Œuvres d’art dans le viseur des militants écologistes : quelle cible ?

Phoebe Plummer et Anna Holland  (collectif Just Stop Oil) devant les « Tournesols », de Vincent Van Gogh, National Gallery (Londres), le 14 octobre 2022. JUST STOP OIL / AP

Londres, Vienne, Postdam, Melbourne, Paris et à présent Milan ou Van Gogh, Klimt, Monet, Picasso, Léonard de Vinci et la Scala -liste non close-sont l’objet d’attaques ciblées dans des musées ou institutions prestigieuses pour un impact relatif sur l’opinion publique qui reste mitigée.

Le sujet est sensible et déroutant : viser des artistes morts, qui par définition ne peuvent plus réagir au nom de l’inaction des gouvernements et la situation de crise des européens (inflation galopante en GB, catastrophe environnementale sur l’île italienne d’Ischia..) dans des mises en scène proche du happening abondement relayées sur les réseaux sociaux. Un mode opératoire simple et efficace qui se propage comme une trainée de poudre mais n’occasionnant pas de dégâts grave -en théorie-, ces collectifs revendiquant une démarche de non violence. Si réagir face à l’urgence climatique en marge de l’actualité -comme la Cop 27 à Charm el-Cheikh- est légitime, le procès intenté au patrimoine culturel mondial l’est-il complètement ? Dans une lettre ouverte 92 directeurs d’institutions majeures (Le Prado, Le Louvre, Le MoMa, British Museum, Hammer Museum, La Galerie des Offices, Albertina Modern…) ont réagi face à ce qu’ils qualifient de mise en danger, toutes les œuvres n’étant pas protégées par une vitre et tous les musées n’ayant pas les mêmes moyens pour faire face, certains déjà fragilisés par la pandémie. Rappelons qu’aux Etats-Unis des musées ont du se séparer  de chefs d’œuvre pour compenser les pertes post Covid et payer leur salariés. Un scénario inimaginable en France où nos collections sont dites inaliénables.

A en croire la sociologue Anne Bessette auteur de  «  Du vandalisme d’œuvres d’art – Destructions, dégradations et interventions dans les musées en Europe et en Amérique du Nord depuis 1970″ ce vandalisme dans l’histoire de l’art a toujours existé si l’on remonte aux Suffragettes de l’Angleterre Victorienne qui utilisaient le même scénario.

Il est vrai que la côte des œuvres d’art n’a cessé de grimper, le marché montrant une insolente félicité malgré un contexte de crise et de guerre si l’on en croit les transactions à 7 chiffres réalisées à Art Basel Miami dès le vernissage (Agnès Martin et Philip Guston pour 7 M $, Andy Warhol pour 3 ,8M). Tout le cirque de l’art contemporain s’est en effet précipité en Floride pour le dernier baroud d’honneur de Marc Spiegler, le big boss de Paris + suite à la chute de la Fiac, occasionnant une empreinte écologique sévère. Les bonnes résolutions de la pandémie ont bel et bien disparu ! Mais si Gagosian, Hauser & Wirth, Pace ou autres mastodontes avec le relai des puissantes maisons de vente anglo-saxonnes sont les symboles de cette bulle spéculative qui flirte de plus en plus avec le luxe et la mode, s’attaquer à des artistes qui n’arrivaient pas à acheter de quoi peindre de leur vivant, tel Van Gogh marchandant son logement à l’auberge du Dr Gachet, n’est-ce pas confondre les cibles ?

A chacun de se faire une idée, espérons toutefois que les musées ne se verront pas contraints de fermer en raison du coût occasionné par ces nouvelles mesures de surveillance ou d’encadrement. Car ne l’oublions pas, la culture n’est pas un luxe et nos vidéos de confinement le prouvent ! Elle n’a jamais été aussi essentielle. Elle se révèle même, en période de conflit, un outil de pouvoir et de revendication diplomatique majeur et l’on ne peut que se lamenter des pillages et exactions de masse commis par les russes sur le patrimoine ukrainien.  Nous qui pouvons en jouir librement, c’est une chance que mesure sans doute moins les plus jeunes avec l’avènement des NFT et autres blockchains qui font bouger les lignes de la valeur d’une œuvre. En attendant le couple star Beyoncé et Jay-Z a bel et bien choisi Le Louvre en 2018 pour leur clip THE CARTERS – APESHIT

se mesurant aux chefs d’œuvre les plus emblématiques et représentatifs de nos collections. Un théâtre aussi médiatique que politique qui replace l’espace du musée au cœur du débat public. Oui mais peut-être pas à toutes les sauces ?