Commissaire d’expositions spécialisée en photographie, Ségolène Brossette ouvre sa galerie en 2015 et s’installe rue Guénégaud en 2019 souhaitant repousser les limites du champ de l’image en résonnance avec d’autres mediums de l’art contemporain. L’émergence et le concept du « work in process » sont au coeur de sa démarche qui a fait ses preuves. Elle a rouvert la galerie avec l’exposition « Divagations amoureuses » qui trouve un écho singulier à nos amours confinées. Une ode au lâcher prise et au désordre intérieur assumé. La galerie participe à #VisitonsNosGaleries qui fédère une soixantaine de galeries de Saint-Germain autour d’une programmation commune à partir du 11 juin. Elle est aussi à l’affiche du prochain Paris Gallery Week-end.
1. Vous participez à #visitonsnosgaleries et prochainement à Paris Gallery Week-end, en quoi ces initiatives fédératrices sur le même mode que #marais.guide sont-elles un exemple constructif de l’après confinement ?
Personnellement, j’ai toujours été pour les synergies. C’est même primordial. Lorsque j’étais dans le 18ème arrondissement, j’avais monté le Parcours Dix-Huit, un parcours qui reliait des lieux à la fois privés et publics autour de la photographie. Ce type d’événement porte réellement ses fruits s’il devient un rendez-vous avec une communication à l’année. Car oui, nous existons en dehors des événements ! Il faut apprendre et réapprendre aux amateurs, aux collectionneurs à venir dans les galeries. Nous sommes ouverts tous les samedis ! Nous créons des nocturnes, des ouvertures le dimanche, des événements sans arrêt mais il faut savoir qu’il y’a un événement récurrent, toute l’année. Les galeries sont ouvertes le samedi !
Venant du 18ème arrondissement, rejoindre le quartier de Saint-Germain permettait de se rapprocher des autres galeries. J’aime le fait que ce quartier soit hétéroclite, de l’art premier à l’art contemporain en passant par le design. Je sais que certaines personnes parcourent le monde pour venir voir certains marchands ou galeristes spécialisés mais depuis le COVID 19, il est plus que jamais important de faire surtout venir les français et plus particulièrement les parisiens.
Pour les faire venir, les initiatives telles que #visitonsnosgaleries #Paris Gallery Week-end ou #marais.guide sont extrêmement positives et je remercie leurs initiateurs !
2. Quel bilan faîtes vous de cette période et comment avez-vous accompagné vos artistes ?
Cette pandémie aura remis l’Homme face à sa propre mortalité et apporte aujourd’hui plus d’humanité et de solidarité comme en témoigne l’opération #visitonsnosgaleries.
Quelque part pour une galerie comme moi qui défend les artistes émergents et de surcroit dans le dessin et la photographie, la situation était déjà compliquée. Sans doute pas assez. Il aura fallu réellement sentir une menace pour que ces initiatives deviennent plus nombreuses, plus fortes, plus pertinentes. Et j’aime espérer que ce n’est que le début.
Ces deux mois d’isolement ont permis de ralentir le temps. Certains se sont adaptés, d’autres se sont mis à l’observer mais personnellement j’ai pensé que c’était justement le moment d’accélérer. Il a fallu changer les règles du jeu, la façon de travailler, de fonctionner. Il a fallu s’adapter. Ce qui est certain c’est que ce temps m’a permis d’avancer et à grande vitesse. C’est là où je dis qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions. Il faudra voir les retombées et les avancées d’ici la fin de l’année. L’avenir reste incertain et fragile. Cette période n’est pas totalement terminée.
Cette période n’a fait qu’accentuer les rapports existants avec les artistes. Pour les accompagner, j’ai justement plus que jamais travaillé pour eux. La galerie, c’est en grande partie eux et un petit peu de moi, tout de même 🙂
3. Comment imaginez-vous le monde d’après ?
Avec tous les artistes de la Galerie mondialement reconnus, naturellement 🙂
Est-ce qu’il y’aura réellement un après ? Justement, le 8 octobre, je lance une nouvelle exposition dont le titre est « La Grande Année ». Dans la Grèce antique, les stoïciens défendaient une vision du monde avec un temps cyclique après plusieurs milliers d’années « la Grande Année », une même suite d’événements se répète, identique à la précédente, avec des éléments recomposés. Et si nous revenions à ce temps-là? Comme dans toute évolution, il y’a des réajustements qui se font plus ou moins naturellement. Je crois beaucoup en la capacité de l’homme à se réadapter à chaque situation. J’ai confiance.
Je ne suis pas là pour réécrire l’histoire et j’en serais bien incapable mais étant née en 1981 en France, je fais partie de ceux qui ont toujours connu une certaine douceur de vivre. Sans remonter au Moyen-Age, le XXème siècle a déjà connu, 2 guerres mondiales, 3 pandémies : la grippe espagnole (40 millions de morts), la grippe asiatique (2 millions de morts) et la grippe de Hong Kong (1 million de morts). C’est pour cela que je remets en question la notion de « monde d’après » car nous l’avons déjà vécu. Pour ceux qui, d’ailleurs comme moi, le vivent pour la première fois, c’est comme si nous étions jusque là des chrysalides. Maintenant, il est temps de faire craquer le cocon et de laisser sortir le papillon !
#VisitonsNosGaleries ! à partir du 11 juin
Paris Gallery Weekend du 2 au 5 juillet
Divagations amoureuses, une proposition de Madeleine Filippi
avec : Odonchimeg Davaadorj (Backslash Gallery) Marielle Degioanni (Galerie Da-End) Julien Serve (Galerie Analix Forever) Bertrand Robert (Segolene Brossette Galerie).