Mise en vente des restes d’un révolver à Drouot le 19 juin – ou comment on fabrique des fake news en (ré)écrivant l’histoire

Depuis quelques semaines, l’annonce de la mise en vente à Drouot des restes d’un revolver de type Lefaucheux 7mm, le mercredi 19 juin, fait grand bruit.

La vente par AuctionArt Rémy Le Fur, est accompagnée d’un storytelling impressionnant : il s’agirait des restes du revolver que Vincent van Gogh aurait retourné contre lui en 1890.*

Entre autres, il a été rapporté que les restes rouillés du prétendu révolver de Van Gogh auraient appartenu aux parents de l’actuel propriétaire de l’Auberge Ravoux, ce qui est faux et nous porte un préjudice considérable en termes d’image.

Depuis 1987, l’Institut Van Gogh et son président Dominique-Charles Janssens se consacrent à la préservation de l’Auberge Ravoux, où Vincent van Gogh a trouvé son dernier repos dans une chambre modeste de 7 mètres carrés. L’Institut s’est également donné pour mission de préserver, dans la mesure de ses moyens, l’héritage immatériel du peintre, à travers des publications et des actions pouvant contribuer à une compréhension aussi fine et fidèle que possible de sa vie, de son œuvre et de sa pensée.

En dépit du sérieux que nous accordons à notre activité, nous recevons chaque année de nombreuses sollicitations fantaisistes de collaboration et d’expertise. L’annonce de la mise en vente des restes de revolver le 19 juin 2019 est à l’origine d’un grand nombre de sollicitations de ce type.

*D’aucuns sont même convaincus que ce revolver n’est pas l’instrument d’un suicide, mais celui d’un homicide involontaire perpétré par les frères Secrétan, adolescents au moment des faits. Cette dernière thèse, lancée par les auteurs Naifeh et Smith en annexe de leur biographie Van Gogh, The Life (2011), a été reprise sous diverses formes (notamment au cinéma) – bien qu’elle n’ait jamais été démontrée et ne saurait prétendre qu’au statut de rumeur, émise des décennies après les faits.

Afin de clarifier la position de l’Institut Van Gogh et de son délégué général Dr Wouter van der Veen, spécialiste de la vie et de l’œuvre du peintre :

  • L’Institut Van Gogh, l’Auberge Ravoux et la famille Janssens n’ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec la vente des restes de revolver du 19 juin 2019 à l’Hôtel Drouot ;
  • Nous soulignons que rien ne permet de lier formellement ces restes au décès de Vincent van Gogh.
  • Enfin, nous soulignons encore que l’œuvre et la vie de Van Gogh sont avant tout marqués par l’émotion, la modestie et l’authenticité. La vente du 19 juin 2019 n’est, qu’au mieux, la marchandisation d’un fait divers tragique qui mériterait davantage de respect.

Dans le brouillon inachevé de sa dernière lettre, rédigée à l’Auberge Ravoux en juillet 1890, Vincent van Gogh félicitait son frère Theo pour son éthique irréprochable en tant que marchand d’art. Nous regrettons que cette ultime leçon n’ait pas été comprise de tous ceux qui se prétendent ses admirateurs.

Dans un moment où les chôses sont fort tendues entre marchands de tableaux – d’artistes morts – et artistes vivants.

Eh bien mon travail à moi j’y risque ma vie et ma raison y a fondrée à moitié – bon – mais tu n’es pas dans les marchands d’hommes ; pour autant que je sache et puisse prendre parti je te trouve agissant réellement avec humanité mais que veux tu […]