Lauréate du Salon de Montrouge 2014, Louise Pressager prépare actuellement une première exposition personnelle à la Maison des Arts de Malakoff après le Palais de Tokyo. Son univers caustique et mélancolique parle de nos névroses contemporaines avec humour interrogeant quelle est la nécessaire distanciation. Pour la première fois elle chante ses textes mis en musique par le compositeur et arrangeur Ferdinand. Elle a répondu à nos questions.
1. Comment avez-vous réagi à l’invitation de Aude Cartier et pourquoi ce titre ?
J’ai évidemment été ravie, mais aussi un peu surprise par cette invitation qui me paraissait presqu’un peu trop belle pour moi. Comment allais-je pouvoir m’emparer, à moi toute seule, d’un lieu pareil ? La réponse m’est apparue dans la volonté de « faire corps », ou plutôt de « faire âme » avec l’endroit. Le titre de l’exposition, « Vous êtes l’heure, je suis le lieu », est une phrase extraite de la chanson Rendez-vous manqué, écrite avec mon fidèle comparse compositeur Ferdinand. Ce passage me semblait intéressant pour décrire cette fusion mentale de l’artiste avec l’institution où il expose.
2. Comment avez-vous souhaité organiser le parcours et quelle place le visiteur est-il invité à prendre ?
Vous l’aurez compris, le visiteur choisit son heure. Malgré ma fâcheuse tendance au didactisme, il dispose aussi d’une certaine part de liberté dans ses mouvements : j’ai organisé une signalisation au sol analogue à celle présente dans certains grands magasins de bricolage et hôpitaux pour guider le visiteur vers des cellules correspondant chacune à une thématique, ou à une sphère de mon cerveau. Certaines des œuvres présentées comme La barbichette ou Le râle du pigeon peuvent être qualifiées de « participatives » dans la mesure où le visiteur y est invité à devenir mon partenaire de jeu.
3. Vous sentez-vous à un tournant et pourquoi ?
En choisissant de faire de la musique la colonne vertébrale de mon exposition, je suis en train de négocier un virage où les arts plastiques et la chanson se mélangent enfin dans une seule et même pratique. Je n’étais jamais vraiment parvenue jusqu’ici à faire se rencontrer ces deux domaines artistiques que j’investissais parallèlement, tant le milieu de l’art contemporain me semblait hermétique aux musiques « non expérimentales ». La collision s’est faite un peu par hasard : Ferdinand et moi avions besoin de clips pour mettre en ligne nos chansons sur Youtube, et je me suis dit « Tiens, si j’essayais de m’y coller ? »
4. Comment s’explique votre fascination pour l’univers de la santé mentale ?
Quelle que soit la thématique concernée (à l’exception peut-être de la religion, qui exerce effectivement sur moi une certaine fascination), mes œuvres sont des témoignages plus ou moins camouflés par la distance qu’offrent l’humour, le minimalisme plastique, ou encore le recours à des personnages d’apparence masculine. J’ai une connaissance intime de l’institution psychiatrique que je n’avais pas souhaité jusqu’ici évoquer publiquement. Mais je participe aujourd’hui à l’expérimentation des « médiateurs de santé / pairs », qui consiste à intégrer des usagers ou anciens usagers de la psychiatrie dans les équipes de soins afin de véhiculer un message d’espoir et de vaincre la stigmatisation. Le « dévoilement », comme on dit dans le jargon, est donc devenu l’un de mes devoirs professionnels.
5. Quelles rencontres ont-elles été décisives dans votre parcours ?
Je ne sais pas si l’on peut parler de « rencontrer » sa famille, mais il m’est difficile de ne pas vous parler d’abord des jeux d’enfant avec mon petit frère, qui nous ont emportés dans des univers semi-fictifs dont mon activité artistique n’est que le prolongement à l’âge adulte. C’est avec lui que j’ai écrit ma première chanson, dont nous avions confié l’interprétation au groupe de rock formé par nos hérissons en peluche. La rencontre artistique avec mes parents, tout deux professeurs d’arts plastiques, s’est opérée plus tardivement, lorsque j’ai délaissé mes études de droit pour accepter enfin ce qu’ils avaient à me transmettre. Pour suivre dans l’ordre chronologique, je pense que les astres étaient bien alignés lorsque Ferdinand et moi nous sommes rencontrés sur un site de petites annonces musicales. Il est en quelque sorte la seconde moitié de mon cerveau. Il est la musique et moi les paroles, à nous deux nous sommes une chanson. Ensuite, il y a eu Stéphane Corréard et le salon de Montrouge, puis Aude Cartier et la Maison des arts. Ils m’ont donné ma chance, je leur dois tout.
A quand remonte votre 1er contact avec l’art ?
Il y a avait sans doute quelques résidus de peinture sur les mains de mon père lorsqu’il m’a portée pour la première fois à la maternité…
Louise Pressager est représentée par la galerie Laure Roynette, Paris.
Infos pratiques :
Vous êtes l’heure, je suis le lieu
du 22 janvier au 5 avril