Chaotiques, étouffantes, poisseuses, fiévreuses, bruyantes, démesurées, troublantes, ces mégapoles aux marges d’une mondialisation sauvage où règne corruption et opacité offrent néanmoins une surface de projection inégalée pour artistes et créateurs de tous genres. Exit Berlin, Londres, New York, le curseur se déplace constamment interrogeant le centre et la périphérie comme jamais.
Le Palais de Tokyo est ce navire sans capitaine depuis le départ de Jean de Loisy, à la dérive, comme cela est de mise pour la carte blanche offerte à Hugo Vitrani (réécouter notre interview à Pommery du 20.01.19 ) et Fabien Danesi qui nous livrent leur version subjective et brute de mégapoles sauvages choisies pour leurs pulsations borderline. On ne s’attarde pas trop à l’empreinte carbone d’un tel panorama de Lagos (Nigéria) à Dacca (Bangladesh), Manille, Mexico et Téhéran qui innerve tous les espaces et interstices du Palais autour d’une cinquantaines de création disséminées selon un principe rhizomique alternant zones d’ombre et de lumière pour un résultat certes percutant mais peu convaincant en terme esthétique et conceptuel. Artistes mais aussi fashion designers, tatoueurs, graffeurs, performeurs, musiciens, c’est le grand melting pot !
Remarquons tout de même le mexicain Fernando Palma Rodriguez, ingénieur de formation devenu lanceur d’alerte qui ouvre le parcours et s’inspire de la culture aztèque pour dénoncer l’impact du changement climatique sur le patrimoine de son peuple les Nahuas, à l’aide de structures robotiques artisanales. Il est aussi à l’origine d’une association qui revendique l’héritage indigène et sa préservation. On le retrouvera à la Biennale de Lyon.
Manuel Solano est un.e artiste qui a perdu la vue à la suite d’un traitement d’une maladie liée au VIH. Elle recompose une esthétique visuelle très contemporaine interrogeant l’identité et ses masques. L’artiste a été récemment exposé.e à l’ICA Miami.
L’iranien Farrok Mahdavi percute avec ces visages hantés en rose acidulé qui sondent la chair.
L’américaine Chelsa Culprit basée à Mexico à travers une imagerie queer outrancière interroge les stéréotypes féminins.
L’iranienne Mamali Shafari installée à Amsterdam revisite les codes de la miniature persane pour interroger les évolutions de la société face aux réseaux sociaux.
Wura-Natasha Ogunji américaine basée à Lagos après avoir étudié l’anthropologie se penche sur la place du corps féminin dans l’espace public à partir de borderies sur papiers et performances.
Le mexicain Martin Soto Climent fait un retour au Palais de Tokyo qui l’avait découvert en 2016 avec Sam Art Projects. Il a depuis intégré la galerie Perrotin. Il présente le collectif Lulu fondé à Mexico avec le commissaire Chris Sharp. Sans doute la proposition la plus aboutie formellement.
Puis on se mêle aux sons de Lagos à bord du « danfo » vieux minibus Volkswagen reconvertis en taxis collectifs très populaires, on déambule parmi les « Aliens of Manila », ces protubérances colorées réalisés à partir d’objets plastiques récupérés par Leeroy New (fashion week ici aussi), les peintures hyper réalistes des cyclo pousses de Dacca, on traverse la bad painting de Manille, on ingurgite des tonnes de porn food, on croise des zombies beaucoup de zombies, on ingurgite du sexe survitaminé, on danse sur des karaokés anarchiques, on suit des graffitis sales et flippants.. la nuit ne se pose jamais sur les tympans hypertrophiés de la jeunesse des villes-mondes.
Gueule de bois garantie à la sortie !
On reprend son souffle grâce à Gaël Charbau et les Lauréats Audi Talents 2019 : Marielle Chabal, Grégory Chatonsky et Léonard Martin.
ALT+R Alternative Réalité
Infos pratiques :
PRINCE.SSES.S DES VILLES
jusqu’au 8 septembre
Palais de Tokyo
La Manutention pour la première fois active son espace d’exposition en lien avec la saison : Justin Shoulder est son invité.
Le magazine Palais #29 regroupe interviews et portraits des protagonistes de la Saison. Disponible à la librairie.