Nan Goldin, 1st Day in quarantine, Brooklyn, NY, 2020. Paris, Marian Goodman Gallery © Nan Goldin – Courtesy of the artist and Marian Goodman Gallery
Nature morte ou « still life » pour les anglais, encore vivante, frémissante des désirs et projections de ceux qui les possèdent et les regardent, ces choses qui disent tant de nous ! Le Louvre avec cette traversée non linéaire et chronologique bouscule ce genre de la peinture dit mineur alors qu’en réalité il dépasse le cadre et renvoie à des domaines aussi variées que l’anthropologie, l’archéologie, la sociologie..
A travers 170 œuvres de l’Antiquité à la création la plus contemporaine entre les primitifs flamands, les « bodegones » espagnols du XVIème siècle, Chardin, Goya, Duchamp, Boltanski, Dali, Buster Keaton, Meret Oppenheim, Nan Goldin, peinture, vidéo, cinéma, installations.. Un signal fort lancé à l’arrivée de la nouvelle directrice du plus visité des musées français, Laurence des Cars qui a donné carte blanche à la commissaire et historienne Laurence Bertrand Dorléac, auteur de Pour en finir avec la nature morte (Gallimard).
Dès l’entrée sous la Pyramide de verre, les ballots de fortune colorés de Barthélémy Toguo accrochés à un mat nous disent une histoire du déplacement, de l’exil, de ces valises que nous trainons coûte que coûte. Puis dans le hall Napoléon, rotonde de marbre austère, le film d’Antonini Zabriskie Point avec ces objets de la vie quotidienne qui jaillissent de l’écran nous invite à d’autres chronologies, d’autres traversées du regard, d’autres bouleversements de perspective.
Les premières salles sont denses avec des thèmes introductifs comme repères « Ce qui reste » « Les objets de la croyance » « Accumulation, échange.., » « La bête humaine », « Sélectionner, collectionner » même si l’on s’aperçoit vite que les surprises et décalages sont de mise.
Comme dans un vertige, un « banquet de l’intelligence » pour reprendre les propos de la commissaire. Des télescopages spatio-temporels qui renvoient aux cabinets de curiosité et au culte du savoir, au pillage colonial et à l’émergence d’un goût bourgeois, à l’intrusion du réel et à la poésie surréaliste, au grand « Ballet mécanique » de la vie moderne, aux dérives consuméristes jusqu’à la surchauffe de la planète.
Profondément instable ce voyage témoigne de l’étonnant pouvoir d’incarnation et de fascination du trivial sur nos consciences. Des images qui s’inscrivent dans la rétine encore après, telle cette tête de vache immolée par Andres Serrano (collection A. de Galbert) qui nous lance un regard implorant, la jambe, sortie du mur de Robert Gober, étrangement posée au sol comme un apendice en cire de l’artiste (collection Pinault) ou encore le bouquet du 1er jour de confinement de Nan Goldin à New York, écho d’une période à la fois lointaine et proche où les plaisirs des petites choses sont redevenus essentiels.
Catalogue aux éditions Liénart-musée du Louvre.
Infos pratiques :
Les choses, une histoire de la nature morte
jusqu’au 23 janvier
Billeterie