« Des cheveux et des poils », une captivante traversée de l’apparence au MAD, Paris

Alexis Ferrer — Wella Professionals Global Creative Artist
Postiche imprimé 2021 (collection La Favorite)
© Rafa Andreu
Mannequin: Emma Furhmann Agence Blow mode

Si vous êtes encore à Paris et que vous cherchez des idées d’expos, précipitez-vous au MAD (Musée des Arts Décoratifs) pour découvrir « Des cheveux et des poils ». Un titre qui cache une myriade de rituels et d’usages à la fois esthétiques, sociaux, historiques, anthropologiques.. et invite à une exploration de notre apparence à travers les siècles sous le prisme de la capillarité et pilosité.  

En quoi une barbe véhicule-t-elle le courage ou le monstrueux selon les contes ? Comment la tonsure du Moyen Age liée à la renonciation aux plaisirs terrestres devient-elle une marque d’humiliation pour les femmes, notamment à la Libération et qui perdure ? Pourquoi le roux attire et révulse en même temps ? Saviez-vous que Louis XIV impose la perruque à Versailles parce qu’il était chauve ? A quel moment est apparu le culte du bijou de deuil en cheveux ?

Affiche de l’exposition « Des cheveux et des poils » librement inspirée du travail de Naro Pinosa. Graphisme : © Aurélien Farina. Photo modèle : © Virgile Biechy. Jacob Ferdinand Voet, Portrait d’un homme, avant 1689, France © Jean-Louis Remilleux (collection Remilleux), Château de Digoine. Photo © Sotheby’s / Art Digital Studio

Autant de questionnements soulevés par les 600 œuvres et artefacts réunis dans une approche à la fois chronologique et thématique et que se réapproprient de nombreux créateurs de Martin Margiela à Jeanne Viceral.  La coiffure si elle apparait souvent comme légère ou frivole, participe autant que la mode à la construction de soi, de même qu’afficher ou non ses poils. De de la mode à la contestation il n’y a qu’un pas.

Il est question aussi d’un certain savoir-faire à la française au XVIIIème siècle qui inspire toute l’Europe à travers la figure de Marie Antoinette et son célèbre coiffeur Léonard et des métiers liés au poil qui connaissent un vrai revival actuel.

Comme le résume Denis Bruna, Conservateur en chef du MAD et commissaire « L’idée apparaissait même comme un défi : faire une exposition de mode – et un livre qui l’accompagne et la prolonge – sans pour autant présenter de vêtements et montrer que le corps lui-même, notamment par les cheveux et les poils qu’il produit, participe pleinement à la construction d’une apparence, d’une silhouette, d’une identité .. »

Dans le prolongement de ses précédentes expositions autour d’une histoire de la silhouette « La Mécanique des dessous », des liens entre vêtements et moralité « Tenue Correcte Exigée »  et la chaussure avec « Marche et démarche », il s’attache depuis plusieurs années à explorer les liens entre la mode, l’apparence et le corps.

Fred Goudon — Calendrier Les Dieux du Stade avec Morgan Parra
2015 © Stade.fr /
Photo: Fred Goudo

Dans une scénographie pleine d’extravagance et d’audace, défilent héroïnes de la Bible, rois et reines, favorites et courtisanes mais aussi hippies et Punks, sportifs et Dieux du Stade, selon l’acceptation Judéo Chrétienne de devoir lutter contre l’animalité qui est en nous, véhiculée par poils et cheveux débridés. Le musée d’Orsay a consenti à prêter l’un de ses chefs d’œuvre l’Origine du Monde de Courbet dans la section autour des enjeux liés à la pilosité intime des femmes faisant l’objet de nombreuses injonctions sociétales reprises dans l’histoire de la peinture mais aussi la publicité et le marketing contemporains. L’épilation chez la femme commence dès l’Antiquité comme cela se note sur une extraordinaire céramique héllénistique.

Les hommes ne sont pas en reste avec l’association souvent faite entre pilosité et virilité. Si avoir un visage lisse était un signe de noblesse pour un homme, cela va changer au XVIème siècle dans une veine guerrière, et cera de nouveau contrebalancé au XVIIème siècle selon des mouvements cycliques que l’on connait bien en mode.

Charlie Le Mindu
Coiffure Blonde lips Collection Printemps Été 2010 dite Girls of paradise
Fashion Week au Royal Festival Hall, 19 septembre 2009, Londres
© Samir Hussein / Getty Image

A noter qu’un coiffeur a reconstitué pour l’occasion des coiffures féminines d’une grande sophistication autour de la période faste des années 1775-1780 avec ornements, bijoux, postiches, poufs…et plus tard singeant une girafe selon l’engouement de l’époque.

Savante et populaire, divertissante et surprenante, cette exposition ne laisse pas indifférent. Bien qu’éphémère comme le souligne le commissaire, la coiffure est un art. Sans doute le message clé de cette exposition. Une exploration extra-européenne serait un nouveau chapitre à écrire.

Catalogue

288 pages 200 illustrations  Format : 22 x 32 cm

Relié,  Prix de vente : 55 euros (Boutique du MAD)

Infos pratiques :

Des cheveux et des poils

Jusqu’au 17 septembre

Programme culturel associé

Billet en ligne (ICI)

Les Arts Décoratifs – Site officiel (madparis.fr)

A venir : Mode et Sport, d’un podium à l’autre

à partir du 20 septembre