Mrac Occitanie : John Armleder, Mrzyk & Moriceau, Nouvel accrochage des collections (CNAP)

Anthea Hamilton Prude wallpaper, 2018. Peacock, 2018. Slanted Tartan Frame, 2018. Photo Andy Keate.

Clément Nouet, directeur du Mrac Occitanie, lors d’un récent entretien insistait sur la grande générosité de l’artiste John Armleder à l’occasion de son exposition Yakety Yak, traduisible par « bla bla bla » et inspiré d’un Puddle Panting monumental. J’étais impatiente de découvrir cette nouvelle saison au Mrac avec également le duo Mrzyk & Morceau et le nouvel accrochage des collections en dialogue avec des oeuvres du CNAP. Cette dernière proposition ayant trouvé le plus d’écho en moi.

Piochant volontiers dans l’histoire de l’art entre minimalisme, post modernisme, expressionnisme abstrait, Pop art…John Armleder se joue des catégories et dépasse les frontières entre peinture et design, pour reprendre le principe de John Cage d’art intimement relié à la vie. Grand collectionneur d’artefacts son entreprise de pillage et d’appropriation entre humour et irrévérence place le hasard au premier plan dans des protocoles d’exposition qui font oeuvre en soi. Le public est invité à naviguer dans cette myriade de tableaux en flaques, tableaux coulures, assiettes blanches (Furniture Sculpture), tubes de néons fluorescents, lampes disco, planches de surf, sapins de plastique…entre kitsch et décoratif, dérive esthétique et jeux formels, équilibres instables et dynamiques contradictoires. Réjouissant et iconoclaste, le parcours traverse l’ensemble des enjeux de cet artiste résolument inclassable. Un évènement dans le sud et au-delà à ne pas manquer sur le chemin de vos vacances.

Vue de l’exposition Meilleurs Voeux de la Jamaïque Mrac Occitanie

Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau distillent les épisodes de leur aventures fantasques sous le sceau du héros Ian Flemming depuis la Villa Arson en passant par le Havre, Nantes, Romainville avec la galerie Air de Paris qui les représente. L’idée d’une oeuvre totale et contaminante dans les différents espaces du Mrac ainsi qu’un jeu de défis via smartphone « Devenir artiste ou médiateur.. » fait partie de leur nouvelle panoplie formelle et conceptuelle. Plus de 500 dessins en all over sur les cimaises du rez de chaussée, des paravents en positif et négatif, des céramiques, vidéos…foisonnent pour constituer la fiction d’une résidence en Jamaïque dont la véracité n’est pas totalement claire. Dans cet espace souterrain nous sommes pris dans un labyrinthe de visions douces amères, sensuelles et hallucinées. 

Vue de l’exposition Le Retour Mrac Occitanie

Avec Le Retour dialogue et nouveau chapitre d’une longue complicité entre le Mrac et le CNAP la commissaire Juliette Pollet parle de « ressac des images » de « glu des objets », ou d’un « délire paranoïaque » il est question dans ce brillant panorama de notre conditionnement et narcissisme, de notre sujétion volontaire aux images et du vide qui en découle. Un espace hybride et dissonant  dont on peut dégager plusieurs composantes en lien avec l’histoire du portrait, le pastiche et la citation, la place du regardeur. Le titre de l’oeuvre de David Horvitz « Mood Disorder » donne le ton dès le départ. Par un habile procédé de dissémination sur la toile l’artiste s’est servi d’une photographie de son autoportrait à la Caspar Friedrich. Nina Childress avec son gros baigneur genré pointe les dérives des stéréotypes, Yuyan Wang avec sa vidéo réalisée pendant le confinement dissèque les dynamiques hypnotiques du hashtag #oddly satisfying à partir de matériaux du quotidien devenus obèses et obscènes. Enfin Judith Hopf souligne la distorsion du corps face à l’omniprésence de la machine dans un monde ubbérisé avec « Laptop Men ». Puis nous traversons un cadavre exquis sous forme de GIFs avec Linus Bill et Adrien Horni et un paysage de campagnes française envahi par la vague rose du Minitel 3615 dans les années 1980 quand le porno avait encore un visage. Jim Shaw nous livre les aspects débridés de son inconscient dans un face à face troublant avec son double qui serait inspiré de Jeff Koons, alors que se profile un tête à tête avec un squelette doué de parole par Ozgur Kar dans un monologue shakespearien autour de la mort. Alors que notre passage est entravé par la sculpture Boléro d’Elisabeth Ballet dessinant comme un enclos, l’artiste Pierre Joseph joue de son patronyme et soit disante parenté avec Pierre Joseph Redouté pour essaimer sur les moteurs de recherche ces images de fleurs très connotées intérieur bourgeois.

Spectaculaire moment avec Anthea Hamilton, descendante afro-caribéenne qui mixe les références de la culture populaire occidentale et africaine entre motif de tartan écossais (le Hamilton), papillon géant et femme yéti issue de la pensée fétichiste de Robert Crumb. Autres allusions racistes avec l’installation de Jean-François Boclé « Consommons racial ! » un alignement de produits alimentaires dont les emballages renvoient à une vision discriminante de la société. Une enquête que l’artiste a réalisé en Colombie à partir de la marque la Negrita qu’il trouve à Cali. En face la cabine de Nathalie du Pasquier renvoie à la très belle exposition du Mrac de 2022 par Clément Nouet. Elle est conçue de façon à pouvoir accueillir d’autres oeuvres comme une peinture de l’activiste britannique Lubaina Himid à partir du motif traditionnel du Kanga, pièce de coton où le texte le dispute à l’image. On se souvient de l’exposition de Sandra Patron en 2018  de l’artiste, lauréate du Turner Prize « Gifts to Kings ». 

Cette vision entre rêve et sommeil, cauchemar et dérive, se termine par le trompe l’oeil du studio de design GGSV (Gaelle Galibet et Stéphane Villard) « Ghost Bless You » sorte de créature sortie de Loch Ness tandis que la sculpture de Cécile Noguès ready made sensuel continue d’interroger cette part du refoulé de la psyché humaine et de l’histoire de l’art.

Infos pratiques :

Yakety Yak, John Armleder

Meilleurs Voeux de la Jamaïque 

Jusqu’au 24 septembre 

LE RETOUR 

Jusqu’au 7 janvier 2024

Prochainement au Mrac :

Anne-Marie Schneider

Du 14 octobre 2023 au 10 mars 2024

Commissariat : Thierry Leviez et Clément Nouet

Naomi Maury

Du 14 octobre 2023 au 10 mars 2024

Commissariat : Clément Nouet

Aurélie Piau

Du 14 octobre 2023 au 07 janvier 2024

Commissariat : Anaïs Bonnel et Clément Nouet