Ivàn Argote & Sandra Hegedüs, Vernissage Demain sera un autre jour Crédit photo © Jean Picon / SAYWHO
Sandra Hegedüs, fondatrice de SAM Art Projects, mécène et collectionneuse née à São Paulo, s’engage pour les artistes brésiliens aux côtés d’Ivàn Argote, artiste né à Bogota qui accueille l’exposition Amanhã há de ser outro dia (Demain sera un autre jour) dans son atelier aux Grandes Serres de Pantin. Cette exposition-manifeste inédite rassemble une vingtaine d’artistes issus du Brésil et basés en France qui restent solidaires et se mobilisent face à la situation tragique que vit leur pays. Dans les rues, les brésiliens se dressent pour lutter : avec de la peinture, du dessin, de la musique, de la performance, les artistes répondent par des stratégies collectives de résistance poétique. Plus que jamais ces espaces collectifs sont essentiels. Les artistes ont choisi la date symbolique du 17 septembre pour ouvrir l’exposition, 10 jours après et en écho au 7 septembre, Jour de l’Indépendance et fête nationale de la République du Brésil. Un programme de débats et de conversations sur les enjeux sociaux, politiques et écologiques accompagnent l’exposition. Sandra Hegedüs revient également sur l’impact de la crise sur SAM Art Projects et dresse un bilan personnel de cette période. Elle est heureuse de pouvoir poursuivre le prix SAM et son engagement pour les artistes de façon totalement désintéressée et permettre à des projets d’exister.
Pourquoi cette exposition en ce moment même ?
Le moment est extrêmement compliqué politiquement au Brésil. Nous sommes consternés par ce qui se passe. Nous sommes face à de graves problèmes de censure avec une impossibilité totale de s’exprimer et une liste de tensions qui serait trop longue à énumérer. Je me suis tout de suite tournée vers Iván Argote qui est sud américain et qui comprend parfaitement toutes ces problématiques qui existent et pas seulement au Brésil. Il avait déjà commencé à organiser des expositions ici et a tout de suite accueilli ce projet. Nous avons pensé à Sofia Lanusse comme commissaire. Je connaissais plusieurs artistes brésiliens qui habitent ici, que ce soit depuis 30 ans ou beaucoup plus récemment et qui partagent ces mêmes préoccupations. Nous voulions leur donner cet espace pour qu’ils puissent s’exprimer sans censure et sans violence, à la suite du commando artistique réalisé par Julio Villani sur les grilles de l’Ambassade du Brésil à Paris le 21 mai 2020, dont les affiches sont diffusées pendant toute l’exposition.
Quel a été l’impact de la crise sur SAM Art Projects ?
Le Covid empêche les voyages, or SAM est fondé sur ce principe même de voyages et d’ échanges Maxwell Alexandre et Libia Posada, les deux résidents SAM 2019, n’ont pas pu venir en résidence mais seront accuellis en résidence en 2021 pour préparer leur exposition au Palais de Tokyo. C’est seulement décalé et Emma Lavigne a pu adapter le calendrier. Laura Henno, notre lauréate du Prix SAM 2019, devait partir au printemps 2020 aux Comores et à Mayotte pour tourner son film, elle ne pourra le faire qu’en octobre mais elle partira quand même. Nous sommes très heureux de pouvoir maintenir le Prix et les programmes de SAM parce que cela a du sens et encore plus à présent.
Que pensez-vous des mesures de soutien prises par le gouvernement français en faveur des artistes ?
Il m’est difficile de juger et de répondre mais vous en ne vous rendez pas compte de tout ce qui est fait ici en France et de la chance que vous avez ! et si nous proposons cette exposition c’est bien pour souligner qu’ailleurs que ce n’est pas la même chose. Nous sommes face à une situation totalement inédite, ne sachant pas la faculté de développement ultérieure et de nuisance possible de ce virus. Il est donc très difficile de prendre des mesures et je pense que le gouvernement français a fait au mieux. De nombreuses initiatives privées ont aussi pris le relais comme des ventes aux enchères et cela continue. Il y a une grande entraide.
Pensez-vous que cette crise aura un impact réel sur nos comportement face à l’art ?
De nouvelles façons de voir les choses émergent. Je pense que nous allons sortir de cette crise enrichis parce que ce sont les difficultés qui stimulent la création. Les périodes les plus fertiles ont été pendant les guerres ou pendant les crises économiques au XXème siècle. Ce sont des moments difficiles mais qui nous réveillent ! Je préfère avoir cet état d’esprit. Il est certain que le marché était devenu trop omniprésent, ce qui était néfaste. Le changement ne peut être que salutaire. La Fiac reviendra l’année prochaine et ce moment peut être positif si on regarde autrement, et si on achète autrement. Il me semble que les gens ont pris le temps pendant le confinement de faire une réflexion globale sur leurs choix, cette vitesse et fuite en avant, ces stimulations constantes. Nous allons vers une décroissance positive, un nécessaire ralentissement.
Votre engagement à la Villa Arson en tant que Présidente du conseil d’administration
Nous préparons un programme formidable avec Sylvain Lizon. J’ai travaillé 6 ans à ses côtés en tant que présidente du conseil d’administration de l’Ecole de Cergy et j’ai tenu à le suivre à la Villa Arson. On travaille en toute confiance ce qui nous donne une vraie souplesse pour pouvoir prendre rapidement certaines décisions. Nous avons par exemple en réponse à cette crise, crée une résidence en urgence pour un artiste libanais qui va arriver cette semaine. Le Liban en a besoin, des artistes se retrouvent sans maison… Nous avons demandé conseil à Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, artistes libanais d’envergure internationale qui connaissent la situation de près.
L’appel à candidatures pour le Prix SAM est ouvert jusqu’au 30 septembre. Il est encore temps ! (cf modalités candidatures)
Demain sera un autre jour, Les artistes : Anna Torres, Bianca Dacosta, Elian Almeida, Juliano Caldeira, Lyz Parayzo, Lucas Kröeff, Isadora Soares Belletti, Gabriel Moraes Aquino, Wagner Schwartz, Romain Vicari, Rodrigo Braga, Randolpho Lamonier, Liliane Mutti, Julio Villani, Daniel Nicolaevsky Maria, Joana Zimmermann, Daniel Zarvos et Iván Argote.
Programme des Tables-Rondes :
Dimanche, 20 septembre à 17h30
La dégradation de l’Amazonie et le génocide des indiens autochtones
Avec : Madeleine Deschamps, productrice culturelle indépendante, commissaire d’exposition et traductrice littéraire entre de Rio de Janeiro et Paris ; François-Ghislain Morillion, co-fondateur de la marque de chaussures VEJA, grand connaisseur de l’Amazonie, du Brésil, et des enjeux de développement durable ; Bianca Dacosta, artiste et scénographe brésilienne vivant à Paris
Samedi 26 septembre à 17h
Corps politiques et affectivité
Conversation en anglais entre la commissaire de l’exposition, Sofia Lanusse, et les artistes Lyz Parayzo et Isadora Belletti
Dimanche 27 septembre à 16h
Littérature de résistance
Avec : Adriana Brandão, journaliste née au Brésil, membre de la rédaction du service brésilien de RFI et auteur du livre Les brésiliens à Paris, au fil des siècles et des arrondissements paru en 2019 ; Julio Bernardo Ludemir, né au Brésil, auteur, un des créateurs de la FLUP (fête littéraire internationale depuis 2012 dans les favelas de Rio) et de la Batalha do Passinho, duels musicaux sur rythme de funk, qu’il a accompagnée à Londres et New York ; Leonardo Tonus, spécialiste de la littérature brésilienne contemporaine ; Wagner Schwartz, artiste né à Rio de Janeiro, qui vit et travaille entre São Paulo et Paris, évolue dans plusieurs groupes de recherche et d’expérimentation chorégraphique en Amérique du Sud et en Europe.
Dimanche 27 septembre à 18h
Que peuvent les artistes ?
Avec : Sandra Hegedüs, mécène et collectionneuse née à São Paulo, fondatrice de SAM Art Projects et initiatrice de l’exposition Amanhã há de ser outro dia ; Iván Argote, artiste né à Bogota, vit et travaille à Paris, expose ses films et installations dans d’importantes biennales, musées et galeries à travers le monde ; Liliane Mutti, réalisatrice et scénariste née à Bahia, vit en France et travaille l’art-vidéo, la vidéo-performance et la fiction, en traitant des thèmes entre l’exil et le regard féminin ; Daniel Nicolaevsky Maria, danseur et artiste visuel, né à Rio de Janeiro, qui vit et travaille entre Paris et Rio de Janeiro, expose et performe dans de nombreux centres d’art dont le Centre Pompidou et le Palais de Tokyo à Paris ou le Sogetsu Art Center à Tokyo.
Infos pratiques :
Exposition Amanhã há de ser outro dia (Demain sera un autre jour)
Du 17 au 30 septembre 2020
Ouverture tous les jours de 14 heures à 19 heures
Entrée gratuite.
Inscription obligatoire en scannant le QR code ci-dessus
En raison du contexte sanitaire, le port du masque et le respect des distanciations sociales sont obligatoires.
Studio Iván Argote,
15, rue du Cheval Blanc, 93500 Pantin
Accès
Métro ligne 5 : Eglise de Pantin
RER E : Gare de Pantin Bus: 249 330 61 145 147 151
A suivre : interview Ivàn Argote.
Relire mon interview avec Sylvain Lizon à la Villa Arson.