Interview Delphine Dumont, Mirror of self, Hangar et PhotoBrussels festival #7

Father Search, 2003 – 2007 © Annegret Soltau

A l’occasion de l’ouverture de l’exposition Mirror of Self et du lancement de la 7ème édition de PhotoBrussels festival, Delphine Dumont, directrice de Hangar revient sur cette tradition de l’auto portrait photographique qui perdure sous de nouvelles formes actuelles, les jeunes s’en saisissant de manière plus frontale et intimiste, les nombreuses réponses de l’appel à projet témoignant d’un réel engouement. Si Elina Brotherus, Kourtney Roy, Omar Victo Diop ou Mari Katayama sont plus attendus, le collectif Dazzled Project, Laura Hospes ou Yunsoon Jeong sont de vraies découvertes. 

PhotoBrussels festival fête l’âge de raison avec un nouveau statut juridique, nouveau comité de sélection et site internet autour de 38 lieux d’une grande variété, tous très impliqués. Visite guidée et incontournables.

La genèse de Mirror of Self

Mirror of Self s’inscrit dans le cadre de notre exposition thématique annuelle engagée depuis 7 ans. Nous avions au départ choisi l’idée du portrait, un sujet qui se révélait trop vaste aussi nous avons voulu donner un angle et l’autoportrait est apparu comme une évidence après cette période de confinement. Au fil de la découverture des nombreux dossiers reçus, il se dégageait avant tout des histoires de vie qui nous renvoyaient à nos propres émotions, nos propres vécus. Mirror of Self s’est de fait imposé.

Pink Mattress, From the series The Tourist, 2019-2020 © Kourtney Roy

En matière de sélection, comment avez-vous procédé ?

Sur les 23 artistes, 17 sont issus de la sélection de Hangar, le reste provenant de l’appel à projet que nous lançons au mois de juin. C’est la 4ème occurrence de ce processus de sélection et j’ai été surprise par le nombre de dossiers, près de 400, sur un tel sujet. Une pratique qui reste très vivante Autre surprise la jeunesse des artistes. Nous n’appliquons aucun critère quant à la nationalité ou au genre, ou au nombre de femmes, c’est toujours le projet qui nous motive.

Le choix de Sanja Marušić pour l’affiche

L’œuvre de l’artiste croate-hollandaise s’est imposée d’elle-même et d’autant plus que l’affiche précédente autour des oiseaux était en noir et blanc. Une image colorée qui réveille à cette période de l’année avec cette silhouette à la Frida Kahlo, intrigante et joyeuse au regard refermé qui incite à la contemplation et à l’imaginaire.

Quelles thématiques se dégagent de ce panorama de l’autoportrait ?

Une tendance générale qui concerne les projets des artistes émergents est le traitement assez brut et frontal de ces sujets qui touchent à leur intimité comme avec Karolina Wojtas qui raconte ses envies de meurtre sur un petit frère arrivé 13 ans après sa naissance ou avec l’artiste japonaise Mari Katayama amputée des deux jambes à l’âge de 9 ans, exposée à la Mep Paris récemment.

Ces projets traitent de l’enfance pour beaucoup et l’on peut citer également Julia Gat qui vient d’une fratrie de 5 où la liberté et l’éducation alternative étaient très encouragées.

La question du corps en souffrance est très présente comme avec Romy Berger qui engage un voyage introspectif au plus profond d’elle-même et se saisit de différentes sources numériques médicales pour des compositions hybrides. Egalement l’artiste coréen Yunsoon Jeong, victime d’un accident de voiture qui imagine sur son lit d’hôpital des mises en scène de situations catastrophiques avec une dose d’humour et d’autodérision.

Le corps est aussi envisagé dans une revendication identitaire autour du genre comme chez Louka Perderizet garçon assigné fille à la naissance dont nous suivons la transition ou Tomasz Machcinski, photographe autodidacte et performeur qui incarne toute une série de personnages historiques, littéraires ou politiques aux origines sexuelles ou sociales différentes, construisant sa propre mythologie. Présenté à Paris Photo 2021 par Christian Berst et à artgenève 2023, il a été une véritable révélation.

Laura Hospes se saisit de l’auto représentation en réaction à des traumatismes psychologiques ayant subi des abus sexuels. La peau rentre dans ses mécanismes de défense. Elle a proposé une fascinante performance lors du vernissage réalisée avec un hologramme.

Barbara Iweins, exposée à Arles cet été, dresse son « autoportrait » à travers les 12795 objets de sa maison qu’elle a photographié pendant 5 ans de manière clinique à un moment de rupture et de changement de vie personnelle.

Possession #2355, from the series Possession, 2022 © Mari Katayama

Au centre est proposé une exposition dans l’exposition  autour des enjeux de l’autoportrait « Self portrait gallery : From Man Ray to Zanele Muholi » : pourquoi-comment

Cet accrochage a une visée pédagogique avant tout, nos visiteurs ayant aussi soif d’apprendre. Le sujet est inépuisable mais nous tenions à le circonscrire sur un seul mur. Nous avons rassemblé des grandes figures de la photographie qui se saisissent de l’autoportrait de façon directe ou détournée avec Lee Friedlander, Vivan Maier, Martin Parr mais aussi Dieter Appelt, Marcel Lefranc…  Nous avons pu obtenir des prêts majeurs du musée Fomu Anvers et musée de Charleroi et des galeries comme Nathalie Obadia.  

Des artistes plus confirmés sont également présents comme Kourney Roy, Elina Brotherus ou Omar Victor Diop

Il s’agit toujours en effet de favoriser un mélange d’artistes émergents aux côtés de leurs ainés qui pratiquent l’autoportrait de façon plus institutionnalisée. Ce sont trois artistes qui se mettent plus en retrait, dans une forme de pudeur. Ils ne se livrent pas curieusement. Alors que les jeunes talents s’exhibent d’avantage, les réseaux sociaux jouant un rôle certain.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans la démarche du collectif The Dazzled Project ?

Je tenais à ce que le selfie soit abordé en tant que la forme d’autoportrait contemporain. Le collectif a répondu à l’appel à projet et j’ai été séduite d’une part par l’installation immersive, une expérience à vivre par le public et d’autre part car ce sont des photographes iconographes qui collectionnent les images comme ces selfies pris devant un miroir avec un flash. Il y a un paradoxe entre le besoin de se montrer pour arriver à une image qui opère une déperdition de l’identité. Quand on rentre dans cet espace fermé on se trouvé ébloui par les flashs avec les reflets de notre visage démultipliés sur de petits miroirs. On oscille entre observateur et acteur, captif ou agissant.

PhotoBrussels festival : les 7 ans

Nous avons créé une vraie structure –asbl- et lancé cette année un site internet dédié : PhotoBrussels Festival.

Pour la première fois nous avons choisi un comité d’organisation constitué de 6 structures : La Nombreuse, Contretype, Fondation A, l’Enfant Sauvage, Centrale fior Contemporary art et l’Atelier Contraste. Nous nous sommes réunis pour d’une part sélectionner les lieux, 38 au total et redéfinir les conditions de participation : être un lieu culturel, exposer de la photographie pendant le Mois de la Photo, s’engager à proposer un certain nombre d’évènements et respecter les horaires d’ouverture actés ensemble et repris sur les supports de communication.

Cette année le festival a pris plus d’ampleur non pas en ce qui concerne le nombre des lieux mais à un niveau qualitatif et d’implication des acteurs. Il n’y a pas de thématique générale imposée.

Quelles recommandations ?

Je parlerai des expositions que j’ai découvertes pour l’instant :

Fondation A autour de Graciela Yturbe, le collectif La Nombreuse qui expose le travail de Mathias de Lattre « Mother Therapy », Elevensteens nouveau lieu ouvert par un collectionneur francais Serge Carasco qui présente 3 artistes : Luc Praet, Guillaume Lemarchal et Harald Fernagu. Citons également Contretype et son exposition collective de 6 photographes émergents : Lyoz Bandie, Théodore Bauthier, Bénédicte Blondeau, Alik Christoforou et Marcel Top.

Du côté des galeries, la Mhaata Galerie avec Philippe Calandre qui avait déjà montré ici son travail sur la ville de Bruxelles et Jos Tontlinger.

Enfin, le Centre Culturel Coréen propose un group show sur le thème de l’autoportrait.

Et PHOTO Brut ?

Centrale for contemporary art fait partie de l’exposition PHOTO Brut avec les trois autres lieux : Botanique, Art & marge et Tiny Gallery autour notamment de la collection de Bruno Decharme. Leurs dates sont décalées cette année mais ils font bien partie du festival.

Prochaines expositions

Nous allons montrer au moment d’Art Brussels, pour la première fois en Belgique et dans son entièreté, la nouvelle série d’Alice Pallot sur les algues vertes toxiques dites « maudites » qu’elle a réalisée pendant sa résidence chez 1 + 2 à Toulouse en collaboration avec des scientifiques. Elle démontre la multiplication de ces algues sur les côtes bretonnes. Nous allons exposer la belle installation réalisée par le collectif De Anima: Oyster Mushroom Orchestra « O.M.O » dans une version différente de celle présentée à Unbound (Unseen Amsterdam).

Nous allons exposer en parallèle « Vivants » de Matthieu Gafsou qui était le professeur d’Alice Pallot à l’ECAL avec notamment ses tirages au pétrole.

Aux étages nous allons proposer un group show sur le thème de l’île avec notamment le projet de Richard Pak , « la firme ».

Nous serons dans une thématique résolument environnementale.

Catalogue Mirror of Self (disponible à la librairie)

Infos pratiques :

Mirror of Self

Fermé le lundi

Du mardi au samedi de 12h- 18h

Tarif standard 7€

Book Tickets

Hangar
Place du Châtelain 18 Kasteleinplein
1050 Brussels

Hangar art center

PhotoBrussels festival : plan et programme

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