Quoi de neuf en 2023 ?

Zanele Muholi Mihla-III-Port-Edward-2020 Gelatin-silver-print-70-x-70-cm Courtesy-of-the-artist-Yancey-Richardson-New-York-and-Stevenson

L’année artistique 2023 sera intense en écho aux enjeux actuels dont une large place donnée aux artistes et militantes femmes avec la sculptrice Germaine Richier, la peintre norvégienne Anna -Eva Bergman, la pionnière de l’art abstrait Hilma af Klint à BOZAR (Bruxelles), les activistes sud africain.e Zanele Muholi à la MEP et l’Afro américaine Simone Leigh, Lion d’or de la Biennale de Venise, exposée à Boston, Washington, Los Angeles ou leurs ainées Sarah Bernhardt (Petit Palais) et Suzanne Valadon (Centre Pompidou Metz). Entre Naples (le musée Capodimonte invité au Louvre), Venise et Giovanni Bellini au musée Jacquemart-André, Amsterdam avec Vermeer en grand au Rijksmuseum, Aix-en-Provence avec Yves Klein, intime ou la Fondation Louis Vuitton pour une confrontation Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, il y a de quoi satisfaire toutes les sensibilités. 2023 verra également la célébration du 50ème anniversaire de la disparition de Pablo Picasso avec plus de 40 expositions dans toute l’Europe, dont à Paris le Musée du Luxembourg qui se penche sur ses liens avec l’intellectuelle et mécène Gertrude Stein. Du côté des foires : l’année débute avec Art Genève et la Brafa, Art Paris se tiendra du 30 mars au 2 avril au Grand Palais Ephémère.

Morceaux choisis :

A Paris :

Zanele Muholi à la MEP

Première rétrospective en France consacrée de la photographe et activiste sud- africain·e, dont le travail, proche du militantisme, se penche sur la communauté noire LGBTQIA+, encore victime d’injustices et de préjugés dans la société post apartheid. Dans ses portraits individuels et collectifs l’artiste cherche à rendre visible des personnes queer et racisées, tout en questionnant les stéréotypes et les représentations dominantes qui y sont associées. Les photographies de Muholi montrent la diversité et la singularité des membres de la communauté, en mettant en avant leur courage, leur dignité face aux multiples discriminations.

Agnès Varda, « Germaine Richier dans son atelier », 30 novembre 1955 © Adagp, Paris, 2022 © Succession Agnès Varda. Fonds Agnès Varda déposé à l’Institut pour la Photographie

Germaine Richier au Centre Pompidou

Le Centre Pompidou qui a accueilli plus de 3 millions de visiteurs en 2022, propose une double rétrospective -avec le Musée Fabre pour le 2nd volet- d’une artiste un peu passée au travers du radar alors qu’elle est une des rare femme à être exposée de son vivant au Musée national d’art moderne en 1956. Avec près de deux cents œuvres – sculptures, gravures, dessins et peintures – l’exposition offre une relecture de sa création et souligne ses résonances contemporaines, à l’heure d’une prise de conscience globale du vivant. Nourrie de recherches inédites menées en France et à l’étranger dans de nombreux fonds d’archives, elle démontre combien Germaine Richier occupe une position centrale dans l’histoire de la sculpture moderne, comme un « chaînon entre Rodin et le premier César » selon les termes d’Ariane Coulondre, commissaire.

Du 1er mars au 12 juin, Centre Pompidou, Paris

Anna-Eva Bergman au Musée d’art moderne de Paris

La peintre norvégienne et compagne du peintre Hans Hartung bénéficie enfin d’une reconnaissance en France. L’exposition Anna-Eva Bergman, Voyage vers l’intérieur apporte un éclairage décisif dans la redécouverte de cette artiste majeure en proposant un panorama de toute sa production à partir de plus de 200 œuvres. Sa démarche peut être considérée aux côtés d’autres grandes artistes femmes comme Hilma Alf Klint, Georgia O’Keefe ou encore Sonia Delaunay qui ont été ses contemporaines.

Du 31 mars au 16 juillet 2023, Musée d’art moderne Paris

Gertrude Stein et Picasso

Gertrude Stein est une immigrée juive américaine, homosexuelle, installée à Paris, rue de Fleurus, peu après l’arrivée de Picasso dès 1901, Espagnol, fiché par la police comme anarchiste. Leur position d’étrangers, maîtrisant approximativement le français, leur marginalité fondent leur appartenance à la bohème parisienne et leur liberté artistique.
Leur postérité est immense. Examiner leur complicité, leur inventivité permet d’esquisser une traversée des approches conceptuelles et performatives de l’art, de la poésie, de la musique et du théâtre à travers de grandes figures : Picasso et G. Stein, Matisse, Gris, Picabia, Duchamp, Ed Ruscha, Jasper Johns, Andy Warhol, Bruce Nauman, Carl Andre, Roni Horn, Glenn Ligon, Anne Teresa De Keersmaecker, John Cage, Steeve Reich, Bob Wilson, Philip Glass…

Du 13 septembre 2023 – 28 janvier 2024, Musée du Luxembourg Paris

Sarah Bernhardt, mise à l’honneur au Petit Palais 

Le Petit Palais qui a accueilli 1 085 517 visiteurs en 2022 va créer l’évènement avec « Sarah Bernhardt, Et la femme créa la star ». Interprète mythique des plus grands dramaturges comme Racine, Shakespeare, Victor Hugo, Edmond Rostand, La Divine ne cesse de triompher sur les scènes du monde entier. Le parcours de l’exposition retrace grâce à plus de 400 œuvres la vie et la carrière de l’actrice mais aussi de la peintre, écrivain et sculptrice.

Du 14 avril 2023 au 27 août 2023, Petit Palais, Paris

Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat, 1985. Photographie de Richard Drew © Richard Drew/AP/SIPA

Basquiat x Warhol à la Fondation Louis Vuitton : dialogue des titans

Ces deux monstres sacrés se rencontrent en 1982 par l’intermédiaire du galeriste suisse Bruno Bischofberger et vont co-signer une centaine de tableaux jusqu’à la rupture provoquée par Basquiat qui se sent vampirisé par son ainé.

Du 5 avril au 28 août, Fondation Louis-Vuitton, Paris

« Avant l’orage » à la Bourse de Commerce/Collection Pinault, nouveau cycle d’expositions autour d’œuvres de la Collection qui dessinent des paysages instables sur fond de dérèglement climatique. Articulée en deux temps, cette saison s’ouvre, le 8 février prochain, avec une installation monumentale et inédite de Danh Vo, créée pour la Rotonde.

Hiroshige et l’éventail. Voyage dans le Japon du 19e siècle

Le musée Guimet présente pour la première fois en France un ensemble unique d’estampes d’Utagawa Hiroshige (1797-1858) destinées à orner des éventails. Réalisées entre les années 1830 et 1850, elles comptent parmi les plus rares et les plus élaborées de l’oeuvre de l’artiste, l’un des derniers grands imagiers du Japon de l’époque d’Edo. Ces feuilles d’éventails révèlent l’inventivité graphique et la diversité de son travail, depuis les sites célèbres de la ville d’Edo et les paysages de provinces japonaises, jusqu’aux subtiles compositions de fleurs et d’oiseaux, en passant par les portraits féminins, les scènes historiques, littéraires ou les images parodiques. Les oeuvres exposées proviennent de la Collection Georges Leskowicz, qui possède l’une des plus belles collections de ce genre au monde.

du 15 février au 29 mai 2023 au Musée national des arts asiatiques – Guimet

Matisse-Cahiers d’art, le tournant des années 30 au musée de l’Orangerie 

Exposition évènement  organisée avec le Philadelphie Museum of Art et le Musée Matisse à Nice. En 1930, Matisse quitte la France pour un voyage à Tahiti, marquant ainsi volontairement une pause dans sa création, et engageant un tournant dans son œuvre. Une décennie qui sera décisive. C’est à travers le prisme de Cahiers d’art, grande revue d’avant-garde créée par Christian Zervos en 1926, que l’exposition aborde l’œuvre de Matisse dans les années 1930. Articles et reproductions des œuvres de Matisse contribuent à relancer la compétition avec Picasso. Dans les numéros successifs de la revue, Matisse figure aux côtés des artistes de son temps : Georges Braque, Juan Miro, Fernand Léger, Vassily Kandinsky, Mondrian, Le Corbusier ou Marcel Duchamp.

En régions :

Le Carré d’Art : 30 ans !

Carré d’Art, bâtiment réalisé par le célèbre architecte anglais Norman Foster, aura 30 ans le 9 mai 2023. La programmation de 2023 sera principalement consacrée à cette célébration autour de la richesse de sa collection considérée comme l’une des plus importantes à un niveau national et international. De plus l’art contemporain sera présent dans toute la ville de Nîmes de mars à décembre avec un Hors les murs exceptionnel.

Carré d’Art – 2e étage LA MELODIE DES CHOSES – Regard sur la collection. Dès le 17 janvier 2023

Carré d’Art – Galerie Foster (rdc) Regard sur la collection photographique du musée par SUZANNE LAFONT. Exposition du 9 mai au 17 septembre 2023

Carré d’Art – 3e étage Regards sur une collection par WALID RAAD & TARIK KISWANSON. Exposition du 9 mai au 17 septembre 2023

Yves Klein, Intime. Hôtel de Caumont, Aix en Provence

Bleu comme la ceinture de judo de l’ancien champion, la flemme du chalumeau et le bleu de la mer. Avec à l’arrivée : l’invention IKB International Klein Blue), une signature manifeste immédiatement reconnaissable qui survit à sa mort précoce à l’âge de 34 ans. En regard du caractère public de l’œuvre de Klein, volontairement spectaculaire, voire flamboyant, cette exploration personnelle et intime est tout à fait inédite.

Alex Da Corte, Taut Eye Tau, 2015, Collection macLYON – photo : Blaise Adilon

Le macLYON : 40 ans de collection, sous le prisme du corps

Incarnations inaugure une série d’expositions et de manifestations prévues tout au long de l’année 2023 et s’intéressant à la présence du corps dans les œuvres de la collection du macLYON.

Le premier acte, du 24 février au 9 juillet 2023, prend pour point de départ le corps dans sa dimension organique, la matière charnelle telle qu’elle est modelée par les artistes qui en font l’objet, le sujet, le support et le médium de leurs pratiques artistiques.

Le second acte de l’exposition, à partir de septembre 2023 prolonge les interrogations développées autour de la manière dont le corps vit, interagit et subit un contexte
social et sociétal.

S’étendant sur plus de neuf décennies de création, depuis les années 1930 jusqu’à nos jours, la collection du macLYON est le reflet des réflexions des artistes qui la composent, et plus largement de l’évolution des regards au cours de cette période.

Du 24 février au 9 juillet, macLYON

Nazanin Pouyandeh, Nu au mimosa, 2020

IMMORTELLE, MO.CO Montpellier

Immortelle propose un panorama inédit et ambitieux de la jeune peinture figurative française. Rassemblant plus de 400 œuvres de 122 artistes, cette manifestation historique offre une lecture engagée de deux décennies de peinture française en 2 volets sur les 2 sites du MO.CO

  • Au MO.CO., seront présentés des artistes emblématiques de la scène française, nés de 1970 au début des années 80, qui affirment un goût pour la peinture figurative dans laquelle la place de la figure humaine demeure essentielle. 
  • Au MO.CO. Panacée, la nouvelle génération des années 80 et 90 revisite la peinture de genre (historique, portrait, paysage, nature morte…). 

Suzanne Valadon au Centre Pompidou Metz

Près de cinquante ans après sa dernière rétrospective en France, le Centre Pompidou-Metz lui rend hommage avec une ambitieuse monographie conçue comme un récit. Suzanne Valadon. Un monde à soi déjoue les fondements de sa mythologie pour offrir une relecture de son œuvre dans toute sa complexité et ainsi la resituer au sein d‘une histoire de l‘art qui a fait peu de cas de cette artiste audacieuse refusant d‘être assignée à un mouvement.

Son caractère frondeur, son destin hors du commun, sa vie et son art partagés avec son fils Maurice Utrillo et son mari André Utter, n‘ont cessé de nourrir l‘interprétation de son œuvre.

International :

Simone Leigh à l’ICA Boston et Hirshhorn Museum, Washington

Elle nous a impressionné à la Biennale de Venise avec ces grandes statues en hommage aux travailleuses noires invisbilisées qu’elle imagine pour le Pavillon des Etats-Unis qu’elle représente. Fruit de ses recherches autour du rôle, de la place et de la fétichisation du corps féminin noir, ces sculptures à valeur performative interrogent les discours dominants dans un prisme résolument féministe.

Marion Verboom, Achronie 32, 2022, plâtre, pigments, peinture et résine, 194 x 51 cm, courtesy de l’artiste et de la galerie The Pill © Nicolas Brasseur © Adagp, Paris, 2022

Marion Verboom, La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès, Bruxelles

Première exposition de Joël Riff en tant que commissaire de La Verrière, « Chryséléphantine » célèbre la sculpture composite. Son foisonnement tient autant de la combinaison gourmande de matériaux que de la compilation encyclopédique de motifs. Première exposition personnelle en Belgique de l’artiste française Marion Verboom, se propose de mettre en perspective sa production en présentant le travail de sept autres personnalités.  Articulant prêt d’œuvres existantes et nouvelles productions inspirées par un séjour bruxellois, l’accrochage embrasse une diversité de médiums, et associe statuaire cubiste, huile sur toile, céramique tournée, mobilier et texte, au travail de modelage et de moulage de Marion Verboom.

Du 9 février au 22 avril, La Verrière 

Vermeer au Rijksmuseum, l’un des temps forts de l’année 2023 aux Pays-Bas

Réunissant pas moins de 28 tableaux du maître sur les 37 aujourd’hui reconnus, grâce à des prêts exceptionnels comme la Frick Collection qui a consenti à se défaire temporairement de 3 de ses fleurons : La leçon de musique interrompue, L’officier et la jeune fille riant et La Maîtresse et sa servante. Le Louvre de son côté prêtera La Dentellière.

Rossetti et les préraphaélites à la Tate Britain (Londres)

Ce cercle aux affinités effectives autour de Dante Gabriel Rossetti, John Everett Millais et William Holman Hunt, jeunes étudiants de la Royal Academy donne naissance à la Confrérie préraphaélite : Pre-Raphaelite Brotherhood ou P.R.B, acronyme qu’ils utilisent en guise de signature. Epris d’un art plus authentique ils prennent pour modèle les primitifs flamands et italiens qu’ils transposent dans des univers domestiques. Un scandale pour l’époque. De cet âge d’or fantasmé William Morris revendiquera une approche artisanale et décloisonnée qui aura une grande influence sur la création à venir.

Hilma af Klint, The Swan, No. 12, The SUW Series, Group IX, 1915, oil on canvas. Courtesy of The Hilma af Klint Foundation

Hilma af Klint et autres visionnaires, BOZAR (Bruxelles)

Pionnière de l’art abstrait, son travail est présenté pour la première fois en Belgique aux côtés d’autres artistes inspirés par le spirituel et l’occulte. Une exposition soutenue par Sophie Lauwers, directrice de Bozar disparue d’un cancer en 2022 à qui nous rendons hommage.

Swedish Ecstasy du 17 février au 21 mai, BOZAR

Michel François 40 ans de pratique avec Contre nature. L’exposition est un concept unique dans lequel « l’œuvre d’art totale » est centrale et la salle d’exposition devient une extension de son atelier.

Du 16 mars au 21 juillet, BOZAR

L’art spolié au Mauritshuis museum (La Haye)

Été 2023 Un sujet d’une actualité brûlante est au coeur de cette exposition : l’art spolié. Au cours des dernières années, de nombreux musées, tant aux Pays-Bas qu’à l’étranger, ont effectué des recherches sur la provenance de leurs collections. Les recherches ont porté à la fois sur l’art ayant un passé de guerre, volé à des propriétaires juifs, et sur l’art colonial pillé. En retraçant correctement l’histoire des objets, on peut envisager l’avenir de cet art spolié. L’exposition Art Spolié laisse les objets, pour la plupart virtuels, raconter leur propre histoire au moyen de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée et de répliques. 

JO STRUYVEN / LUC TUYMANS, Musée Juif de Belgique

236
Land(es)capes from the 20th Convoy, 2020-2022, un regard artistique sur un épisode exceptionnel et oublié de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. 

Le 19 avril 1943, le 20e convoi quittait le camp de transit de Malines pour amener 1.631 déportés juifs vers Auschwitz. Grâce à des actions de résistances menées à la fois depuis l’intérieur et l’extérieur des wagons, 236 de ces déportés parviennent à sauter du train qui les menait à l’extermination. Il s’agit de l’unique épisode de ce type recensé dans l’Europe occidentale sous administration nazie. Revenant sur cet acte de résistance dont l’année 2023 marque le 80e anniversaire, le travail du photographe Jo Struyven (°Sint-Truiden, 1961) nous donne à voir les paysages dans lesquels a pris place cette histoire aussi frappante que méconnue. Se plaçant dans la perspective de ceux et celles qui sautèrent du train, acte que nombre d’entre eux payèrent de leur vie, Struyven leur dresse, avec 19 grands formats nocturnes en noir et blanc, un « mémorial » contemporain.  Placées en dialogue avec les photographies de Jo Struyven, deux oeuvres de Luc Tuymans (°Mortsel, 1958) évoquent, elles, la destruction des Juifs d’Europe. 

Du 19 janvier – 14 août 2023, Musée juif de Belgique

Des sujets graves pour terminer ce panorama qui souligne les enjeux dont se saisissent les musées et ils sont nombreux si l’on songe également à la question de la restitution des oeuvres. De la sphère muséale à la sphère politique il n’y a qu’un pas, tandis que la sobriété énergétique s’invite également au coeur des discours.