Guillaume Désanges achève le cycle «Matters of Concern» avec Lucy McKenzie à La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès

Lucy McKenzie « Buildings in Belgium, Buildings in Oil, Building in Silks » 2021 détail courtesy de l’artiste Kristien Daem

Guillaume Désanges vient d’être nommé à la tête du Palais de Tokyo tout en poursuivant ses activités de commissaire pour la Fondation d’entreprise Hermès à La Verrière Bruxelles. Dans le prolongement du cycle « Matters of Concern  | Matières à panser » autour d’univers à chaque fois différents engageant une réflexion sur l’écologie des pratiques et des savoirs, il dévoilera fin avril le cycle suivant qu’il a imaginé.

Après la discrétion toute horizontale de l’artiste palestinien Majd Abdel Hamid place à la verticalité monumentale de l’artiste écossaise Lucy McKenzie. Entre mode, architecture, histoire sociale, muralisme soviétique et mexicain, design, bande dessinée, graffiti.., les nombreux champs d’investigation de cette artiste pluridisciplinaire visent à réévaluer les récits officiels des formes et iconographies modernistes occidentales. Lors de son dernier entretien Guillaume Désanges résumait ainsi : « Sa pratique insaisissable vient alors déjouer les catégories, les nominations et les dominations ». Au-delà d’une certaine séduction et préciosité dans la facture et les détails se cachent en effet les indices d’une ironie rampante contestataire comme nous le découvrons peu à peu à travers cette réponse magistrale à l’in situ de la Verrière. Lucy McKenzie a choisi d’investir totalement l’espace avec une grande fresque sur mesure intitulée « Buildings in Belgium, Buildings in Oil, Building in Silks » suggérant l’atmosphère d’une bibliothèque séquencée par un certain nombre d’épisodes et de personnages à partir de trois parties en quatorze panneaux. Un geste très ambitieux.

De ce décor foisonnant se détache le mur central construit comme une sorte de triptyque. D’un côté le professeur et intellectuel Georg Simmel fait face à un groupe d’élèves. Défenseur d’une vision très patriarcale de la mode, il est rapproché d’un autre théoricien Adolf Loos qui tient une poupée symbolisant sa femme et sa vision tronquée de la féminité. Puis surgissent Coco Chanel et Le Corbusier en train de couper les nattes d’une femme vêtue d’un costume traditionnel ukrainien. Cela devient de plus en plus ambigu, tandis que dans une sorte de laboratoire moderniste, une femme fait la vaisselle sous les regards de scientifiques ou comment l’irruption du réel vient contrecarrer l’utopie et l’idéalisme de départ.

Dans la partie droite du triptyque, on bascule dans une vision plus apaisée et émancipée de la mode avec des figures comme Madeleine Vionnet ou Jeanne Lanvin qui dialoguent avec des stylistes actuelles comme Véronique Branquinho, Bonnie Cashin, Lucie McKenzie elle-même et son associée Beca Lipscombe. De cette bacchanale au féminin très harmonieuse, se déroule le panneau le plus à droite où l’artiste nous donne sa vision plus intime de la création à travers des cartes géographiques qui évoquent le voyage et la fameuse villa E-1027 d’Eileen Gray ou l’appartement d’Elsa Schiaparelli, des espaces de subversion créatrice.

A contrario, si l’on se retourne vers le mur de gauche il est question d’une histoire de la mode en Union Soviétique dominée par la propagande totalitaire. Un système très contraignant où la conformité à l’idéologie ne laissait aucune place à l’inspiration et la liberté même si la dernière scène propose une vision plus nuancée avec des gens heureux qui fabriquent eux-mêmes leurs vêtements. Un paravent et une vitrine dévoilent enfin quelques créations de l’atelier E.B fondé par Lucy et son associée.

Ce trompe l’œil et mise en abyme subtile de l’univers de la mode, La Verrière étant associée à la prestigieuse boutique Hermès de la rue Louise offre ainsi différentes échelles et niveaux de lecture que l’on soit spécialiste ou non de l’histoire de l’art. Comme un diorama des prémisses du cinéma qui se déroule sous nos yeux, l’histoire officielle rencontre celle des cultures marginalisée ou sous-évaluées. Un idéal de vie et de création inclusif et réparateur qui ose une lecture décomplexée, féministe et radicale qu’il est réjouissant de découvrir.

Prochaine exposition à la Verrière : « Tactiques du rêve augmenté »,  exposition collective qui ouvrira le prochain Cycle imaginé par Guillaume Désanges.

A partir du 27 avril

Retrouver mes interviews avec Guillaume @Fomo-Vox

Infos pratiques :

Lucy McKenzie

« Buildings in Belgium, Buildings in Oil, Building in Silks »

Jusqu’au 26 mars

La Verrière,

Bd de Waterloo, 50

Bruxelles

Actuellement : « Formes de transfert » 10 ans de Résidences d’artistes au sein des manufactures de la maison Hermès, Magasins généraux (Pantin).

https://www.fondationdentreprisehermes.org

Organiser votre venue :

visit.brussels | Visit Brussels