Maurice Blaussyld, 2002. Bois, résine glycérophtalique, verre, métal, terre, huile de lin. Espace inaccessible, 2010 – © Aurélien Mole, courtesy de l’artiste & Galerie Allen (Paris)
Inclassables et certains oubliés, ces artistes nous tendent le miroir d’un panorama d’une certaine France, celle des marges, des non lieux, des zones intermédiaires où la radicalité donne le ton.
Ce projet porté par l’équipe curatoriale du Palais de Tokyo qui emprunte son titre au poète et dramaturge Olivier Cadiot rassemble 44 artistes ou collectifs « qui opposent une forme de résistance aux assignations, aux effets de mode » selon les mots de Daria de Beauvais qu’elle partage avec les autres commissaires : Franck Balland, Adélaïde Blanc et Claire Moulène.
Une approche non pas exhaustive mais volontairement subjective et sensible d’une « certaine » scène française. Né.e.s entre les années 1930 et 1990 ces artistes vivent et travaillent en France et s’inscrivent dans des compagnonnages, des affinités et filiations, comme cela est traduit dans le parcours qui se déploie sur 2 niveaux du Palais de Tokyo (6000m²).
Inclassables, ces glaneur.s.e.s, passeur.s.e.s peuvent apparaître à plusieurs moments dans des allers retours furtifs, fugitifs.
-Peindre le réel avec humour comme chez Pierre Joseph qui ouvre le 1 er chapitre avec
ces images d’Epinal recyclées à l’infini, violence et poésie chez Anita Molinero, de retour au Palais de Tokyo avec ses opéras de plastique sauvages ou extrême radicalité chez Maurice Blaussyld et son immense monticule de terre qui flirte entre nihilisme et non lieu ;
– Investir les bizarreries du domestique avec Jean Claus et Corentin Grossmann ou Aude Pariset et ses trois lits d’enfant dévorés par les vers ;
-Se retrancher dans la fable (Caroline Mesquita), le rituel (Nils Alix-Tabeling), la mythologie (Vidya Gastaldon), le simulacre (Renaud Jerez), le travestissement (Madison Bycroft), le silence (Kengné Téguia) ;
– Céder aux pulsions scopiques de nos écrans et chimères numériques (Anne Le Troter, Grégoire Beil), dessiner un futur entre nostalgie (Nicolas Tubéry) et entropie (Agata Ingarden) ?
Ou se replier dans sa cabane (Martin Belou), son atelier (Nathalie du Pasquier), derrière son double (Nina Childress), son alter ego virtuel (Kévin Bray), autant de dérives qui disent des identités fluides, interchangeables, interlopes (Jean Charles de Quillacq, Julien Carreyn).
Quelle histoire de France nous demande Bertrand Dezoteux dans ce road trip anti-héroïque, si ce n’est toujours celle de la réappropriation et réécriture des grands récits (Lili Reynaud-Dewar).
Ces artistes qui oscillent entre le singulier et le collectif ouvrent de nouvelles porosités et
cohabitations qui dépassent le critère strictement géographique pour suggérer d’autres temporalités et circuits de production et de diffusion possibles. Une autre cartographie de l’art exigeante et singulière.
Infos pratiques :
Futur, Ancien, Fugitif
Une scène française
Jusqu’au 5 janvier 2020
Palais de Tokyo