Toussainte, Quai Pascal Paoli, Portivechju © Philippe Echaroux, Communauté de communes Sud-Corse
La Communauté de communes du Sud-Corse nous invite à découvrir autrement ce territoire riche de singularités et de savoir-faire qui vont bien au-delà de la carte postale balnéaire ! Avec le projet TEMPI (le temps, les mémoires), le photographe marseillais Philippe Echaroux renoue avec ses racines corses et fait vivre toute une génération d’hommes et de femmes qui ont façonné cette région, au fil des saisons à travers 10 projections monumentales qui s’animent à la tombée du jour dans un esprit de partage et de simplicité. Entre la guerre et les privations du quotidien, le départ pour le continent, l’entraide paysanne, la mémoire ancestrale gourmande, la transformation économique de l’île, les débuts de l’émancipation féminine… Toussainte, Augusta, Ange, Lucien, Marguerite, sont reliés par un fort sentiment d’insularité et nous livrent leur témoignage en parallèle de la projection de leurs portraits sur des quais, des façades, des bastions, des casernes : autant de lieux historiques entre Porto-Vecchio, Figari, Bonifacio…Un patrimoine immatériel qui revit grâce à ces passeurs dans une relation de confiance qui passe par les gestes des mains, le grain de la peau, les rides d’un vécu, la force d’un regard. Photographe autodidacte et sportif de l’extrême, Philippe revendique un street-art 2.0, éphémère et éco-responsable qu’il a exporté de Cuba, à Barcelone, Venise, les Alpes … et la forêt amazonienne. Il a à cœur de toucher et de parler au plus grand nombre. Une invitation à ralentir le rythme et à faire un pas de côté pour s’affranchir de la route du tourisme globalisé. Pour allier saveurs du terroir et découvertes artistiques, quelques recommandations en complément pour s’assurer un séjour hors saison réussi.

Un dîner dans les vignes, Domaine de Peretti della Rocca
Philippe Echaroux, quelle est votre définition du portrait ? C’est quoi pour vous un bon portrait en photographie ?
Je dirais qu’un bon portrait, c’est d’abord et avant tout une bonne rencontre. C’est plus que la photographie elle-même, parce que le portrait, c’est la définition d’une rencontre à un instant T. Si je te fais un portrait maintenant, je ne ferai pas le même demain.
Et au niveau de votre méthode, qu’est-ce qui se joue ? Quelque chose d’assez rapide et instinctif, si j’ai bien compris
Tout à fait et c’est pourquoi cela demande beaucoup de préparation en amont. Je prends souvent l’image d’un musicien sur scène. Il n’est pas en train de réfléchir à sa gamme quand il fait son solo de guitare, il est en train de l’exécuter et de nombreuses façons différentes. C’est le même phénomène pour moi. J’ai beaucoup travaillé pour développer et mettre au point ces techniques, qui me permettent de rester réceptif à la rencontre que ce soit une personne très connue, un membre d’une tribu d’Amazonie, un amateur qui aime les circuits automobiles, un footballeur ou un rugby-man..
Un enfant, une personne âgée, peu importe… Le but, c’est que personne ne réfléchisse car c’est comme ça qu’on peut capter quelque chose de naturel. Et même si cela ne marche pas à tous les coups, ce n’est pas grave !

Portrait de Philippe Echaroux
Basé à Marseille. Quels sont vos liens avec la Corse ?
J’ai des origines Corses et je passe énormément de temps aussi sur ce territoire où je me sens bien. Rien ne tient au hasard dans un tel projet.
A quand remonte l’origine du projet ?
Tout est parti de la projection du footballeur corse Claude Papi, originaire de Porto-Vecchio à l’occasion du 40èmeanniversaire de sa disparition, suite au choix du jury en faveur de mon projet. Un hommage qui a été plébiscité par le public et la famille du joueur.
Enfant de la ville qui a toujours joué au FC Bastia. Il est resté dans l’ombre de Platini, même si c’était un grand numéro 10. Claude Papi était moins connu que Platini, mais pour les corses, il a la stature de Zidane.
Cette œuvre est toujours visible sur le stade qui porte son nom.
C’est à ce moment-là que j’ai rencontré les personnes impliquées de la communauté de communes du Sud-Corse.
Comment avez-vous procédé au niveau de la sélection des protagonistes avec les équipes de Tempi ?
Une fois que l’on a décidé le thème des centenaires, c’est la communauté de communes qui a choisi des gens étant donné que je n’avais pas une connaissance aussi fine qu’eux du territoire. L’idée était de choisir des gens qui allaient être à l’aise avec le concept parce que in fine, ils se retrouvent quand même projetés en grand et pour la plupart proche chez eux. Je prête une attention particulière à l’emplacement retenu pour chacun dans la mesure où une personne timide ne se retrouve pas à l’endroit le plus visible !

Ange, 92 Traversa Figaresa, Figari © Philippe Echaroux, Communauté de communes Sud-Corse
En ce qui concerne le choix des lieux, comment avez-vous intégré les contraintes ?
Il y a tout le temps des contraintes au niveau des projections. En termes de projets je suis tout à fait autonome et mobile. J’ai le matériel nécessaire. Pour les expositions dans l’espace public c’est autre chose car on place les projecteurs sur les éclairages municipaux qui doivent être raccordé à un support qui doit lui-même être à une distance juste. Cela élimine la plupart des lieux potentiels. Le repérage est donc la pierre angulaire de mes projets. Si l’on prend par exemple la projection du visage de Toussainte quai Pascal Paoli, à Porte Vecchio j’ai repéré cet arbre depuis longtemps, il est magnifique et permettait une projection juste en face. De nombreux spots sont évidents pour les avoir fréquentés, souvent par hasard. Quant au choix du noir et blanc, cela relève aussi d’une contrainte car le blanc est ce que projette le plus un projecteur.
Comme pour d’autres formes d’art, Il naît aussi de contraintes techniques et c’est sa nature.
Quelles ont été les belles surprises, les belles histoires qui se dégagent ?
Elles sont très nombreuses mais ce qui était incroyable, c’est que les gens me parlaient sans filtre alors qu’ils ne me connaissaient absolument pas. Je débarquais pour ainsi dire dans leur salon, sans parler corse. Cela m’a donc aidé d’être accompagné. Nous avons été vraiment accueillis et on a pris le temps. J’ai apprécié car c’est un peu l’opposé de ce qu’on connaît dans nos vies où l’on ne prend plus ce temps. J’essaie de le faire et j’apprends beaucoup de la manière de vivre locale, qui est loin des supposés clichés de paresse ou de soi-disant laisser aller méditerranéen. C’est un rapport qualitatif à l’autre et à la rencontre.
Si l’on a affaire à des gens qui sont certes retraités, mais qui ont des choses à faire et à partager. Ils ont des petits enfants, des engagements dans la communauté…leur vie n’est pas vide.
Vous vous êtes fait accompagner pour les textes par un travail d’écriture, En quoi était-ce important ?
C’était important pour deux raisons. D’une part pour les personnes, parce qu’il y a un peu de leur histoire qui se trouve exposée publiquement. Et pour les touristes qui passent, de comprendre que telle personne qui est sur cet arbre, elle habite dans ce quartier et depuis peut-être 90 ans. Pour les touristes qui souhaitent aller un peu plus loin que le côté hôtel + plage, cela offre des clés d’entrée et j’observe de plus en plus de gens qui essaient de s’ouvrir à la culture locale.
Pour en venir à votre projet le plus personnel lié à votre grand-mère Corse que vous avez amené un peu partout dans le monde
J’ai profité de l’occasion d’une exposition dans la communauté d’agglomération de Bastia pour projeter le visage de Jeannette sur une chapelle à San Martino di Lota car elle était croyante. Après l’avoir amenée aux quatre coins du monde, elle qui n’avait pas voyagé, j’ai gardé la Corse pour la fin, comme pour boucler la boucle.
À la base, c’était juste un petit clin d’œil marrant. Et puis, à force de le faire, c’est devenu un truc entre nous. En plus sa photo marchait bien.
Comment voyez-vous le street art ?
En fait je suis arrivé dans le street art assez tard, en 2011 alors que plein de choses existaient déjà. Je trouvais ça intéressant de proposer autre chose. Je n’allais pas refaire des collages comme JR ou Bansky Venant de la photo, je trouvais que la lumière était hyper intéressante, et au fil de mes expérimentations j’ai trouvé une solution respectueuse de l’environnement., l’éphémère étant à la base du street art dans l’idée de laisser une trace sur un territoire.
Je voulais amener ma touche et ma pratique des sports en pleine nature a eu de l’influence, j’étais sensible aux enjeux écologiques. La lumière offrait de nombreux avantages.
Est-ce que vous considérez l’IA, comme une menace ou une opportunité ?
Je dirais les deux. Je vois ça comme un tsunami et je me dis que le tsunami, si on ne bouge pas, on est sûr de se faire ravager alors que si on a une planche de surf à la bonne taille, ça peut être une super vague !
Je m’intéresse au sujet depuis longtemps même si je ne m’en sers pas professionnellement.
C’est quoi, selon vous, un art dans l’espace public qui a du sens ?
Je pense que c’est un art qui va amener une réaction. C’est-à-dire que si je peins quelque chose qui est joli mais sans contexte, cela reste une sorte de loisir. Par contre, si je peins quelque chose qui a du sens, cela ne passe pas forcément par l’esthétique. Dans l’espace public c’est intéressant parce que ça reste un super vecteur d’un message quel que soit le message.
De plus j’ai choisi volontairement un art qui reste volontairement simple parce qu’il est plus compliqué de faire quelque chose de simple et à contrario, plus facile de faire un truc hyper tarabiscoté, complexe, que seuls quelques initiés peuvent comprendre, et qui reste inaccessible pour les autres. Une idée, je la vois comme de l’argile qu’on va sculpter pour arriver à quelque chose de très simple. Quand on me dit « c’est simpliste », je suis très content parce que ça va parler au grand nombre par le biais d’un visage sur un arbre, un visage sur un mur, une phrase ou quelques mots, quelques graffs de lumière.
Pour en venir à une question plus personnelle : à quand remonte votre première émotion photographique ? Est-ce qu’il y a eu un déclic ?
Je me suis mis à la photo complètement par hasard. J’ai fait pas mal d’escalades ou de kites et du coup, ça m’a intéressé. J’avais acheté un appareil photo et je pratiquais en été. C’après avoir découvert certains portraitistes américains que cela m’a interpellé On était encore loin de l’IA, c’était le début de la 3D. J’ai alors compris la puissance de l’éclairage, quelque chose de la vie réelle. Ce n’était pas Photoshop ! J’ai commencé à aller souvent chez Leroy Merlin pour me procurer des spots de chantier de façon économique et me suis lancé petit à petit. Puis une marque suisse d’éclairage haut de gamme m’a permis de mener des recherches plus abouties. J’ai avancé seul en testant et le déclic s’est fait quand j’ai réalisé ce que pouvait permettre la lumière artificielle mélangée à de la lumière naturelle.
Carnet de route gourmand : au fil des saisons
Rien de mieux que l’automne pour apprécier les richesses culinaires du Sud Corse : les aubergines farcies, les fromages de brebis et de chèvre, l’agneau de lait, le pain des morts : brioche aux noix et raisons secs, l’huile d’olive…

A Spartera, Domaine de Peretti della Rocca
Quelques incontournables :
Le Domaine de Peretti della Rocca, entre luxe et tradition
Au milieu des sentiers granitiques et des vignes (AOP Corse Figari), un écrin de vieilles pierres. Tout le confort d’anciennes bergeries reconverties en chambres avec piscine privative. Table généreuse et authentique bien nommée « A Spartera » (le partage).
https://www.deperettidellarocca.com/fr/table
Ferme Valicella : agro-tourisme
Même s’il n’a pas été possible de goûter la tomme sartenaise, le yaourt de brebis ou l’huile d’olive, la famille défend le 100% Bio. La transmission familiale a pris différents visages entre le père Dominique Bacchiolo Marcellesi et ses deux fils : Thomas et Dumè, ce dernier étant à l’origine de la Biennale d’art contemporain De Renava à Bonifacio qu’il a fondé avec Prisca Meslier à partir d’une sélection ultra pointue. La prochaine édition aura lieu en mai 2026.
https://www.deperettidellarocca.com/fr/table
Restaurant le Relais à Sotta (15 kms de Porto-Vecchio)
Carte saisonnière, transmission et partage chez les Pandolfi autour de la passion familiale pour l’élevage bovin (charcuterie AOC) avec :
Triplettes de veau, Tianu de vitellu, Linguines aux gambas…
https://www.facebook.com/p/Restaurant-Le-Relais-
Restaurant les 4 Vents à Bonifacio
Près de l’embarcadère pour la Sardaigne et du port de plaisance, carte locale en circuit court : produits de la mer, cochon Nustrale, veau tigre Abbatucci …
https://www.facebook.com/restaurantlesquatrevents/
Circuits culturels :
Circuit la mémoire du sel à Porto-Vecchio/ Portivechju :
L’or blanc fait partie de la richesse historique de la ville et les marais salants accueillent de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs. Un espace naturel exceptionnel aujourd’hui à l’abandon.
Découverte de la terrasse du Bastion de France avec exposition sur l’exil de Pascal Paoli, héros tutélaire.
Bonifacio, Ville d’art et d’histoire :
Respirer un peu de la douceur de Gênes et de Pise dans les ruelles de la Citadelle, gravir les 189 marches sculptées dans la falaise (l’escalier du Roy d’Aragon), apercevoir le Diu Grossu, rocher qui s’est détaché pour devenir une légende géologique corse…
Infos pratiques :
TEMPI
Carte des projections
https://www.tempi.corsica/projections
Communauté de communes du Sud-Corse
https://www.facebook.com/CCSudCorse/
Office du Tourisme Bonifacio
https://bonifacio.fr/offres/exposition-nocturne-hors-les-murs-tempi-bonifacio-fr-
Office du Tourisme Porto-Vecchio
www.portovecchio-tourisme.corsica
Pour aller plus loin :
Suivre la Route des Sens, le label Gusti Di Corsica




