Vue exposition FASHION FOLKLORE Scénographie Agence NC Juillet 2023 Grégoire Edouard Mucem
Le Mucem qui fête ses 10 ans a été un marqueur fort dans le renouveau de Marseille. Son pouvoir d’attraction ne se dément pas. Presque un emblème avec son architecture de dentelle qui plonge sur le grand bleu. Parmi sa programmation l’exposition « Fashion Folklore » est séduisante et pertinente à la fois dans sa traduction esthétique et portée politique. Si de tout temps les créateurs ont puisé dans le registre des traditions séculaires et folkloriques, à l’ère de la globalisation ces « emprunts » deviennent synonymes d’appropriation culturelle. A quel moment la porosité frise-elle la spoliation ? Comment entretenir un dialogue fructueux entre croisements historiques et culture contemporaine ? Autant d’enjeux qui traversent « Fashion Folklore » dans le prolongement de « Folklore » organisé avec le Centre Pompidou Metz en 2020. Avec le souci de participer à la sauvegarde du patrimoine textile, les maisons de couture ont été étroitement associées au projet, certaines devenant des conservatoires de savoir-faire. Les couturiers sont souvent des passionnés qui redécouvrent les archives et arpentent les musées en quête d’inspiration. L’exposition rassemble 300 pièces en provenance majoritairement des collections du Mucem et de collections françaises et étrangères. La scénographie de Nathalie Crinière particulièrement aboutie part d’une longue frise, épine dorsale du parcours, à partir de laquelle entrent en résonance fonds iconographiques et photographiques. Un effet miroir qui au-delà de l’imaginaire, convoque une dimension anthropologique.
La première partie se penche sur les appartenances et les identités avec des créateurs comme Paul Poiret et les influences russes, Jeanne Lanvin grande collectionneuse de broderies et vêtements traditionnels ou Yves Saint Laurent, voyageur immobile s’il en est. Les pays frontaliers de la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine n’hésitent pas à remettre au gout du jour les costumes traditionnels gage d’appartenance à un territoire. Après un passage sur l’importance et la symbolique des couleurs, les costumes régionaux français tels que la coiffe bretonne chère à Jean Paul Gauthier, la capeline du sud reprise par Chanel ou Yves Saint Laurent ou l’Arlésienne provençale réactualisée par Jacquemus.
La 2ème partie de l’exposition explore le versant anthropologique du vêtement synonyme de rites de passages et de codes sociaux-culturels. Chapeaux de catherinettes, ornements de tête de Lombardie, fascinante robe de mariée en rubans brodés de fleurs de Kenzo qui fait partie des collections de la maison ou d’Iris Van Herpen en hommage à la Renaissance …Le réemploi est une pratique qui préfigure l’upcycling avec la fascinante robe de Frank Sorbier faite d’un travail très minutieux de repiquage d’échantillons du monde entier. Puis renversement du genre. Si le costume vernaculaire a plus perduré chez les femmes, les créateurs les détournent à l’instar du vestiaire masculin que se réapproprie les femmes dans les années 60 en guise d’émancipation et de prise du pouvoir. La chemise blanche revisitée par les Six d’Anvers, le tailleur pantalon…
La dernière partie de l’exposition décrypte la circulation de certains motifs et la permanence du pastoralisme chez certains Etats-Nations et plusieurs singularités stylistiques que l’on observe par exemple avec la blouse traditionnelle roumaine dont Yves Saint Laurent s’empare et remet au goût du jour. Juridiquement faut-il fixer une protection comme avec le droit d’auteur ? Des questions prégnantes à l’ère de la globalisation. Jeanne Lanvin, Kenzo Takada, et le fameux défilé d’Hussein Chalayan « Ambimourphous » illustrent l’attrait pour la broderie artisanale hongroise, un patrimoine désormais reconnu.
Catalogue dans les best of ! Coédition : Gallimard / éditions du Mucem
240 pages, 180 images Livre relié, 39 €
Commissaires Marie-Charlotte Calafat et Aurélie Samuel.
A ne pas manquer également au Mucem : BARVALO, Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Voyageurs…
En langue romani, barvalo signifie « riche » et, par extension, « fier ». Ce mot polysémique est la porte d’entrée d’une exposition engagée où il est question de revendications identitaires, de coutumes séculaires, luttes pour l’émancipation à travers la langue ou le vêtement.
L’exposition comme le livre qui l’accompagne, entièrement bilingue français-romani, ont été conçus de manière collaborative avec un comité composé de cinq commissaires et quatorze experts d’origine romani (Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Gens du voyage/Voyageurs) et non romani, de nationalités et de profils différents.
Infos pratiques :
Mucem 10 ans
Fashion Folklore Costume populaire et Haute Couture
Jusqu’au 6 novembre