Visite nocturne au Musée d’arts de Nantes : Hypnose, United States of Abstraction

Marina Apollonio, Spazio Ad Attivazione Cinecita 6B, 1966 2000 Museo del Barrio

Tous les jeudis c’est nocturne et gratuit au Musée d’arts de Nantes, on en profite ! L’occasion de redécouvrir ce fabuleux musée et son élégante extension qui donne une large place à la lumière naturelle. Au menu : Hypnose et Abstraction américaine.

Pascal Rousseau, auteur du livre « Hypnose, Art et hypnotisme de Messmer à nos jours » (prix du Livre d’art 2021) est le commissaire avec Sophie Lévy de cette captivante exposition qui retrace les liens art et hypnotisme, en deux temps d’une part au Musée d’arts et d’autre part à la Chapelle de l’Oratoire avec l’installation de Tony Oursler (Voyage à Nantes).

De Charcot à Brauner, Fritz Lang, Salvador Dali ou la chorégraphe Mary Wigman à des formes plus contemporaines tous les spectres du champ hypnotique sont explorés. Entre magnétisme (la cure du Docteur Mesmer) et états modifiés de conscience, transe et convulsions, sommeils surréalistes hypnotiques jusqu’aux dérives psychédéliques des années 1960 et regain d’intérêt de nombreux artistes contemporains, le parcours chronologique offre de multiples niveaux d’expérience au regardeur. Jusqu’à quel point l’hypnose peut-elle encourager une forme de créativité décuplée ? Quels mécanismes de projection sont-ils en jeu ? Qui est l’hypnotiseur et l’hypnotisé ? Autant d’enjeux qui nous conduisent à des questions très actuelles autour de l’identité et du genre, des phénomènes de la reconnaissance faciale et de la puissance des data comme l’explore Tony Oursler dans la 2ème partie.

Gustave Courbet La Voyante ou La Somnambule Gustave Courbet, vers 1855,
Besançon, © Musée des beaux-arts et d’archéologie,
photo C. Choffet

Parmi les œuvres incontournables : l’arc d’hystérie de Rodin d’une jeune danseuse magnétisée à son atelier, l’extraordinaire petit tableau de Courbet La Voyante ou La Somnambule, cette femme au visage happé, la grande toile de Georges Moreau de Tours Les Fascinés de la Charité à partir des séances orchestrées par Charcot autour de ses patientes, racontées dans le livre incontournable Le Bal des Folles de Victoria Mas, les dessins somnambuliques de Théophile Bra ou les installations contemporaines de Matt Mullican et Larry Miller.

Victor Brauner, Strigoï La somnambule 1946, Strasbourg, Musée d’art moderne et contemporain Adagp Paris

Tony Oursler investit de façon magistrale la Chapelle de l’Oratoire dont j’ai vu de nombreuses propositions, avec une sorte de théâtre des ombres autour d’une douzaine d’œuvres entre installations et vidéo. Plongés dans l’obscurité nous évoluons autour de spectres et de fantômes dont Mesmer et Charcot, entre un smartphone géant et des ballons gonflables, machine à rêves et bandes sonores. Une traversée du miroir foisonnante et dissonante qui prolonge les mirages de l’hypnose.

TONY OURSLER State_NonState (Hypnosis) 16 octobre 2020 – 31 janvier 2021 courtesy Lisson galery

Egalement à l’affiche United States of Abstraction en partenariat avec le Musée Fabre de Montpellier qui va accueillir l’exposition. L’exposition revient sur l’attraction que représente Paris pour les peintres américains après-guerre dont beaucoup bénéficiaient de la bourse du G. I Bill comme William Klein, leur offrant leurs études dans des écoles parisiennes entre 1946 et 1953.

Robert Breer, Untitled, 1954, oil on canvas, 96 x 161 cm, Paris, Centre Pompidou – Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle © Robert Breer, photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian.

Paris devient une île, titre de la 2ème section, sans doute la plus belle avec ce dialogue de haut vol entre Shirley Jaffe qui suit son mari Bill à Paris, Joan Mitchell et Sam Francis. Les enjeux poursuivis par ces peintres avec la scène française ne sont pas les mêmes malgré des influences communes et si Michel Tapié, critique d’art expose Pollock et De Kooning aux côtés de représentants de l’Ecole de Paris, ces liens vont être par la suite remis en cause par les peintres américains.

Ellsworth Kelly, Window, Museum of Modern Art, Paris, 1949,
Paris, Musée national d’art moderne Paris © Droits réservés,
photo : © Centre Pompidou- MNAM-CCI, Dist.RMN-Grand- Palais/Philippe Migeat

La dernière section explore ces liens ambigus entre les deux scènes entre Ellswoth Kelly, Jack Youngerman, Jean Arp ou François Morellet autour de la place du hasard et de l’inachevé, Calder et Ralph Coburn et les transformations combinatoires multiples. Dernière œuvre du parcours et pas des moindres, « Window, Museum of Modern Art, Paris, 1949 » une fenêtre de Kelly, manifeste de ready-made qu’il fixe lors de son séjour en France et marque un jalon décisif dans sa pratique. L’exposition Fenêtres organisée par le Centre Pompidou en 2019 retraçait cette formidable aventure.

Infos pratiques :

United States of Abstraction

Jusqu’au 18 juillet

Hypnose et Tony Oursler

Jusqu’au 12 septembre

Zhu Hong, les lignes de l’eau

https://museedartsdenantes.nantesmetropole.fr/

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