Tarik Kiswanson, Vestibule 2016 courtesy the artist, Almine Rech gallery
Non essentielle la culture ? C’est du moins ce qu’en a décidé le gouvernement qui prend la lourde décision d’un nouveau confinement pour un mois et très probablement plus, alors que le secteur culturel est déjà dans un état de semi coma et ne parlons pas du boulevard donné à Amazon face aux librairies. C’est dans une ambiance électrique par le nombre de parisiens quittant la capitale et abattue par la nouvelle que je traverse Paris de retour de Nîmes suite à l’ouverture de la remarquable exposition désormais fantôme de Tarik Kiswanson au Carré d’Art pour aller découvrir les expositions Anticorps (Palais de Tokyo) et Sarah Sze (Fondation Cartier).
Ces quelques heures d’avant confinement ont une tonalité douce amer, comme si chacun devant la Tour Eiffel illuminée voulait emmagasiner impressions et souvenirs avant de s’enfermer à nouveau, bien conscients que la fête est finie et pour longtemps. Si certains ont cru aux vertus du monde d’après, ce sont nos corps qui nous disent notre extrême impuissance et fragilité dans un brusque rappel à l’ordre. Une question prégnante qui innerve ces trois expositions.
Tarik Kiswanson, Carré d’art
Jean-Marc Prévost, directeur du Carré d’art et commissaire de l’exposition déclare dans son texte L’ici et l’ailleurs des corps qu’ils sont les traces d’une mémoire vive, d’une présence au monde dans une traversée du temps et de l’espace propre à chacun. « Mirrorbody » première exposition institutionnelle de Tarik Kiswanson en France brusquement refermée, pose la question du seuil, de l’entre deux, de la métamorphose, et dès le départ avec les sculptures « Les Vestibules », auparavant présentées au Collège des Bernardins. Un état temporaire où tout reste en suspens à l’instar des préadolescents qui se livrent à une performance au sein de ces cocons tout en récitant des poèmes ou filmés par l’artiste pendant leur apprentissage de la langue. Le langage devient ainsi la métaphore de glissements sémantiques et transculturels comme avec ces scans de vêtements traditionnels du Moyen Orient que Tarik Kiswanson mêle à des tenues sportwaer d’aujourd’hui parsemées de marques. Autant de signes d’appartenance du passé et du présent, de strates. Transparence, opacité et projection de soi sont des dimensions qui traversent toute l’oeuvre de l’artiste sous l’influence d’Edouard Glissant. Il résume ainsi que selon le philosophe les gens qui sont violents et ne peuvent vivre avec les autres ne peuvent accepter l’opacité, or l’opacité même si on ne la comprend pas, est capitale pour pouvoir vivre ensemble, à l’instar de la perception du monde occidental et oriental. Les tableaux « Raising opacity » sont une sorte d’hommage à Edouard Glissant dans une composition d’images aléatoires et changeantes. La notion d’ identité complexe et fragmentée est au coeur de ces multiples surfaces réfléchissantes offertes. La scénographie particulièrement aboutie mélange différentes phases et sensations visuelles et sonores que devait compléter un certain nombre de performances.
Interview à suivre de Jean-Marc Prévost.
Anticorps, Palais de Tokyo : ma rencontre avec Emma Lavigne dans l’aquarium de Josèfa Njtam (performance)
Peau, toucher, frontière, immunité et empathie, distanciation sociale, sont autant d’enjeux qui traversent cette exposition conçue en réaction au contexte que nous traversons en lieu et place de l’intervention d’Anne Imhof initialement prévue pour cet automne. A l’ère de la suspicion généralisée, le repli à la fois individuel et collectif, intérieur et extérieur, réel et fictionnel comme le traduisent les artistes choisis par l’ensemble des commissaires du Palais de Tokyo. Parmi les propositions à la fois sensibles et engagées, l’artiste Josèfa Njtam en résidence à la Manutention, propose une performance « Aquatic Invasion » en écho au texte de Jackie Wang, Sentiment océanique et affect communiste qui tisse un lien entre identité noire et océan auquel elle ajoute différentes figures mythes guerrières. Une dernière soirée qui revêt un sens tout particulier comme me le souligne Emma Lavigne.
A noter que l’exposition Anticorps se déploie en ligne sur www.anticorps-palaisdetokyo.com
Sarah Sze, Fondation Cartier « De nuit en jour »
Construite à partir des façades de Jean Nouvel, l’installation de Sarah Sze joue des surfaces de réflexion à l’infini et transforme la Fondation Cartier en une lanterne magique où les images, les sons, les lumières et les objets se confondent allant jusqu’à donner l’illusion de flotter dans l’espace. Entre la gigantesque nacelle aux allures de planétarium de la première salle « Twice Delight » et la sculpture à même le sol régie par un pendule « Tracing Fallen Sky », ces mirages offrent de multiples strates de lecture et d’interprétation. Un espace temps encapsulé à l’échelle de la planète aussi instable et mouvant que fragile et fascinant.
En savoir plus dès la réouverture des 3 lieux :
TARIK KISWANSON
Mirrorbody
Carré d’art musée d’art contemporain de Nîmes
ANTICORPS
Suite aux annonces du gouvernement, le Palais de Tokyo doit fermer ses portes au public jusqu’au 2 décembre, mais vous donne rendez-vous sur Facebook, Twitter et Instagram.
SARAH SZE
De nuit en jour