La Collection Pinault à Dinard : « Irving Penn, Portraits d’artistes », Villa des Roches Brunes

Irving Penn Salvador Dalí, 1947 © The Irving Penn Foundation Pinault Collection

On connait l’attachement de François Pinault pour la Ville de Dinard et c’est un autre volet estival qui s’ouvre pour la Collection Pinault Hors les Murs, en parallèle du Couvent des Jacobins de Rennes, dans l’emblématique Villa des Roches Brunes avec « Irving Penn, Portraits d’artistes ». Sous le commissariat de Mathieu Humery, conseiller pour la photographie auprès de la Collection qui propose également au Palazzo Grassi la rétrospective Chronorama, nous découvrons au-delà de la carrière de l’immense photographe américain dans la mode (60 ans chez Vogue), sa fascinante galerie de portraits d’artistes et d’intellectuels, véritable marque de fabrique.

Le parcours n’est pas chronologique mais procède par thématiques successives dans cet écrin Belle Epoque surplombant la Pointe de la Malouine qu’il a fallu adapter aux contraintes d’exposition de la photographie. Un véritable défi selon le commissaire pour un résultat plutôt réussi dans cet anti white cube qui favorise un certain rapprochement avec les célébrités épinglées dans les différentes pièces de la villa qui composent une sorte de puzzle. On se croirait presque chez Ozon ou Hitchcock, tellement le lieu perché sur un promontoire rocheux est cinématographique.

Irving Penn Marlene Dietrich, 1948
© The Irving Penn Foundation
Pinault Collection

Irving Penn, achète son premier Rolleiflex en 1938 avec le salaire d’Alexey Brodovitch. directeur artistique d’Harper’s Bazar, également son professeur Philadelphia Museum School of Industrial Art.

Ses fameux « corner portraits », qui ouvrent le parcours sont une invention géniale qui  renforce la déstabilisation du modèle dans un espace exigu et étroit tantôt anxiogène ou au contraire inspirant. Comme une punition (aller au coin), ce dispositif anticonformiste va singulièrement démarquer le photographe.

Toujours réalisés dans son studio à la lumière naturelle, avec un grand sens du dépouillement l’on y retrouve Marcel Duchamp, Georgia O’Keeffe, Salvador Dali, choisi pour l’affiche, Marlene Dietrich ou Alfred Hitchcock, assis sur un vieux tapis qui le met peu en valeur.

De par sa formation initiale de peintre il n’hésite pas à retoucher certains portraits, et, au-delà des besoins du magazine, accentuant les effets de l’ombre portée, du cadrage dans une grande précision formelle.

Sa grammaire plastique affirmée à ces 4 principes : Simplicité, lumière, construction, distance, Irving Penn poursuit l’exploration psychologique de ses modèles dont le visage toujours en plan serré livre sa profondeur. Sur un fond volontairement neutre : un simple rideau peint façon marbre gris et hors de leurs accessoires ou artifices, ces écrivains, artistes, jazzmen, architectes sont mis à nu révélant par leur vêtements, la posture de leurs mains et leur regard (fermé parfois comme chez Ingmar Bergman) des traits saillants de leur personnalités voire des excès. Picasso, comme un toréador en majesté avec cape et chapeau dont l’œil noir plante sa banderille fatale à la Villa La Californie, Colette dont les arabesques des cheveux gris renvoient à la richesse de sa parure tandis que ses yeux se perdent dans un trait de khôl, Truman Capote, cigarette à la main et yeux mi-clos semble un rien goguenard et déphasé, Richard Avedon posant avec une grande lentille, ce qui lui donne un côté quasi surréaliste, Cecil Beaton dans une pose très victorienne avec le noir profond de son manteau du soir en parfait dandy comme sorti d’un tableau de Manet. Quant à Jean Cocteau à demi perché sur un fauteuil dans son costume de tweed, il ressemble presque à une chouette ou un hibou en un savant déséquilibre.

La question des tirages est essentielle chez lui et il utilise différentes techniques qu’il expérimente dans un souci proche de la perfection. Le tirage au platine palladium très apprécié des photographes pictorialistes pour ses qualités esthétiques avant de tomber en disgrâce. Irving Penn au début des années 1960 le redécouvre. Sont exposés quelques chefs d’œuvre qu’il retire après leur prise de vue. Irving Penn revient aussi au gélatino-bromure d’argent, technique qui remonte à la proto-photographie. Il recherche une certaine dimension artisanale avec le recours à la chambre photographique, ce qui n’était pas exclus dans les magazines comme Vogue qui avait une ligne éditoriale exigeante et faisait appel aux plus grands artistes. La relation de Penn avec Alexander Libermann va influencer sa carrière pendant 40 ans.

Irving Penn David Bowie and Iman, 1994
© Condé Nast
Pinault Collection

Au fil de l’évolution de l’époque le profil des célébrités changent même si la rigueur et la constance du processus restent les mêmes que ce soit avec les rock stars, les acteurs de cinéma… David Bowie, Janis Joplin, Al Pacino ou Nicole Kidman.

A la différence d’autres expositions qui ont déjà célébré Irving Penn dont celle du Grand Palais à l’occasion de son centenaire en 2009 qui montrait l’ensemble de ses séries (les natures mortes, les voyages, les nus, les petits métiers, les mégots de cigarettes..), l’angle choisi par le commissaire donne une approche resserrée d’un portraitiste de génie qui a fait de l’austérité une signature intemporelle.

Infos pratiques :

« Irving Penn. Portraits d’artistes. Photographies de la Collection Pinault »

Villa Les Roches Brunes – 1, allée des Douaniers, 35800 Dinard

Jusqu’au 1er octobre 2023

Exposition ouverte tous les jours, sauf le lundi, de 11 h à 19 h

Tarif plein : 6 € / Tarif réduit : 4 €

Irving Penn. Portraits d’artistes | Pinault Collection

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