Félicie d’Estienne d’Orves PLEIADES, 2016 23°08’14”S 68°14’6”W / Série Cosmographies 8 novembre, 2016 – 11h – Alt.: 2500 M – Ojos del Salar, Atacama (Chilie). Impression sur papier, 85 x 110cm. Courtesy de l’artiste – Topographie de l’Art
Domitille d’Orgeval, commissaire, poursuit son cycle avec l’espace Topographie de l’art (Marais) autour de phénomènes immatériels tels que la lumière, le temps, le rapport à l’image, la trace. Elle privilégie le temps long de l’observation et de la réception. Spécialiste de de l’abstraction géométrique et cinétique du XXe siècle, elle revient sur les grandes étapes de son parcours, les rencontres décisives et sa vision du métier de commissaire. Elle prépare pour 2024 une exposition autour de l’art textile à la Maison de l’Amérique latine. Domitille a répondu à mes questions.
Docteure en Histoire de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition indépendante, Domitille d’Orgeval a contribué à de nombreux ouvrages sur ces sujets parmi lesquels : « Vasarely avant l’Op » (Fondation Vasarely, 2024), « Lumière et Mouvement »(Villa Datris, 2023), « Mehdi Moutashar » (Bernard Chauveau, 2023), « Pascal Haudressy » (Skira, 2023), « Marcelle Cahn, en quête d’espace » (MAMC de Strasbourg et de Saint-Étienne Métropole, 2022),« Elles font l’abstraction » (Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, 2021), « Kupka » (Grand Palais, Paris, 2018), « Julio Le Parc » (Hermès éditeur / Actes Sud, Paris, 2015), « Robert Delaunay » ( Rythmes sans fin, Centre Georges Pompidou, Paris, 2014), « Vasarely » (Musée d’Ixelles, 2013-2014), « Herbin » (Musée Matisse, Le Cateau Cambresis, 2013-2014), « De l’abstraction géométrique à l’abstraction cinétique (1950-1960) : la part de l’héritage, continuité, rupture et renouveau » (Dynamo, Grand Palais, Paris 2013), …Elle a été commissaire de plusieurs expositions dont « Dialogues, Karina Bisch/Alberto Magnelli » (Galerie Lahumière, 2023), Pascal Haudressy (« Topographie de l’art, 2023), « le Souffle du vivant » (automne 2022, Le 100, Paris), « Art et Programmation » (Galerie Denise René, en collaboration avec Denis Kilian, 2022), «Topographie de la lumière (Espace Topographie de l’art, Paris, 2021), Horizons (« Fonds de dotation Franklin Azzi Architecture, Paris, 2021), « Faux-Semblants » (Galerie Cédric Bacqueville, Lille, 2020)…
Domitille d’Orgeval
Après « Topographie de la lumière » vous proposez « les Formes du temps » : qu’est-ce qui vous a inspiré ce nouveau chapitre ?
Effectivement, cette exposition consacrée au temps succède à une autre consacrée à la lumière. Et avant celle-ci, j’avais organisé, toujours à Topographie de l’art, une exposition qui s’inscrivait dans la même veine, intitulée « Immatérialité ». Ces expositions présentent toutes des créations minimales ou conceptuelles, tendant à une dématérialisation des formes et cherchant à rendre tangible ce qui échappe à la vision humaine : le temps, la lumière, l’air, la couleur, le microcosme ou le macrocosme… Ces réalisations, s’inscrivant pour la plupart dans l’héritage des avant-gardes expérimentales et dont certaines se situent à la frontière de la science et de l’art, ont en commun d’offrir des expériences visuelles, sensorielles, qui amènent à nous interroger sur notre perception du réel et ses limites.
J’aime dans mes expositions privilégier le temps de l’observation, de la réflexion, de la rêverie, en créant des situations qui invitent à réfléchir à notre rapport au monde, à une heure où celui-ci connait des bouleversements fondamentaux.
Vera Röhm, Schatten-Zeit-Feld, 27.09.1983, 7.00-17.30h, 1983/1986/2009. Installation avec 22 panneaux, 22 tétraèdres, 22 corps d’ombres métal, laqué, jet d’encre sur papier, verre, MDF noir, 53 x 200 x 1080 cm. Crédit photo: Wolfgang Lukowski. Courtesy de l’artiste et de l’ADAGP, Paris 2024 – Topographie de l’Art
Comment avez-vous procédé au choix des artistes ?
J’essaye de présenter des artistes de générations différentes et de respecter une égalité de représentation entre homme et femme.
Lorsque je prépare une exposition, je pars très souvent d’artistes dont je connais bien le travail et avec lesquels j’ai une bonne entente, une certaine complicité. Pour « Les Formes du temps », le travail de Vera Röhm, artiste allemande de 80 ans qui bénéficie déjà d’une reconnaissance institutionnelle importante dans son pays, m’a beaucoup inspiré. Sa sculpture monumentale, Shadow time field (1983), portant sur le rapport entre temps et espace à travers le phénomène de l’ombre, est un peu la colonne vertébrale de l’exposition. J’ai trouvé chez d’autres artistes dont je suis proche ou dont je suis attentivement le travail, des oeuvres correspondant parfaitement à la question du temps comme Adam Belt, Clément Borderie, Cat Loray, Félicie d’Estienne d’Orves, Dimitri Mallet et Eric Michel.
Parmi les découvertes plus récentes, il y a Thomas Paquet, rencontré il y a environ un an lors d’une exposition à la galerie Bigaignon : sa pratique expérimentale de la photographie autour de la nature du temps m’a immédiatement conquise. Puis j’ai cherché d’autres oeuvres entrant en correspondance avec la question du temps : c’est ainsi que j’ai pensé à la fameuse vidéo Timezone de Berdaguer et Péjus, aux mobiles de Damien Bénéteau que j’avais vu à la galerie Eko Sato (qui a malheureusement fermée), et enfin au travail de Vittoria Gerardi que Thierry Bigaignon m’a fait récemment découvrir. Pour finir, l’idée d’exposer la série photographique d’Appelt est née d’une discussion avec un ami.
Quels ingrédients sont indispensables à une exposition réussie ?
Il faut tenir compte de l’espace dans lequel on s’inscrit et au dialogue plastique qui s’établit entre les oeuvres, aux résonances qu’elles déclenchent. Après, il y a un équilibre subtil à trouver en termes d’échelle, de contraste et d’harmonie. Une exposition ne tient pas uniquement par sa cohérence conceptuelle, il faut qu’elle provoque un plaisir visuel. Il y a une dimension esthétique à ne pas négliger.
Quelles aptitudes sont nécessaires selon vous pour être commissaire d’exposition ?
Dans mon cas, je considère le travail de commissaire d’exposition comme la continuité de ma formation d’historienne de l’art et de mes spécialités (j’ai un doctorat de l’Université Paris 4, je suis spécialisée dans l’histoire des avant-gardes, de l’abstraction géométrique et cinétique du XXe siècle, j’ai été commissaire associée de l’exposition « Dynamo » qui s’est tenue en 2013 au Grand Palais). Le travail de commissaire d’exposition a donc d’abord été pour moi l’occasion de mettre en scène, d’approfondir des sujets que j’ai souvent étudiés en profondeur, sur lesquels j’ai écrit et publié. Cela dit, une rencontre importante, la fréquentation régulière des artistes, des galeristes, du milieu de l’art, peuvent inspirer des expositions sur des thématiques nouvelles et stimulantes. C’est ainsi que j’avais présenté l’exposition « Horizons » pour le Fonds de dotation Franklin Azzi en 2020 avec des artistes principalement figuratifs de la scène française. De même, j’organise pour l’automne 2024 une exposition intitulée « Une brève histoire de fils » autour du fil et de l’art textile à la Maison de l’Amérique Latine. Il faut savoir surprendre et se surprendre !
Les artistes de l’exposition :
- Dieter Appelt
- Adam Belt
- Damien Bénéteau
- Berdaguer & Péjus
- Clément Borderie
- Vittoria Gerardi
- Cat Loray
- Dimitri Mallet
- Éric Michel
- Félicie d’Estienne d’Orves
- Thomas Paquet
- Vera Röhm
Catalogue en préparation
Infos pratiques :
Les Formes du temps
Jusqu’au 4 avril
15 rue de Thorigny
75003 Paris
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Du mardi au samedi
14h – 19h
Entrée libre
