Fondation Louis Vuitton : Simon Hantaï comme vous ne l’avez jamais vu ! et fugues chromatiques

Vue d’installation de l’exposition « Simon Hantaï : L’Exposition du centenaire », du 18 mai au 29 août 2022, Fondation Louis Vuitton, Paris © Archives Simon Hantaï / Adagp, Paris, 2022
© Fondation Louis Vuitton / Marc Domage

Il m’a fallu un certain temps avant de me lancer dans l’écriture de cet article, tant la sature de Simon Hantaï est imposante, à la fois très connu et sans doute aussi mal connu car réduit à une approche simpliste autour du pliage, alors qu’il a su faire preuve d’une incroyable inventivité et capacité de relecture et c’est là l’un des mérites de la vaste rétrospective que propose la Fondation Louis Vuitton avec pour commissaire la talentueuse Anne Baldassari. Auteure d’une monographie dédiée à son œuvre, elle a rencontré l’artiste très régulièrement entre 1990 et 1992 et cette trame donne une profondeur inégalée à sa connaissance fine du moine soldat apatride, adepte de l’ascèse et du jeûne qui a annoncé son retrait de la vie publique en 1982, année décisive.

Le parcours qui se concentre autour de 130 œuvres magistrales souvent de grand format s’inscrit entre les années 1960 et 2004, révélant pour la première fois au public les secrets du dernier atelier où l’artiste remet radicalement en cause les principes de démultiplication antérieurs. Si Hantaï a bénéficié d’une rétrospective au Palais de Tokyo en 1976 et présente à l’occasion de la 40ème Biennale de Venise un ensemble de grandes Tabulas, cette rétrospective à l’occasion de son Centenaire dépasse ces initiatives, à travers l’évocation de toutes les périodes d’expérimentation : Mariales, Catamurons, Panses, Mens, Etudes, Blancs et Tabulas, auxquelles s’ajoutent de façon inédite : Laissés, Sérigraphies, Suaires et Buées.

Vue d’installation de l’exposition « Simon Hantaï : L’Exposition du centenaire », du 18 mai au 29 août 2022, Fondation Louis Vuitton, Paris © Archives Simon Hantaï / Adagp, Paris, 2022
© Fondation Louis Vuitton / Marc Domage

Une traversée que l’on peut vivre de façon quasi scientifique que l’on soit épris d’abstraction et de logique ou plus intime et méditative en se laissant emporter par les sensations et les phénomènes sous-jacents. Hantaï, victime de cécité à son jeune âge est contraint de fuir son pays avec Zsuzsa, étudiante comme lui à l’Académie des Beaux-arts de Budapest qu’il épouse en janvier 1947, un an avant leur arrivée à Paris et ses rencontres avec Breton d’abord puis Daniel Buren, son voisin d’atelier qui lui présente Michel Parmentier. Des amitiés et une filiation évoquées par un dialogue à trois autour des magiques Tabulas lilas, peintes blanc sur blanc dans une quasi extinction de la couleur. L’intervention monumentale de Daniel Buren Mur(s) pour Simon, travaux in situ et en six mouvements, conçue spécialement en hommage est aussi l’un des temps forts de la visite. Matisse et Jackson Pollock sont aussi régulièrement convoqués.

Simon Hantaï, Tabula, [Paris], 1980
Acrylique sur toile marouflée
262 x 458 cm Collection particulière
© Archives Simon Hantaï / ADAGP, Paris 2022
© Fondation Louis Vuitton / David Bordes

Si l’on remonte à la part intime de la genèse de l’œuvre une petite photo couleur sépia de sa mère affublée de l’un de ses tabliers de cuisine indigo, marque l’un des jalons essentiels de la matrice à venir. Ce bleu nuit que Hantaï rapprochera du manteau de la Vierge de Giotto à la galerie des Offices à Florence. De même que les grands torchons blancs immaculés aux plis marqués par le fer qui déclenchent la série des Catamurons dans la maison de vacances de Varengeville été 1963 ou les mosaïques de Galla Placidia à Ravenne découvertes en 1948 à l’origine de « L’écriture rose » du maître, mystérieuse toile restée indéchiffrable d’essence spirituelle. Les documentaires de l’artiste Jean-Michel Meurice en toute fin du parcours Simon Hantaï ou les silences rétiniens, qui ont reçu des prix prestigieux prolongent la magie d’un geste révolutionnaire à l’aveugle. Amateurs ou non d’Hantaï, précipitez-vous !

En parallèle, l’exposition La couleur en fugue réunit au dernier étage de la Fondation, les artistes internationaux Sam Gilliam, Steven Parrino, Niele Toroni, Katharina Grosse et Megan Rooney, par ordre d’apparition. Le titre renvoie à l’axe sensible développé par la programmation de la Fondation autour des liens sons/couleurs et ces œuvres éphémères pour la plupart ont été spécialement conçues pour l’occasion avec une totale liberté. Si les grandes toiles déployées et suspendues, Drape paintings de Sam Gilliam, les tondos de Steven Parrino ou les poudroiements pastels de Megan Rooney sont très hypotoniques et convaincantes, la commande passée à Katharina Grosse dans sa débauche, frise l’excès.

Infos pratiques :

Simon Hantaï, l’exposition du Centenaire

La couleur en fugue

Jusqu’au 29 août

Programmation associée

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