Gérard Garouste La martre et l’écureuil (Portraits de Kafka et Chouchani), 2019 courtesy l’artiste, Templon galerie
A l’occasion de l’exposition de Gérard Garouste à la galerie Templon autour de son cheminement avec le philosophe Marc-Alain Ouakin sur la figure de Kafka, Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti publie ses entretiens avec l’artiste, sous le titre « Vraiment peindre » (éditions Seuil) en complément à cet art de la conversation qu’elle a noué avec Christian Boltanski et Maurizio Cattelan et d’autres créateurs. On parcourt d’une traite ces 160 pages agrémentées de reproductions des toiles de l’artiste. Comme un roman, et il faut dire que la vie et le parcours de l’artiste n’ont rien de linéaires !
Autodidacte et rétif à l’enseignement classique de part sa dyslexie, Gérard Garouste découvre l’art chez un oncle en province adepte de l’art brut. Cet « intranquille », titre de son magnifique ouvrage de 2009 va alors connaitre le chemin de la rédemption grâce à sa femme Elisabeth (fondatrice du duo de designers Garouste-Bonetti) qui juive, lui fait prendre conscience du poids de l’héritage paternel. Son père collabo pendant la guerre, a spolié des biens juifs et fait régner une grande violence en famille. Entre dépressions et séjours en hôpital psychiatrique Gérard Garouste se convertit au judaïsme, se lance dans l’apprentissage de l’hébreu et décrypte la kabbale. Repéré par Léo Castelli, défendu par Bernard Blistène, le musée d’art moderne- centre Pompidou lui consacre une première exposition en 1988. Gérard Garouste intègre la prestigieuse Académie des Beaux Arts en 2017 au fauteuil de Georges Mathieu. Cependant Garouste reste une énigme pour beaucoup.
Sa peinture torturée parle de l’inconscient et des non-dits, entre flamboyance des couleurs, virtuosité du trait et personnages grotesques empruntés à la mythologie (Faust). On oscille entre Le Tintoret, le Greco, Pinocchio, Roland Barthes, les cimetières de Prague et le Golem… »Ce que j’attends de la peinture figurative c’est que le sujet soit dérangeant, être en porte-à- faux. Les artistes que j’aime dans l’histoire de l’art sont des artistes dérangeants (..) confie t-il à Catherine Grenier. Le banquet, son récent grand triptyque dévoilé chez Templon résume ces questionnements constants. Entre un zeppelin qui survole une scène de carnaval à Venise, un banquet autour de Kafka et ses proches dont ses 3 soeurs assassinées en camp de concentration et l’évocation d’Anubis, le gardien des morts, cette ritournelle mi tragique mi comique, mêle les associations de signes et de sens, les époques et les symboles. Un côté labyrinthique qui bien que déroutant de prime abord, s’avère passionnant. Les derniers chapitres de l’ouvrage se penchent sur l’association La Source que Garouste a fondé avec sa femme autour de la transmission de l’art à des enfants en difficultés ou marginalisés. Apaisé ? l’artiste dit avoir trouvé son harmonie. Enfin.
A noter qu’en septembre 2022, le musée d’art moderne-Centre Pompidou va lui consacrer une nouvelle rétrospective.
Gérard Garouste-Catherine Grenier,
Vraiment peindre
éditions du Seuil, 160 pages et illustrations, 20€
Gérard Garouste, Correspondances avec Marc-Alain Ouaknin
en attendant la réouverture…
Galerie Templon
Sortie du Catalogue Correspondances avec préface co-signée de Gérard Garouste et Marc-Alain Ouaknin, aux éditions Templon (en vente à la galerie).