Vue de l’exposition VOR, Ambassade d’Islande x Résidence Huet Repolt Cc. BeCulture
Fondateur de la résidence artistique Huet-Repolt, inscrite au parcours off d’Art Brussels François Huet et son épouse Odile, participent au dynamisme de l’écosystème bruxellois en donnant l’opportunité à un.e artiste (par appel à candidature) de disposer d’un espace de production et de vie sur une durée de 2 mois, assortie d’une aide financière. Cette année, la formule est exceptionnelle à la suite de la rencontre avec l’artiste islandaise Gudny Rosa Ingimarsdottir et l’Ambassadeur d’Islande en Belgique Mr Kristján Andri Stefánsson, également collectionneur, autour d’une exposition collective « Vor » (« printemps » en islandais contemporain, et nous » en ancien islandais). François revient sur son parcours atypique d’amateur puis de collectionneur, ayant côtoyé dans sa jeunesse plusieurs artistes de Dijon, sa région d’origine tels que Michel Verjux, Felice Varini, Peter Downsbrough, Bertrand Lavier… De quoi tout de suite fixer une certaine exigence pour ensuite franchir le pas, collectionner puis lancer sa résidence une fois installé à Bruxelles. Le loft qui accueille les artistes ou les expositions a été conçu par l’architecte à l’origine de la Patinoire Royale. Un écrin au milieu de la verdure comme Bruxelles sait en offrir. Autodidacte comme il le revendique, les goûts et coups de cœur de François se sont formés au gré des affinités et rencontres sous un prisme résolument minimalisme et conceptuel d’une grande cohérence. Il a répondu à mes questions de façon chaleureuse, précise et spontanée m’invitant ensuite à découvrir une partie de sa collection, un vrai privilège…

Les hôtes de la résidence : François Huet et Odile Repolt BeCulture
Comment tout a commencé ?
C’est une longue histoire. Quand j’étais en France et que j’étudiais à l’université il n‘était pas du tout question d’art dans ma famille. Mes parents étaient de la classe moyenne et ils étaient convaincus que l’art « c’est pour les riches ou pour les musées et pas pour nous ». De plus,j’habitais à Dijon, ville de Bourgogne qui était très conservatrice avec comme Maire à l’époqueRobert Poujade, un catholique rigide. Il ne se passait plus rien après 20h dans les rues, excepté un endroit Les Doigts dans la tête (d’après le titre d’un film de la Nouvelle Vague), un refuge où nous trainions tous : les rockers, les anarchistes, les altermondialistes, les gays, les lesbiennes… Je jouais dans un groupe de musique, c’était l’époque des punks à la fin des années 1970 et l’avais ouvert le rayon disques de ce lieu. Au rez-de-chaussée il y avait la librairie avec des discussions passionnées et au 1er étage un appartement dans lequel nous proposions des expositions. J’ai comme ça rencontré tous les gens qui allaient construire le Consortium : Xavier Douroux, Frank Gautherot, Eric Colliard…Je leur faisais écouter des disques et eux me faisaient découvrir des artistes. Le week-end, j’empruntais la Volkswagen coccinelle de ma mère pour aller à Paris où j’allais dans les expos et chez les disquaires. J’ai fait ainsi mon éducation artistique et j’ai développé des amitiés à cette époque qui durent encore aujourd’hui. C’est grâce à cette aventure que j’ai connu Michel Verjux, Felice Varini, qui m’ont fait connaitre, Bertrand Lavier, Peter Downsbrough, Cécile Bart… Voilà comment je me suis intéressé à l’art et ça ne s’est plus jamais arrêté. Ces personnes ont un peu changé ma vie si je peux me permettre cette expression. Étudiant au droit dans cette ville moyenne de la province française avec mon groupe punk j’ai découvert un art à l’époque très minimaliste et conceptuel comme Richard Long, Dan Flavin, Donald Judd, Peter Downsbrough…Le monde s’est offert à moi. Quand j’ai eu la chance plus tard d’avoir un travail dans les institutionseuropéennes je me suis demandé ce que je pouvais leur apporter à mon tour, tout d’abord en achetant des œuvres, ce qui de prime abord semblait très étranger à ma culture familiale. C’est grâce à mon épouse que je me suis décidé et ça a été comme une libération. Puis on bascule vite d’une œuvre à l’autre, au départ auprès d’amis, puis d’amis d’amis…
La 2ème chose que j’ai voulu faire c’était de créer une résidence afin d‘aider également les artistes en leur offrant un espace et du temps.

Résidence Huet-Repolt, Cc.BeCulture
Y a-t-il une ligne à votre collection ?
La collection est complètement organique étant donné que je suis autodidacte. C’est grâce à la résidence que j’ai pu m’ouvrir à quelque chose d’un peu plus large, ne voulant pas me limiter à ce que je connaissais déjà. Au départ, la résidence était assortie d’un comité de sélection qui changeait chaque année.
Si je devais répondre à la question qu’est-ce qu’un collectionneur je dirais que c’est quelqu’unqui n’a pas assez d’espace pour montrer tout ce qu’il a.

Fritz Hendrik Berndsen IV à la résidence Huet-Repolt Cc. BeCulture
Quels sont les contours de la résidence ?
Pendant 8 ans nous avons fonctionné en faisant appel à des artistes, des curateurs, des critiques, belges ou non, la résidence ayant été créée avec des amis parisiens. Jusqu’au jour où le Covid a frappé et il est devenu compliqué de proposer une résidence. De plus l’artiste Jennifer Douzenel qui nous avait aidé, a vu sa carrière s’envoler. Nous avons été un peu pris au dépourvu, ce qui nous a conduit à choisir nous même un artiste et cette année le partenariat avec l’Ambassade d’Islande nous a permis d’aller plus vite avec l’aide du commissaire et de l’Ambassadeur. Je m’interroge sur la formule pour l’année prochaine n’ayant sans doute plus besoin d’une structure aussi lourde qu’un comité de sélection après 10 ans d’exercice. De plus j’ai reçu un certain nombre de candidatures spontanées, ce qui me donne de la matière pour les prochaines années. Je suis encouragé dans ce sens par des amis comme le fondateur d’ETE 78 Olivier Gevart, qui choisit lui-même ses dossiers. D’autres voix m’encouragent au contraire à maintenir le comité qui donne une visibilité supérieure à la résidence. Une chose est sûre : nous souhaitons garder une certaine liberté et être dans une démarche relativement modeste qui nous correspond. C’est pourquoi nous ne sommes pas une association loi 1901 ou Asbl comme disent les Belges et ne recevons aucune subvention.
Comment s’est fait le choix du commissaire ?
Nous connaissons Gauthier Hubert, commissaire et artiste, d’abord à travers sa compagne Gudny Rosa Ingimarsdottir dont nous suivions le travail. Rosa ne voulant pas faire partie de l’exposition par souci d’indépendance et pour éviter tout conflit d’intérêt.

Vue de l’exposition VOR, Ambassade d’Islande x Résidence Huet Repolt Cc. BeCulture
Quelles impressions devant ce résultat ?
Je trouve que c’est déjà un tour de force étant donné que l’ambassadeur a voulu avant de quitter son poste, faire un évènement artistique autour de la scène islandaise incluant tous les artistes établis en Belgique. Je partageais cette idée juste et généreuse. C’est pourquoi il y a dans l’exposition des artistes de moins de 30 ans et de plus de 60, certains confirmés d’autres émergents. C’est un vrai défi pour le curateur d’avoir réussi à faire dialoguer des artistes qui font de l’installation, de la peinture, de la céramique, de la vidéo etc.. et que ça tienne la route ! Nous avons visité des ateliers dans toute la Belgique.

Vue de l’exposition VOR, Ambassade d’Islande x Résidence Huet Repolt Cc. BeCulture
Qu’est ce qui traverse ce panorama selon vous ?
Je pense qu’il y a une sorte d’âme islandaise qui transparait, un rapport à la matière, à la nature, à l’espace. J’apprécie particulièrement dès le début du parcours l’accrochage des dessins rejouant une sorte de camera obscura.
Qui est l’architecte de ce lieu ?
L’architecte est Jean-Paul Hermant, qui est bruxellois et a réalisé la rénovation de la Patinoire Royale. La parcelle n’était pas facile au départ et nous sommes heureux du résultat. Un accès se fait par le jardin à notre propre maison, de sorte que les espaces sont en toute autonomie.

Vue de l’exposition VOR, Ambassade d’Islande x Résidence Huet Repolt Cc. BeCulture
Le rôle d’Art Brussels : avez-vous déjà acheté à la foire ?
Il est essentiel. J’ai déjà acheté et j’ai repéré cette année quelque chose qui me plait beaucoup.
Quelles galeries à Paris et à Bruxelles vous attirent plus ?
Il y a par exemple Catherine Issent à Saint- Paul de Vence que je connais par les artistes comme Verjux ou Varini. A Bruxelles je citerais volontiers Irène Laub et la galerie QG. Je suis aussi LMNO,, Archiraar, et bien sûr les galeries de l’espace Rivoli . A Paris j’ai beaucoup aimé Jean Brolly qui n’existe plus, également Yvon Lambert ou Jérôme Poggi.
Liste des artistes VOR :
Árni Jónsson, Baldvin Einarsson, Davíð Samúelsson, Erla Franklinsdóttir, Geirþrúður Finnbogadóttir Hjörvar, Guðný Rósa Ingimarsdóttir, Hallveig Ágústsdóttir, Helena Jónsdóttir, Hrefna Hörn Leifsdóttir, Ívar Glói, Jóhanna Kristbjörg Sigurðardóttir, Kristinn Guðmundsson, Rúnar Örn J Marínósson, Sigurrós Björnsdóttir, Silja Hubert, Valgerður Sigurðardóttir, Fritz Hendrik IV.
En complément : mon interview avec Silja Hubert (lien vers).
Infos pratiques :
Vor
Jusqu’au 4 mai
Ambassade d’Islande x Résidence Huet-Repolt
Rue du Relais 42 à 1170 Bruxelles
https://www.residencehuetrepolt.org
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