Gérard Duchêne au LAAC Dunkerque

Gérard Duchêne, Faces, 2007 imprimés effacés sous calques peints et peinture recollé sur papier, 37 x 55 cm © Photo La Belle Époque

Première rétrospective de l’artiste lillois Gérard Duchêne à l’occasion du 10ème anniversaire de sa disparition au LAAC. Au-delà de sa pratique artistique il s’est beaucoup investit contre toutes les formes d’exclusion. Il fonde le lieu du lieu Frontière$, galerie d’art et fonds d’art contemporain qui proposait à égalité des œuvres d’artistes connus ou non, malades ou non, dans une démarche nomade, ouverte à la rencontre et à la psychiatrie citoyenne. Une approche singulière portée par David Ritzinger, ancien assistant de l’artiste et commissaire.

Gérard Duchêne fut très jeune porté par le désir d’écrire de la poésie. Ses premières références ont, entre autres, été Henri Michaux, les surréalistes et Samuel Beckett. Malgré une certaine reconnaissance, l’artiste ne se retrouve pas dans la réception de ses textes : les interprétations littéraires qui sont faites lui semblent trop éloignées de ses préoccupations personnelles, bien plus littérales. Phrases et narration ne sont pas ses enjeux. Les mots s’équivalent, se découpent ou se couplent ; les vides ou espaces sont tout autant constituants ; les pages et leur succession sont des territoires à réinventer et seule l’intention de continuer à trouver ce qui pourrait encore être écrit compte.

À la même époque en France continuent de se propager de nombreuses réflexions esthétiques : le lettrisme, la poésie sonore, la poésie-action, le Nouveau Réalisme, le Nouveau Roman, BMPT, Supports/Surfaces, la revue TXT, etc. La déconstruction des éléments constitutifs de la création permet l’émergence de nouvelles pratiques. Le travail s’organise principalement en collectif autour d’une idée précise des choses. Gérard Duchêne trouve là un élan qui l’incite à dialoguer avec d’autres artistes de sa génération et à initier ses premières expérimentations au-delà de la page et du livre.

Dans le cadre d’une réflexion collective avec différents groupes (le Collectif Génération sur la littérature avec la production de revues collaboratives, mais aussi ce qui deviendra le collectif TEXTRUCTION sur des questions plus plastiques), l’artiste expérimente les premiers tressages et froissages de textes (textes publicitaires, planches de bande dessinée, affiches, courriers, etc.) puis les premiers textes manuscrits illisibles, ou plus précisément non lisibles une fois écrits. Fréquentant un milieu artistique jusque-là inconnu de lui, il y fait de nombreuses rencontres et celle avec l’œuvre de l’artiste François Rouan marque pour lui la fin du travail de tressage. Ce fut un moment décisif où le choix de la peinture se révèle fondamental et essentiel.

Salle 1

La première salle de l’exposition est consacrée à la mise en valeur de cette période fondatrice dans le travail de Gérard Duchêne.

Une présentation riche des éditions collectives réalisées par les collectifs Génération et TEXTRUCTION en vitrine répond à un accrochage d’œuvres historiques sur les tressages, empruntées à des collectionneurs, au fonds d’atelier de l’artiste et au LaM — Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut.

Salle 2

La deuxième salle présente ce plongeon dans la peinture qui semble, pour l’artiste, l’une des seules manières de poursuivre l’écriture, d’être écrivain, de s’adresser à l’autre, quel qu’il soit. Le geste porté et l’accident qui l’accompagne sont pour lui une expression existentielle : loin de la littérature, plus proche d’une textualité, d’un hors langage ouvert à l’imagination. Pour cela, il développe une pratique en plusieurs étapes visant à l’apparition et à l’accident : chaque jour, il écrit au trichloréthylène, à l’aide d’un pinceau, sur une plaque de polystyrène extrudé lisse, son journal qui peut être poétique ou littéraire ou encore totalement factuel, mais toujours autobiographique.

Pour éviter la sacralisation d’un geste trop volontariste, pour valoriser l’accident, Gérard Duchêne réalise le même geste en série et en présente l’aboutissement en suites, où chaque toile offre des différences sans hiérarchisation entre les différents états, les accidents obtenus.

Ce « Il » incarne « L’appel du large », ce mystère entre soi et l’image de soi. Les résultats renvoient à des sentiments picturaux forts : absence, temps qui passe, espace, paysage, transparence, profondeur, sobriété ou salopage.

Salle 3

La troisième salle est consacrée aux autres préoccupations de l’artiste, toujours tournées vers le livre, l’image imprimée et l’édition.

Sont ainsi présentées des travaux de la série Pages dans lesquels la page devient empreinte vide où seul l’encadrement de la silhouette de celle-ci fait œuvre, offrant au regard un vide profond.

Dans cette salle, est également mise en valeur une collaboration forte et durable de l’artiste avec l’éditeur d’art lillois Alain Buyse.

Salle 4

La dernière séquence de l’exposition s’organise autour de la question de l’effacement et regroupe un ensemble d’œuvres réalisées lors des dix années avant sa disparition. On y retrouve la totalité des sujets qui portent son œuvre depuis l’origine :
Le Journal d’Il qui se fait Table et joue de l’horizontalité ; le travail de matrices qui se morcèlent et se fissurent dans la série des Matrices éclatées ; les dernières Pages minimalistes et affutées…

Apparaissent également de nouvelles préoccupations : la série des Kleenex où l’artiste imprime des matrices de textes au mercurochrome sur Kleenex, ou s’amuse à employer des mouchoirs jetables comme modèles d’un travail de dessin plus classique, mais sériel.

Infos pratiques :

L’appel du large

Jusqu’au 13 octobre 2024

302 avenue des Bordées
59140 Dunkerque

https://www.musees-dunkerque.eu/