Timothy O’Sullivan Sommets des montagnes Uinta 1872 tirage sur papier albuminé Paris, collections de la Société de Géographie/Bibliothèque nationale de France
Cyrille Sciama, directeur du musée des Impressionnismes nous l’annonçait dans son vibrant interview de confinement (relire) : cette exposition-hommage à la Terra Foundation for American Art, initialement prévue cet été, rejoint directement l’histoire de Giverny et du musée des Impressionnismes. Si Giverny a accueilli très tôt une colonie de peintres américains qui vont être influencés par les leçons de l’impressionnisme ils vont aussi contribuer à l’évolution du paysage et y apporter des innovations importantes à leur retour en Amérique, comme le résume Katherine Bourguignon, conservateur à la Terra Foundation et commissaire de « l’Atelier de la nature ». L’exposition, labellisée Normandie Impressionniste, qui rassemble 90 peintures autour de 5 chapitres chronologiques, bénéficie ce prêts importants des Etats-Unis et de France et donne à voir l’influence des pionniers de la photographie (superbe section). Les liens très forts qui unissent la Terra Foundation et le musée des Impressionnismes perdurent encore aujourd’hui à travers la Terra Summer Residency qui a lieu chaque année depuis 2001. Partons sur les traces de ces artistes en quête d’expérimentation de la nature avec Katherine Bourguignon qui a répondu à nos questions.
Quel est l’ADN de la Terra Foundation ?
La Terra Foundation for American Art a été fondée par M. Daniel J. Terra, grand amateur d’art et collectionneur d’art américain. Il a commencé cette importante collection, poursuivie après son décès par la Fondation en même temps qu’un programme d’actions de soutien à travers le monde d’expositions et de recherche sur l’art américain.
A quand remonte les liens entre la Terra Foundation et le musée des Impressionnismes ?
Le musée d’Art américain Giverny est ouvert en 1992 par M. Terra puis transformé en 2009 en musée des impressionnismes Giverny. Avec ce projet la Terra Foundation voulait montrer la force des liens encore présents entre les deux institutions, la Fondation étant installée à Paris et conservant son attachement à Giverny à travers sa résidence d’artistes tous les étés et son soutien à tous les projets menés par le musée autour de l’art américain.
Quels ont été les premiers artistes américains à s’installer à Giverny et comment ont-ils été reçus par Monet ?
Il convient de distinguer plusieurs périodes.
A l’époque de Monet il y avait une colonie d’artistes américains et internationaux au tout début accueillis favorablement par le maitre qui se montre curieux et ouvert. Mais très vite quand leur nombre devient trop important, Monet n’a plus le temps ni l’envie de voir les autres reprendre ses idées.
Une centaine d’années plus tard, M. Terra va créer ce musée et la Fondation va inaugurer la première résidence d’artistes et d’historiens de l’art en 2001.
En quoi les artistes américains vont-ils contribuer à une nouvelle esthétique du paysage ?
Du fait de la période très large que nous avons choisie d’explorer : 1860-1910, avant et après l’impressionnisme en partant de motifs typiquement américains comme les grandes distances, l’Ouest, des paysages spectaculaires et harmonieux à l’aide de la photographie (William Henry Jackson, Yellowstone) et d’une technique picturale méticuleuse en vue d’ une vision idéologique et promotionnelle, nous arrivons à la fin XIXIème-début XXème à une dimension plus forte et personnelle comme chez Winslow Homer, sublime « Nuit d’été » (musée d’Orsay) ou George Bellows qui ouvrent à la modernité à la suite de la révolution opérée par Whistler. Au milieu du parcours, même si l’on trouve de vraies découvertes et des chefs d’œuvre, l’influence de l’Europe reste dominante sur les artistes américains, entre l’Ecole de Barbizon et l’impressionnisme.
Leur vision de la nature est double, à la fois sereine et menaçante avec la montée de l’industrialisation
En effet et cette tendance peut aussi s’observer parmi les artistes français ou européens en cette période d’intense industrialisation. Aux Etats Unis cela tranche avec la fierté face à ces vastes et sauvages paysages de l’Ouest qui vont devenir très vite mythiques. Plus tard on assiste à un retour à la nature pour presque s’échapper des grandes villes et les impressionnistes vont se retrouver dans cette idée de se ressourcer à la campagne à Giverny par exemple.
Temps fort du parcours avec la série des Meules de John Leslie Breck
Effectivement tout commence ici avec Monet dans ce lieu précisément qui avant d’être un musée était un grand pré avec ces meules de foin qui ont inspiré Monet pour sa célèbre série exposée en 1891 à Paris et ce jeune artiste américain qui connait le maitre et Giverny va se lancer ce défi personnel de réaliser 12 esquisses du même motif au même endroit, de l’aube au crépuscule. C’est une sérialité très moderne et quasi cinématographique qui fait hommage à Monet sans pour autant l’imiter. L’importance de la lumière, le jeu des ombres, le sens du détail, traduisent le temps qui passe. Nous avons choisi l’une de ces toiles pour l’affiche de l’exposition et la couverture du catalogue.
Le catalogue qui accompagne l’exposition
Nous avons réussi à le sortir à temps et toutes les œuvres exposées y sont reproduites. Y figurent les textes de Cyrille Sciama sur Whistler, et Pierre Wat, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne auteur en 2018 d’un livre remarquable intitulé « Paysages entre nature et histoire ».
En écoute :
FOMO-Vox La Terra Foundation à Giverny, Katherine Bourguignon
A l’occasion de l’ouverture de l’exposition : concert exceptionnel de Gautier Capuçon le 12 septembre
Et œuvre de Giuseppe Penone « Fils d’eau » à l’entrée du musée.
Pour les Journées du Patrimoine l’artiste François Abélanet revisite le Jardin du musée dans une installation composée de lin et d’herbe sauvage sous le règne de l’anamorphose.
Infos pratiques :
Du 12 septembre au 3 janvier 2020
99 rue Claude Monet, Giverny
Tarifs
- Adulte : 7,50 €
- Enfant 12 – 17 ans / étudiants : 5 €
Exposition labellisée Normandie Impressionniste :
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