Biennale de Lyon 1/2 : dans la friche des Grandes Locos (SNCF) 

17e Biennale d' art contemporain de Lyon, Les Grande Locos. Chourouk Hriech, L’oasis des oiseaux, 2024, Printed Indian ink drawings, mixed media. Courtesy of the artist and Galerie Anne-Sarah Bénichou Creation for the 17th Lyon Biennale © ADAGP, Paris, 2024 Photo Jair Lanes

Après les fulgurants directeurs du Hamburger Bahnhof de Berlin Sam Bardouil et Till Fellrath qui avaient convoqué 202 artistes en provenance de 40 pays, notamment le Moyen-Orient, l’heure est à la célébration de ce qui nous est proche et différent à la fois, de ce qui nous relie. Un manifeste de l’hospitalité porté par Alexia Fabre, directrice des Beaux-arts de Paris à l’invitation d’Isabelle Bertolotti (relire notre interview), autour de sites moins nombreux et tout aussi emblématiques tels que l’ancienne usine de réparation et de fabrication de la SNCF des Grandes Locos ou la Cité internationale de la gastronomie installée dans l’ancien Hôtel Dieu de Soufflot sur les bords du Rhône. Ce fleuve et ses voix que convoque régulièrement les 72 artistes réunis, souvent à leur début de carrière et à qui l’on a donné leur chance (très nombreuses productions spéciales). Si le budget se voit réduit, une économie des pratiques et des usages se met en œuvre sur la région Rhône-Alpes à travers des résidences autour de savoir-faire singuliers. Des aventures humaines sur ce-qui-fait-corps ici et maintenant. Une poétique de la résilience qui va à l’essentiel, c’est d’abord et avant tout cela l’art.

Dès l’entrée du métro à Part Dieu, (direct pour Oullins, lieu historique des hauts fourneaux et ateliers SNCF) l’artiste Edi Dubien est exposé, signalant la manifestation sous un angle onirique de rencontre avec la nature par de jeunes adolescents en mutation. L’on se souvient de son exposition individuelle au macLyon, magistrale.

17e Biennale d’ art contemporain de Lyon, Les Grande Locos. Vue d’ensemble. Premier plan : Myriam Mihindou, Lève le doigt quand tu parles, 2024 Béton, ferraillages. Courtesy de l’artiste et de la galerie Maïa Muller Création pour la 17e Biennale de Lyon © ADAGP, Paris, 2024 Dernier plan : Hélène Delprat, Vous êtes en train de m’enregistrer ?, 2024 Techniques mixtes, peintures, fichiers son, vidéo, impressions numériques. Courtesy de l’artiste et de la Galerie Christophe Gaillard Création pour la 17e Biennale de Lyon © ADAGP, Paris, 2024 Au plafond : Michel De Broin, Mortier Fati – Lignes de lumière, 2024 Tubes fluorescents et quincaillerie. Courtesy de l’artiste Création pour la 17e Biennale de Lyon Photo Jair Lanes

L’espace des Grandes Locos a été distribué généreusement aux artistes (36 au total) trop peut-être par endroits ? entre les 2 Halles, le second accueillant de grandes installations. Ce qui se remarque aussitôt sont les intersections lumineuses de Michel de Broin dans le plafond qui soulignent les failles du bâtiment. Puis surgissent les mains levées des femmes de Myriam Mihindou. L’ensemble intitulé « Lève le doigt quand tu parles » renvoie aux injonctions sociales liées à la prise de parole. Toutes les formes d’oppression subies mais aussi de revendication également inspirée par ce lieu de labeur et de contestation. Hélène Delprat, la magicienne, nous plonge dans sa constellation de références savantes et burlesques à la fois avec « Vous êtes en train de m’enregistrer ? » Entre vidéo, son, installation, peinture.. il est question de citations cinématographiques et des voix de l’actrice Nicole Stéphane (les Enfants Terribles) engagée dans la résistance. Pilar Albarracin nous parle également d’insoumission avec cet ensemble de cocottes minutes qui se déclenche à l’approche du visiteur avec un rappel des assignations des femmes à la sphère domestique. Gözde Ilkin est partie des récits des luttes et du passé industriel du site SNCF où elle a été en résidence, pour tisser un grande patchwork autour de la mémoire ouvrière. Autre mémoire oblitérée, celle des souffrances psychiques et psychologiques dues au monde du travail avec Clara Lemercier Gemptel et son film qui met en images les paroles des travailleuses. 

17e Biennale d’ art contemporain de Lyon, Les Grande Locos. Vue d’ensemble. 1er plan droite : Nefeli Papadimouli, Idiopolis (| – X), 2024 Coton, teinture textile naturelle, teinture textile chimique, mercerie diverse, lin, jonc fibre de verre, mousse Courtesy de l’artiste, THE PILL ® Istanbul, Paris et Nathalie Karg, New York Création pour la 17e Biennale de Lyon © ADAGP, Paris, 2024 1er plan centre : Feda Wardak, Les sols ont vibré, 2024 Structure en échafaudage acier, plancher en ossature bois, panneaux agglomérés et plaques métalliques en acier brut, colonnes en MDF peint en blanc. Courtesy de l’artiste Création pour la 17e Biennale de Lyon © ADAGP, Paris, 2024 Arrière plan droite : Liesl Raff, corridor, 2024 Métal, latex, pigments, talc. Courtesy de l’artiste et de la Galerie Eva Presenhuber, Zurich / Vienne Création pour la 17e Biennale de Lyon © ADAGP, Paris, 2024 Arrière plan gauche : Mona Cara, Le Cactus, 2024 Tissage jacquard, dentelle, broderie, polyester recyclé, acrylique, fils d’arcade et fils électriques, matériaux divers Courtesy de l’artiste Création pour la 17e Biennale de Lyon © ADAGP, Paris, 2024 Hans Schabus, Monument for People on the Move, 2024 Bois, fonte d’aluminium. Courtesy de l’artiste Création pour la 17e Biennale de Lyon © ADAGP, Paris, 2024 Au plafond : Michel De Broin, Mortier Fati – Lignes de lumière, 2024 Tubes fluorescents et quincaillerie. Courtesy de l’artiste Création pour la 17e Biennale de Lyon Photo Jair Lanes

Mona Cara qui fait partie des diplômés des Beaux-Arts de Paris et que j’avais interviewée dans son studio, reprend le savoir-faire lyonnais du métier Jacquard exporté dans le monde entier avec de la dentelle réalisée par des associations d’artisan.es et de bénévoles dans la région d’Auvergne Rhône-Alpes. Nefeli Papadimouli (également Beaux-arts de Paris) à partir de sa vaste installation textile, reprend les postures de la grève dans une dimension statique ou au contraire en action, lorsqu’elle se voit activée lors de performances. 

On fait une pause pour se prendre un cornet de pop-corn à l’atelier ambulant de Clément Courgeon qui revisite les folklores dans une esthétique comedia del arte avec « la charlotte des malins ». Il a avant son arrivée, parcouru de nombreux kilomètres avec la roulotte tirée par un cheval. Julien Discrit s’intéresse à la thérapie par réminiscence sur les malades d’Alzheimer à travers un film tourné à San Diego dans un centre spécialisé, Forever Reverb, le tout baignant dans une esthétique des années 1950. Jesper Just avec l’installation vidéo Interceptions suggère des fragments entre l’humain, lla faune et la technologie. Magnétique et troublant. Jérémie Danon & Kiddy Smile avec l’installation video RIDE témoigne de l’invisibilité de la représentation du corps noir dans le paysage médiatique français à travers des témoignages à bord d’une voiture, espace clos de confiance.

Le compositeur Bastien David imagine des partitions musicales à géométrie variable à partir de matériaux collectés (bouteilles de vin) et propose au public des performances chaque jour. Son métallophone, nouvel instrument de percussion a vu le jour au Myanmar auprès d’un facteur traditionnel. Chourouk Hriech à qui j’avais consacré un article à l’occasion de son exposition à la Terrasse de Nanterre, entremêle les strates des médiums et de la narration dans un vaste palimpseste autour des oiseaux migrateurs avec A qui appartiennent les cieux ? Victoire Inchauspé (Beaux-arts de Paris) avec sa maison aux tournesols et sa barque nous parle de réparation et de rites funéraires, de protection et de vulnérabilité. Le poète et griot Bocar Niang et son installation textile suspendue constituée de 70 mots glanés en français, italien, peul et wolof incarne une polyphonie de l’oralité qui se voit performée et activée par l’artiste qui propose également deux dîners griots. Jean-Christophe Norman à partir de la phrase « Par mer calme le bateau disparut de la surface de la mer » du roman de Hans Henry Jahn entame un travail de recouvrement à base de peinture sur chacune des 1000 pages. Un arpentage qu’il fait dans les villes à partir d’une ligne d’horizon qu’il dessine à la craie. 

Dans la Halle 2 réservée à de plus vastes ensembles, l’installation d’Olivier Beer autour de sa recherche au long cours sur le phénomène acoustique de la résonnance dans des grottes préhistoriques de Dordogne est spectaculaire. Plusieurs chanteurs se sont livrés dans ce lieu chargé de mémoire à des partitions à partir de leurs premiers souvenirs musicaux. Immersif et vibrant à la fois, ce voyage intérieur est l’un des temps marquants de la Biennale. 

Chronique à suivre : le macLyon, la Cité internationale de la gastronomie ; l’IAC, autres lieux incontournables de la Biennale.

Découvrir le programme Résonance sur le territoire :

https://www.labiennaledelyon.com/resonance/les-evenements-en-resonance

Infos pratiques :

Jusqu’au 5 janvier 

Tarifs :

Plein 20 euros

Réduit 12 

Le Pass 

Billetterie 

https://www.labiennaledelyon.com/17e-biennale-de-lyon