Miroir magique de Jean Frémon chez P.O.L, sortie attendue ce jour !

Petit pas de côté pour vous parler d’un livre car en ces temps de nouveau confinement j’en profite pour reprendre des bonnes habitudes du côté de ma bibliothèque et de mon cercle littéraire en mode Zoom ! Si je vous ai annoncé l’opus récent de Jean Frémon, président de la galerie Lelong, sur David Hockney dans le cadre de leur proximité en Normandie dans le charmant village de Beuvron-en-Auge, à présent le spectre est plus vaste dans cette suite de miscellanées sur le portrait dans l’histoire de l’art. Un vagabondage plus organisé qu’il n’y parait.

Le miroir magique est le titre donné par Goya à une suite de dessins conservés au Prado. C’est aussi chez les aztèques un miroir divinatoire d’obsidienne utilisé par certains peintres comme Murillo « Christ à la colonne » (Le Louvre). Jean Frémon à partir de multiples sources nous propose une libre déambulation dans les siècles sur l’art du portrait, ce qu’il symbolise et les artifices qu’il suppose.

Instrument de pouvoir et de diplomatie des grands monarques (les Clouet et la cour de France puis Quentin de La Tour ou Charles Le Brun , Van Eyck et Charles Ier d’Angleterre, Bellini et le Sultan de Constantinople..) cette tradition du portrait de commande perdure : la Reine d’Angleterre II demande à Lucien Freud d’exécuter le sien qui est loin d’être flatteur, tout comme celui que Picasso réalise pour Gertrude Stein. Rembrandt qui multiplie les autoportraits ne cherche pas non plus à plaire. Ce génie auquel l’auteur consacre de nombreuses pages laisse planer le mystère du regard comme avec ces têtes de Christ réalisées d’après un modèle vivant, autre innovation.

Ingres portrait de Louis-François Bertin, musée du Louvre

Le portrait idéal existe t-il vraiment ? Ingres avec « Monsieur Bertin » invente l’archétype du bourgeois conscient de sa réussite, reconnaissable immédiatement avec son allure satisfaite et faussement débonnaire.

Certains portraits nous disent l’irrésolution de leur exécuteur dans une quête infinie. Tout comme Proust qui poursuit la nostalgie d’Albertine, David Hockney n’a de cesse de recréer des conversations entre ses sujets prenant à partie le regardeur comme avec « Mr and Mrs Clark and Percy » construit comme une annonciation souligne Jean Frémon.

Mr and Mrs Clark and Percy 1970-1 David Hockney born 1937 Presented by the Friends of the Tate Gallery 1971

Attente et vanité du memento mori, les portraits du Fayoum nous dévisagent de leurs grands yeux ouverts, revenants d’outre-tombe qui ont «vu». Présence ou absence il n’est question que de l’image qui se dérobe sans cesse malgré les tours de passe passe de ces artistes talentueux qui avant l’ère des réseaux sociaux inventent une certaine forme de narcissisme à grande échelle. Esthétique, littéraire, philosophique cet opus est une balade à la fois savante et accessible qui offre une parenthèse bienvenue dans ce style incomparable qui nous avait tant séduit avec le supposé monologue de Louise Bourgois, Calme toi, Lison.

Le miroir magique, Gallimard (P.O.L) le 19 novembre : sortie officielle

David Hockney en pays d’Auge (L’Echoppe édition)

Bibliographie de Jean Frémon :

http://www.pol-editeur.com