus de 300 réponses en provenance du monde entier. C’est l’agence Moatti & Rivière qui l’emporte avec une vision d’une grande pertinence, Alain Moatti et ses équipes ont parfaitement compris la manière de travailler que nous souhaitions élaborer à l’intérieur des espaces, la gestion des flux du public.. des solutions toujours fonctionnelles, ce qui est rare.

Musée des Franciscaines crédit Agence VE2A
La vie des collections et politique d’acquisition des œuvres
Notre axe majeur est le XXème figuratif avec des enrichissements du côté du XIXe et XXIe pour rester ouverts à ce qui est advenu avant et qui continue de se dérouler aujourd’hui. Le meilleur exemple se fait avec Pierre et Gilles que nous accueillons en ce moment.
Quelle programmation défendez-vous ?
La programmation des expositions ne se veut pas strictement régionale ou en lien avec la Normandie même si nous aimons trouver un fil conducteur comme à l’occasion de l’exposition Zao Wou-Ki au printemps 2024 et l’hommage à Claude Monet. Autre exemple avec Kees Van Dongen qui a passé plus d’une soixantaine d’étés à Deauville. L’exposition ne retraçait pas uniquement cette partie de la production mais se faisait sous forme de clins d’œil.

Pierre et Gilles, Philomène (Mica Argañaraz), 2021, Photographie imprimée par jet d’encre sur toile et peinte, 147 x 106 cm, Don de l’Association des Amis des Franciscaines, Ville de Deauville, Les Franciscaines © Pierre et Gilles
Quel est le point de départ de l’exposition « Mondes marins », Pierre et Gilles, sa genèse ?
L’Association des Amis des Franciscaines nous a offert il y a 3 ans l’œuvre de Pierre et Gilles, intitulée « Philomène » qui a été choisie comme visuel de couverture pour l’affiche de l’exposition et autres supports. J’ai alors souhaité rencontrer les artistes et à l’occasion de leur exposition à la galerie Templon qui les représente, nous avons échangé jusqu’à leur venue ici aux Franciscaines. Ils sont tombés sous le charme du lieu, ce qui leur a donné envie de travailler avec nous et d’élaborer ensemble une thématique qui pourrait faire sens. En parcourant les facettes de leur travail très vite sont apparus la marinière, le béret à pompon… tout cet univers maritime qui a décidé du propos de l’exposition.
Comment s’organise le parcours ?
Notre démarche n’est pas chronologique autour d’une possible rétrospective, ce qui n’était pas pertinent même s’il y a une évolution dans la démarche. Il nous a paru plus intéressant de créer des zones thématiques en commençant par déambuler parmi les matelots et marins du monde entier (américains, français, australiens) pour aborder le retour au port, un sujet très présent chez eux. Toute une partie du premier niveau est consacrée à cet univers portuaire que ce soient les docks et tout ce milieu interlope de l’ivresse et la débauche, une atmosphère que l’on retrouve dans les films noirs des années 1930-40.
Au 2ème niveau nous plongeons dans les fonds marins avec différentes personnalités qui ont posé pour Pierre et Gilles. Puis il se joue une note plus mélancolique et grave à travers l’évocation du naufrage, thématique qu’ils ont beaucoup développé au moment des années sida autour de la perte de nombreux proches. Il était important de l’évoquer dans l’exposition. Pour terminer sur une note plus joyeuse, l’exposition s’achève par une galerie de portraits de divinités marines qui viennent à la rescousse des naufragés.

Pierre et Gilles, La planète rouge (Tahar Rahim), 2022, Photographie imprimée par jet d’encre sur toile et peinte, 162,1 × 114 cm © Pierre et Gilles — Courtesy TEMPLON, Paris, Brussels, New York
Un catalogue est-il prévu ?
Il vient d’arriver et nous en sommes très contents et fiers avec Pierre et Gilles, que ce soit au niveau des couleurs, la mise en page, qualité des reproductions… Il inaugure de plus une nouvelle collection éditoriale autour des expositions de l’espace Hambourg, en parallèle de ce qui existe déjà pour nos expositions dans la grande cour.

Musée des Franciscaines crédit François Louchet
En ce qui concerne votre parcours, qu’est-ce qui vous a tenté en faveur du musée des Franciscaines après le musée de la Marine ?
C’est une aventure un peu folle et unique que celle d’un musée dont les collections se trouvent mêlées à celles d’une médiathèque. Un cas totalement inédit et pas encore dupliqué même si de nombreuses personnes viennent nous visiter pour s’en inspirer. Une expérience très singulière autour de projets et expositions très variés tels que l’exposition Irving Penn, celle dédiée à l’univers du jeu ou encore « Julie Manet et ses cousines » qui vient de se terminer. Une programmation riche sur une temporalité très rythmée à partir d’une vraie pluralité de domaines. Dès lors comment refuser une telle proposition ? Rires.
Infos pratiques :
Pierre & Gilles, Mondes marins
Du 24 mai au 4 janvier 2026
Programmation : « Dans une photo de Pierre et Gilles », documentaire réalisé par Chantal Lasbats rencontre le 24 mai …
Également :
Sebastião Salgado, collection de la MEP
Enfants, petits et grands musée Hambourg
Les Univers tout en couleurs
Tarifs
Plein
Pass toutes expositions | 16 € |
Billet Pierre et Gilles + Hambourg | 13 € |
Musée des Franciscaines
145 B, Avenue de la République Deauville
Réfectoire, salon de thé et restauration.
https://lesfranciscaines.fr/fr/programmation/pierre-et-gilles-mondes-marins