Portrait Hélène Lafont-Couturier, directrice musée des Confluences © musée des Confluences – Bertrand Stofleth
Nous poursuivons notre tour d’horizon des décideur.e.s culturels en régions qui face à la crise, ont maintenu des programmations exigeantes et affichent leur détermination coute que coute avec Hélène Lafont-Coutrier qui dirige le Musée des Confluences à Lyon. L’exposition La terre en héritage, du Néolithique à nous permet de relire et explorer cette ère majeure qui a marqué l’influence humaine sur l’écosystème terrestre. Les expositions : Une Afrique en couleurs, Makay un refuge en terre malgache et L’Oiseau rare de l’hirondelle au kakapo et ont été prolongées. Hélène Lafont-Couturier revient sur cette période de crise et les défis lancés aux musées.
À quand remonte votre vocation pour l’art et décision d’en faire votre métier ?
J’ai eu la chance d’être élevée par des parents épris de peinture et de musique, et qui m’ont très jeune emmenée dans les musées. C’est en découvrant un accrochage au musée de Saint-Etienne que j’ai su que je voulais faire ce métier.
Directrice du musée des Confluences depuis 2014, votre regard sur le musée a-t-il évolué ? et comment ?
Mon regard sur le musée s’apparente à celui que l’on porte à un enfant qui grandit. Après l’ouverture du musée, il y a d’abord eu une phase d’installation durant laquelle il nous a fallu prendre nos marques et connaître nos publics. Aujourd’hui, j’ai envie de parler d’une période de maturité de l’institution. Nous ajustons, affinons et nous nous adaptons. Certaines choses sont désormais possibles, le musée s’étant positionné dans le paysage muséal.
Quelles synergies à Lyon et sur le territoire souhaitez-vous élargir et développer ?
Nous travaillons déjà régulièrement avec les autres équipements et événements métropolitains, nous développons de nombreuses actions hors-les-murs, en milieu scolaire, avec des expositions de nos collections dans des lieux publics du territoire, ou dans des locaux d’entreprises partenaires. Avant l’été, nous allons renouveler un atelier pour les enfants dans un container maritime scénarisé. D’abord installé sur le parvis du musée, il partira ensuite en itinérance dans l’agglomération. Un autre projet qui m’est cher, ce sont des fauteuils à histoires proposés dans des lieux publics. Chacun pourra bénéficier d’une pause culturelle dans le rythme du quotidien.
Le rayonnement international est au coeur de l’ADN du musée, quelles actions engagez-vous dans ce sens ?
Si le musée accueillait près de 20 % de visiteurs étrangers avant la pandémie, notre rayonnement se fonde avant tout sur une vocation universelle, raconter l’aventure du vivant, et sur la diversité de nos collections, qui s’intéressent à toutes les cultures du monde. Nos équipes enrichissent toujours ces collections, notamment par des missions de collecte, en Amazonie pour les plus récentes. Mais l’ouverture à l’international se traduit également par des co-productions et des itinérances d’expositions à l’étranger, ou des collaborations avec d’autres musées : muséographie, scénographie, conservation préventive…
Comment le musée des Confluences a t-il trouvé son public et son audience ?
En septembre dernier, nous avons franchi le cap des 4 millions de visiteurs. Plus de la moitié sont originaires de la région : ces visiteurs ont été les premiers à revenir à la réouverture après le premier confinement. Notre public est plus jeune que dans beaucoup de musées, avec un âge moyen de 37 ans (et même 34 ans en 2020). Je voudrais citer un autre indicateur auquel je tiens particulièrement : un visiteur sur cinq n’a pas fréquenté d’autres musées le reste de l’année. Le musée des Confluences suscite la curiosité et sait rester accessible.
Quel impact cette crise a-t-elle sur votre programmation et organisation ?
Nous avons toujours fait le choix d’une durée d’exploitation longue pour nos expositions temporaires, 9 mois en moyenne. Ce parti pris est conforté par la crise. J’ai souhaité maintenir notre programmation d’expositions. Ainsi, nous avons ouvert en décembre, sous forme numérique, une exposition mettant en scène notre collection d’oiseaux naturalisés, ou début avril une autre exposition, La Terre en héritage, du Néolithique à nous. Le public pourra les parcourir très vite, je l’espère, mais elles resteront en place jusqu’en janvier 2022. Cela vaut aussi pour notre programmation culturelle et scientifique, accessible en direct ou en replay.
Plus largement, cette crise nous invite à repenser le rôle et le modèle du musée, quels sont vos axes de réflexions en ce sens ?
Les musées, la culture en général manquent au public et le public nous manque. Face à un présent incertain, nous aurions tant besoin de nous évader ou de prendre du recul. Même lorsque nous retrouverons la normalité dans nos vies sociales, culturelles et économiques, nous pourrons tirer des leçons fructueuses de l’année qui s’est écoulée.
Plus que jamais, le musée doit persévérer dans la diffusion de la connaissance. C’est un formidable outil pédagogique pour renouveler le regard des publics sur le monde réel, il a un rôle d’éveil des consciences, aide à comprendre la complexité du monde dans lequel on vit, et peut être un levier pour faire évoluer les comportements. Le musée doit prendre part aux débats de la société, sans oublier d’émerveiller pour instruire.
Cela veut dire, entre autres, continuer à éclairer le présent et à questionner nos liens avec le monde naturel, progresser dans des pratiques muséales respectueuses de l’environnement, comme un démontage propre des expositions. Ou, bien sûr, proposer de nouveaux liens avec nos publics, dans la proximité ou à l’autre bout du monde en enrichissant nos contenus accessibles à distance.
Infos pratiques :
En attendant l’ouverture…
La terre en héritage, du Néolithique à nous
jusqu’au 30 janvier 2022