Accueil A LA UNE Les Hérétiques d’Albert Baronian au CWB Paris

Les Hérétiques d’Albert Baronian au CWB Paris

Vue générale Hérétiques CWB photo Ewen Leroux

Albert Baronian fête les 50 ans de sa galerie en grande pompe avec un double rendez-vous à la fois au CAB de Bruxelles et au CWB de Paris. Si la première démarche est résolument minimaliste en écho au lieu, la seconde et selon ses échanges avec Stéphanie Pécourt, directrice du CWB, se montre plus libre et ouverte, instinctive presque pourrait-on dire face à ce panorama. Selon ce que rappelle Albert Baronian dans un entretien publié à cette occasion avec Muriel Enjarlan, directrice du Frac Sud, il s’agit de poursuivre un certain éclectisme autour de 16 artistes représentants une scène belge élargie ; qu’ils soient de la galerie ou extérieurs. Comme une « bande à part » titre qu’il avait choisi pour une précédente exposition à Bruxelles en clin d’œil à Godart, à l’occasion de ses 40 ans de galeriste. Personnalité visionnaire et inclassable, Albert Baronian qui s’est orienté vers l’Arte povera et a favorisé l’internationalisation de la scène belge, entretient un rapport privilégié avec la France autour d’artistes de Support Surface mais aussi d’autres courants tels que Eric Poitevin, Yvan Salomone, Bruno Serralongue…le maître mot étant selon lui la subjectivité et le compagnonnage plutôt que la stratégie voire la spéculation selon les évolutions récentes du marché qu’il regrette. Alors pour cette exposition qui signe la nouvelle ligne et identité du CWB c’est vers des figures de résistance qu’il se tourne que ce soit dans les matériaux souvent modestes ou éphémères choisis que les messages délivrés. Pierre Ardouvin avec sa vielle caravane décatie qui ouvre le parcours en donne la tonalité avec cette injonction à contre-emploi tirée d’une chanson populaire « Prouve que tu existes ». Les girouettes ou totems extérieurs de Kamil Bouzoubaa-Grivel intitulés « Reverse Don Quixote » semblent également en petite forme. Ils voisinent avec l’une des œuvres marquantes de l’exposition d’Aline Bouvy, intitulée « Enclosure », dispositif aliénant du patriarcat. N’oublions pas que les hérétiques ce sont d’abord et avant tout ces sorcières du Moyen Age associées à la belladone, plante toxique aux vertus hallucinatoires que l’artiste avait convoqué lors de son exposition au MAC’s Grand Hornu et qui se voit réactivée dans la cour du CWB.

Olivia Hernaïz ravive la crise de la Tulipomanie, premier krach boursier européen suite à la spéculation interrogeant notre relation au vivant. Classement de la flore avec la collection de cartes postales d’Oriol Vilanova qui les récupère sur des marchés aux puces, le cactus devenant le héros d’une histoire de transfert et de migration. Une collection pauvre mais riche de sens. Fragilité à l’œuvre avec les calendriers de l’exil de Mekhitar Garabedian, ces images d’Arménie qui circulent parmi la diaspora alimentant la nostalgie du pays. Apparition et disparition d’une image avec la technique sur porcelaine mise au point par Garush Melkonyan qui projette des anciennes photographies dans ces sortes de camera obscura rejouant des procédés de pré-cinéma. Petite fille aux allumettes avec Eloïse Lega, l’une des œuvres les plus fortes du parcours, qui portent en creux (pyrogravure) le nom, l’âge et la nationalité d’un migrant mort lors de son périple. Rose devenues linceuls sous l’action de la bougie chez Simon Niçaise. Comme une vanité en puissance.

Si plusieurs œuvres ont été produites pour l’occasion, d’autres n’avaient pas encore été révélées au public français. L’occasion d’aller faire une visite dans ce lieu entièrement revitalisé par le travail sans relâche entrepris Stéphanie Pécourt animée par une vision joyeusement sauvage et agissante de l’art.  Une belgitude vite acclimatée au climat parisien et qui en fait toute la saveur.

Infos pratiques :

Hérétiques

Hérétiques

Par Albert Baronian

Jusqu’au 27 janvier

Centre Wallonie Bruxelles (cwb.fr)