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Interview mountaincutters, La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès

Vue de l’exposition de mountaincutters, « Les Indices de la respiration primitive », La Verrière (Bruxelles), 2021 © Isabelle Arthuis / Fondation d’entreprise Hermès

Je réalise l’interview du duo mountaincutters qui vit et travaille à Bruxelles à l’occasion de leur première exposition en Belgique à l’invitation de Guillaume Désanges dans le cadre du cycle « Matters of Concern » pour la Fondation d’entreprise Hermès. Leur projet SPOLIA (Généalogies fictives) conçu avec Guillaume Désanges pour le Grand Café Saint-Nazaire donne une coloration singulière à cette discussion ininterrompue autour de ce qu’il définit comme l’hybridité des règnes, la vulnérabilité partagée, le désordre salutaire dans une nouvelle séduction de la matière, non plus froide et clinique mais conductrice d’énergie et de chaleur. Un travail en décroissance, résume le duo. Assurément l’une des propositions les plus abouties de ce cycle pour La Verrière. mountaincutters revient sur leur réponse à l’in situ et aux prérequis de ce cycle qui les a conduit à aborder autrement leur pratique. «Les Indices de la respiration primitive », titre de cette exposition marque également le point de départ d’un nouveau chapitre, dont ils nous décryptent les enjeux. A noter que le duo, diplômé de ESADMM de Marseille, bénéficiera d’un solo show à Art-O-Rama 2021 dans le prolongement du prix Région Sud. Ils préparent également une œuvre suite à leur participation pour le prix YAF du Musée de sculptures en plein air du Middelheim à Anvers. 

A quand remonte votre première rencontre avec Guillaume Désanges ?

Nous le rencontrons pour la première fois à l’occasion de la préparation du 61ème  Salon de Montrouge en 2016 ici à La Verrière, Guillaume Désanges accompagnant d’un texte de présentation les enjeux qui nous définissent.  

Vue de l’exposition de mountaincutters, « Les Indices de la respiration primitive », La Verrière (Bruxelles), 2021 © Isabelle Arthuis / Fondation d’entreprise Hermès

Quel défi représentait pour vous cette proposition ?

Nous connaissions bien le lieu et allions régulièrement voir les expositions du cycle de Guillaume dont nous apprécions l’approche écologique du commissariat. Nous étions heureux de cette proposition tout en intégrant le défi architectural que présentait la dimension assez verticale et vertigineuse de La Verrière avec cette présence très forte de la lumière et du ciel. Nous avons alors cherché ce qui pourrait répondre à cet espace proche du white cube après avoir exposé dans des lieux plus industriels et incarnés en quelque sorte. Nous nous demandions comment notre travail allait résonner dans un tel lieu.

L’autre défi était de chercher ce qui dans notre pratique, pouvait rejoindre cette « matière à panser », chargée de potentiels réparateurs et guérisseurs. Nous nous sommes alors branchés, plugués à cette capsule de pensée, comme pour un travail in-situ. 

Vue de l’exposition de mountaincutters, « Les Indices de la respiration primitive », La Verrière (Bruxelles), 2021 © Isabelle Arthuis / Fondation d’entreprise Hermès

Le choix du titre : « Les indices de la respiration primitive »

Ce titre provient d’un fragment de textes que l’on écrit et que l’on nomme les « Intervales », une pratique de l’écriture fragmentaire à caractère poétique, liée à un jeu fictionnel autour du corps, du masculin et du féminin, à des rapports d’échelle entre l’humain et le géologique. Les indices de la respiration primitive marquent le début d’un cycle qui creuse les porosités entre le présent et nos recherches autour de cette fascination pour l’art pariétal avec ces Vénus de fertilité qui apparaissent et des objets archéologiques dont on ne connait pas exactement la fonction comme cette boule en verre, diamant à l’état brut dans lequel nous avons encapsulé un bol en céramique. Des éléments volontairement antinomiques. Cela rejoint notre volonté de créer des situations transitoires, d’incertitude où plusieurs temporalités viennent se croiser. 

La respiration est ce qu’il nous reste quand tout disparait. Ce dernier souffle, devenu essentiel pendant la période du confinement.

Vue de l’exposition de mountaincutters, « Les Indices de la respiration primitive », La Verrière (Bruxelles), 2021 © Isabelle Arthuis / Fondation d’entreprise Hermès

Les réminiscences de SPOLIA (Grand Café Saint-Nazaire) et d’Anatomie d’un corps absent (Le Creux de l’Enfer)

Au Creux de l’Enfer, ancienne coutellerie transformée en centre d’art, nous avons, en réponse au dur labeur des émouleurs couchés sur le ventre pour travailler le métal dans le flux constant de l’eau entrainant la meule, imaginé ces chariots métalliques sur roulettes de verre.  Une approche à la fois politique et poétique, que l’on retrouvait également à Saint-Nazaire, ville au passé ouvrier très présent, alors qu’aujourd’hui, les réflexions de Guillaume se sont déplacées vers une matière conductrice de magie et de possible guérison. 

La scénographie et circulation du spectateur 

L’idée de la déambulation est importante lorsque le spectateur arrive et butte devant certains éléments, son corps devant alors être actif pour se pencher et regarder. Des obstacles surgissent qui n’apparaissaient pas au départ mais l’installation peut être véritablement traversée. 

La référence plus explicite au corps 

Nous avions jusqu’ici toujours refusé la référence directe au corps qui apparaissait en creux, en négatif à travers les traces d’une activité. Ici au contraire, nous cherchons à représenter des parties du corps en l’occurrence les mains qui sont essentielles dans notre travail et de les conjuguer avec cette histoire de vulnérabilité, de corps empêché. Ainsi des prothèses en métal conçues par Quentin pour permettre à Marion dont le corps souffre d’une maladie auto-immunitaire de faire des dessins dans l’espace. Ces structures sur roulettes de chantier fonctionnelles au départ, sont devenus comme cristallisées et symboliques, scandant tout l’espace. 

L’évolution de la pratique en regard du Cycle Matter of Concern

Nous avons fait à Guillaume des propositions tout à fait inédites. Il nous a encouragé par exemple à affirmer le geste autour du cuivre. L’obligation initiale de se connecter au cycle nous a permis d’affirmer des potentiels qui étaient sous-jacents dans notre pratique. 

On commence à se guérir de notre propre processus de travail après avoir été très loin dans l’élimination de la matière. C’est comme si nous étions confrontés à un système qui fonctionne de manière irrationnelle dont la finalité nous échappe. Nous commençons à nous permettre de faire des formes qui nourrissent nos langages et nos gestes.

Nous cherchons à condenser une sorte de débordement, de chaos très littéral qui se trouve plus organisé à présent même si certains objets restent en attente comme ces roues en acier chinées près des roues en verre. Les matières sont plus canalisées. 

Le dessin également est une nouvelle direction, affirmant un regard explicite sur un corps malade avec ces découpages d’images extraites d’un livre de médecine générale. Cela pointe l’idée d’une possible réparation et Guillaume y a vu un lien avec les « Lignes d’erre » de l’écrivain-éducateur Fernand Deligny , mais surtout de manière générale, dans la manière dont nous habitons et déambulons dans l’espace.

L’Edition limitée à emporter et Objet à fabriquer dans les pages centrales du magazine

« Capsule d’un monde incertain mais fertile » est une boite en papier à fabriquer, permettant de recueillir une micro-sculpture en céramique distribuée au sein de l’espace d’exposition. Pour celles et ceux qui ne peuvent se déplacer, il est simple de réaliser cet élément en argile.

Cet objet de contact fait pour soi-même ou à partager avec quelqu’un, créé un espace de liaison lié au toucher et jusqu’à quelle limite on se sent en danger. C’est la matérialisation d’un contact entre deux doigts, deux mains. Ce petit objet devient alors un espace de rencontre. Cela renvoie aux objets relationnels de Lygia Clark également. 

Vue de l’exposition de mountaincutters, « Les Indices de la respiration primitive », La Verrière (Bruxelles), 2021 © Isabelle Arthuis / Fondation d’entreprise Hermès

La céramique et le verre 

Nous avons eu la chance de participer à une résidence d’une durée d’un an à La Borne avec un grand rendez-vous autour d’une cuisson au four à bois. 

Pour le verre c’est à l’occasion d’une résidence à la Fondation d’entreprise Martell que nous avons découvert de nouvelles possibilités avec un verrier autour de différentes formes et gestes spécifiques, ouvrant le champ des possibles. 

A noter que toutes les matières que l’on utilise dans nos installations in situ sont à chaque fois recyclées et réemployées. Le verre transparant peut potentiellement être refondu. Certains fragments sont conservés pour plus tard. 

Les bacs d’agar-agar

Ils sont nés au Creux de l’Enfer étant donné que la force hydraulique de l’eau nécessaire à cette ancienne usine de coutellerie était la raison première de cette activité, signalée seulement à présent par le son très fort de la rivière. C’était comme un carottage de cette eau de la rivière séchée et figée par le gélifiant pendant tout le cycle de l’exposition. 

Le kapok

Cet amoncellement à même le sol renvoie à du coton.

Le kapok est une fibre végétale issue d’un arbre originaire de Java utilisée pour le rembourrage de matelas ou de coussins, toujours invisible. Matière imperméable et imputrescible, enveloppante et douce liée ici à la guérison, à la protection, et renvoie à Joseph Beuys autour de l’énergie qui circule. 

Les Vénus

Nous procédons à une sorte d’inventaire des Vénus préhistoriques retrouvées en Europe. Celle-ci s’intègre à notre projet de rentrée pour le musée Middelheim à Anvers. Nous la montrons dans sa phase de recherche encore à l’atelier. La Vénus de Lespugue sculptée en ivoire de mammouth est découverte en 1922. Nous avons demandé au verrier rencontré à la Fondation Martell de reproduire ces Vénus à chaud au bout de sa canne. 

La vidéo

La main libère des fragments de langage, de mots. Ce texte est tiré du livre Les Techniciens du sacré, recueil de récits de cosmogénèse de tradition orale qui viennent du monde entier. Cet extrait est issu de la « Supplique pour le beau temps » constituée de 14 phrases où les mots sont libérés par ce geste d’ouverture de la main. Fonction incantatoire de ce langage en lien avec le geste iconique de Richard Serra, mais en négatif : au lieu de vouloir capturer, la main s’ouvre et libère une incantation.  

Infos pratiques :

mountaincutters

Les Indices de la respiration primitive

Jusqu’au 11 septembre

7ème étape du cycle Matters of Concern, Guillaume Désanges

“Matters of Concern – Fondation d’entreprise Hermès

Site du duo :

MOUNTAINCUTTERS

Autour de votre visite, l’offre culturelle à Bruxelles :

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