Raphaël Dallaporta Photo : Jerome Sother
Lauréat de la bourse [N.A!]/Zone Sensible, Raphaël Dallaporta avec Méridienne conjugue l’observation des astres et la pratique photographique à travers une immense chaise haute de plus de 4m50 inclinée vers le ciel et dont l’ombre permet d’esquisser une astronomie de terrain, à l’échelle de l’Espace 365. Célébrer l’équinoxe avec cette méridienne a tout son sens dans la dernière ferme maraichère en Seine Saint Denis. Redécouvrir l’art de tracer des cadrans solaires sous cette mise en forme minimaliste ajoute à la prétendue neutralité et rigueur de l’approche scientifique. Une dose de récit à la fois intime et universel que poursuit l’artiste dans ses expérimentations d’écriture de la lumière par différents protocoles qu’il met en place.
Prix Niépce 2019, Raphaël Dallaporta avait été révélé en 2004 aux Rencontres d’Arles avec le projet « Antipersonnel » à rebours de la traditionnelle nature morte. Il imagine des protocoles photographiques où il est question de sciences, d’arts et de techniques dans des strates de temporalités étirés. De la Grotte Chauvet au nouveau bâtiment de l’ENSP École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, ses recherches croisent les calculs d’astronomes, métrologues, médecins ou archéologues. L’artiste s’intéresse aux phénomènes célestes comme avec « Echos » présenté au Centre Pompidou-Metz dans le cadre de l’exposition Peindre la nuit. La lune et ses rotations, les dispositifs optiques, le soleil et sa mesure, il nous invite à regarder autrement le monde et sa course.
Comment êtes-vous entré en contact avec Zone Sensible et Parti Poétique ?
C’est par le biais d’une rencontre avec Olivier Darné dont j’appréciais le côté visionnaire dans ses recherches autour du Miel en zone urbaine et les questionnements soulevés par les abeilles. Quand j’ai appris qu’il ouvrait Zone sensible et le Parti Poétique j’ai formulé une proposition en lien avec les abeilles, le rythme des saisons et des astres.
L’oeuvre Méridienne
Méridienne, conçue en collaboration avec Denis Savoie, astronome et historien des sciences, est inspirée de celle de l’Observatoire de Paris que j’ai prolongé et recalculé pour ce terrain d’expression artistique qui s’appelle 365 en y joignant un cadran solaire qui célèbre les saisons. Nous ne sommes pas sous le joug de chronos mais des saisons. L’indicateur est une chaise haute, très haute. Son sommet est à 4807 millimètres et le dossier est équipé d’un œilleton qui laisse passer l’image du soleil et cette image dérive au cours de l’année et en ce jour particulier du solstice vient côtoyer dans son extrémité basse la courbe du solstice. Aujourd’hui le soleil est au plus haut, c’est la journée la plus longue et nous avons célébré le passage du soleil au Méridien le long de cette courbe. Nous avions déjà célébré l’équinoxe en septembre et nous n’avions pas pu célébrer le printemps qui serait passé sur la même droite perpendiculaire à cette méridienne, un axe nord-sud calculé précisément au cours de la résidence, dessiné et sur lequel on vient célébrer les saisons par un temps de partage, partage des fleurs du jardin que l’on vient cuire, frire par un peu de soleil et offrir aux personnes présentes.
Quelle a été votre expérience du confinement ?
Le confinement n’a pas changé mais conforté certaines choses. C’était une expérience et ça l’est encore. Je ne pense pas qu’on en soit sorti et qu’il y aura un retour à la normale et tant mieux. C’était pour moi un temps d’introspection. Pas de culpabilité à avoir. Une vraie invitation à ce que cela ne soit plus comme avant même si je crains beaucoup le retour à la normale. Il n’y a pas de temps ordinaire.
Une invitation à ralentir
C’est intéressant de réfléchir s’il y aura un avant et un après, la vie suit sa course et on a juste une fabuleuse invitation à ralentir. C’est ce que je fais avec ce cadran, invitation à célébrer les saisons et à adopter un autre rythme. Tous les signaux d’alerte sont là encore faut-il savoir les lire. La nature est magnifique et elle nous invite par la plus belle des fragilités le postillon, quelque chose que l’on n’a jamais considéré, à réaliser qu’il est capable de nous renverser.
C’est assez magique de voir cet enfant de 6 ans à 4,50 m de hauteur sans ses parents « qui voit toute la France », selon ses mots, en prenant le temps qu’elle veut et vivre ce moment de partage. La consigne restant très simple : prendre son temps et ne monter qu’une fois dans sa vie, quelle que soit l’issue.
Raphaël Dallaporta est représenté par la galerie Jean-Kenta Gauthier.
Infos pratiques :
Zone Sensible – Ferme Urbaine de Saint-Denis
Ouverture tous les samedis entre mars et octobre
112 avenue de Stalingrad, Saint Denis
Entrée libre
Zone Sensible / Parti Poétique
Site de l’artiste :