Christophe Leribault : l’Age d’or de la peinture danoise, Nuit Blanche et Laurence Aëgerter

Laurence Aëgerter, PPP2576-2006291711 (Both), 2020 Tirage ultrachrome, 93×130 cm © Laurence Aëgerter, Binome galerie

L’âge d’or de la peinture danoise au Petit Palais a été l’une des expositions les plus en phase avec les attentes du public après le (premier) confinement et découvrir l’univers feutré et harmonieux de ces peintres, un bonheur, rendu possible par Christophe Leribault qui a obtenu des prêts exceptionnels du Statens Museum for Kunst à Copenhague et du Nationalmuseum à Stockholm. Il revient sur la genèse de ce projet qui s’inscrit dans cette incursion vers les écoles du nord que poursuit le Petit Palais et pourquoi ces peintres restent inconnus pour nombre d’entre eux en Europe. Leur modernité se révèle dans cette science du détail à partir de sujets souvent très limités qu’ils magnifient par un cadrage très novateur et un goût de la lumière. Christophe Leribault poursuit également les liens avec l’art contemporain avec l’invitation faite à Françoise Pétrovitch (Jousse entreprise) à l’occasion de la Nuit Blanche et à Laurence Aëgerter (galerie Binome) à l’occasion de la semaine de l’art contemporain (Fiac).

A la suite des décisions gouvernementales, les musées et centres d’art sont désormais fermés depuis le 30 octobre, la culture n’étant pas considérée comme « essentielle » mais nous souhaitons plus que jamais donner une visibilité aux programmations et projets engagés par des femmes et des hommes qui se mobilisent depuis le début de cette crise avec résilience et détermination. 

L’exposition L’âge d’or de la peinture danoise a dû être décalée, en quoi est-ce un soulagement et une vraie gageure en cette période ?

L’exposition était annoncée depuis le mois de février sur les façades du musée et nous avons du faire face à la pandémie avec des œuvres qui étaient restées bloquées en caisse au Danemark.  Nous pouvons enfin ouvrir et offrir on l’espère un temps de respiration et de bonheur pour les visiteurs devant ces paysages apaisés, cette vision sereine de la nature et de la société scandinave.

Vue depuis la fenêtre du peintre
Martinus Rørbye,
SMK Photo/Jakob Skou-Hansen

Quelles sont les spécificités de cette peinture ?

Ce n’est pas une peinture académique, liée à des commandes royales ou à des rivalités comme dans les Salons parisiens où il faut toujours peindre plus grand, plus vif ou virtuose pour s’imposer. Au contraire, ils appartiennent à une génération d’artistes qui cultive une peinture vertueuse, sereine avec des cadrages raffinés, des formats rarement grands pour une clientèle de commerçants ou hauts fonctionnaires qui souhaitent avoir des portraits de famille intimistes, des vues d’intérieur, des paysages des environs de la ville de Copenhague.

Un Groupe d’artistes danois à Rome
Constantin Hansen,
SMK Photo/Jakob Skou-Hansen

Accent mis sur la fenêtre d’Eckersberg

Chef de file, Christoffer Eckersberg utilisait une fenêtre quadrillée dont l’usage existait avant lui mais qu’il adapte à la peinture en plein air. Il s’y oblige pour forcer aussi ses élèves et disciples à représenter tout ce qu’ils voient, le moindre détail même s’il ne concourt pas au sens du tableau. L’infiniment grand et l’infiniment petit les fascinent, dans la veine naturaliste des recueils botaniques de la Flora Danica dont ils s’inspirent. La reconstitution de l’atelier d’Eckersberg permet au public dans un espace dédié de mieux comprendre les mécanismes de son invention.

Christen Kokke Vue de Dosseringen
SMK Photo/Jakob Skou-Hansen

Place du cadrage et choix des points de vue

Leur usage du cadrage est presque pré-photographique, un peu comme quand on prend des photos en se mettant au ras du sol ou en grimpant quelques marches pour avoir une vue en contre plongée. Ces peintres adoptent des points de vue novateurs avec même un certain goût du paradoxe. Ce qui est important pour eux c’est que la beauté puisse venir de n’importe quel point de vue, d’un pan de mur, d’un reflet du soleil, de quelques brins d’herbe qui se trouvent sublimés par le pinceau.

Constantin Hansen (1804-1880), En lille pige, Elise Koebke, med en kop foran sig, 1850
SMK Photo/Jakob Skou-Hansen

Goût de la lumière

Ces artistes qui en sont un peu privés une partie de l’année. Lorsqu’ils se rendent à Rome ou sur la cote napolitaine, ils sont particulièrement sensibles à cette lumière italienne. Dans leurs compositions, le moindre rais de lumière à travers une porte ou une embrasure est mis en valeur.

Françoise Pétrovitch, Nuit Blanche 2020

Importance de la scénographie et alternance d’atmosphères

Nous avons travaillé avec un scénographe Didier Blin et l’éclairagiste Akari Lisa Ishii qui se sont rendus au Danemark pour voir les œuvres et les lieux, car il fallait vraiment soigner cette question de la lumière, de la couleur des murs, du confort de visite à l’image de ces tableaux.

Laurence Aëgerter Ruta Graveolins i. a de la série Healing Plants for Hurt Landscapes courtesy the artist, Binome galerie

Pourquoi une renommée tardive pour ces peintres ?

C’est une école qui n’était pas inscrite dans le grand maelstrom des courants internationaux contrairement aux peintres anglais qui étaient montrés à Paris ou les peintres romantiques français à Londres.  Ces artistes sont restées actifs dans les environs de Copenhague, même si certains ont voyagé en Italie, ils s’y retrouvaient entre eux, comme à Rome autour d’un grand sculpteur Bertel Thorvaldsen qui lui avait une renommée internationale. Ils n’ont pas cherché à exposer à l’étranger ils avaient leurs propres commanditaires et collectionneurs chez eux. Leur découverte remonte plutôt aux XXè et XXIème siècle.

Que désigne ce concept d’âge d’or ?

Ce concept est rétrospectif après les différents malheurs connus par le Danemark notamment un rétrécissement de leur territoire à la suite des traités redécoupant l’Europe après la chute de Napoléon, puis des conflits avec la Prusse et l’Autriche de 1848 à 1864. On a magnifié en quelque sorte cette période dont on avait des témoignages picturaux si apaisants par rapport à tous ces drames.  

Les liens du Petit Palais avec les musées nordiques

C’est la 3ème exposition que nous organisons avec le Nationalmuseum de Stockholm après les retrospectives Carl Larsson et Anders Zorn, et nous avons d’autres projets notamment avec l’Ateneum d’Helsinki pour deux expositions. L’art de ces pays du Nord nous réserve de belles surprises. Ce sont aussi des musées avec qui on peut collaborer de manière agréable un peu à la manière de leurs tableaux, en toute confiance. Et à Paris où il y a une grande offre d’expositions, c’est intéressant, il me semble, de  proposer aussi des regards complémentaires.

Infos pratiques :

L’âge d’or de la peinture danoise

Jusqu’au 3 janvier 2021

Petit palais

Nuit Blanche : Françoise Pétrovitch

Relire mon interview avec elle du 5 octobre.

Laurence Aëgerter

Ici mieux qu’en face

https://www.petitpalais.paris.fr/

Conformément aux directives gouvernementales, le Petit Palais comme tous les musées de la Ville de Paris, est fermé à partir du vendredi 30 octobre jusqu’au 1er décembre.