Jakob Kudsk Steensen, The Song Trapper, 2025 courtesy de l’artiste
Avec « The Song Trapper », l’artiste danois Jakob Kudsk Steensen apporte une réponse captivante à l’invitation faite par Ludovic Delalande et Claudia Buizza pour l’Open Space #17 de la Fondation Louis Vuitton. Cette vidéo spécialement produite pour l’occasion nous plonge dans un univers sonore holistique global sous les traits d’un « traqueur de chants », personnage qui navigue dans différentes sphères, sorte de double de l’artiste confronté à un dilemme interne dû à son manque d’incarnation physique dans un monde régi par le virtuel. Décalé, il ne peut que gesticuler, comme pris au piège.
L’artiste venant d’une famille de chanteurs et de musiciens a voulu s’inspirer de l’architecture de la galerie 8 qui rejoint selon lui, celle des chapelles gothiques, des cathédrales construites au départ pour amplifier la voix, tandis que les marais européens, propices à des rassemblements communautaires votifs et sacrés sont évoqués à travers le choix des couleurs des murs, de l’éclairage en semi pénombre et d’une odeur à la fois humide et métallique conçue avec un parfumeur, les collaborations étant au cœur de la démarche de l’artiste. Entre scan 3D, technologie de capture de mouvement, code génératif mais aussi traditions vocales liées à la cartographie des paysages, captations en milieu vivant (rochers, volcans, plantes, sons), cet être rejoint une série de personnages imaginés par Jakob, pris dans des dichotomies entre le corps, l’esprit, le code. Ouvert à de multiples narrations sensorielles, ce récit dépasse le cadre habituel de l’exposition, le jeu vidéo devenant une œuvre d’art total. Ludovic Delalande, revient sur sa découverte de l’univers de l’artiste, sa capacité de réponse à l’in situ et comment cette proposition s’inscrit dans les objectifs de la programmation de l’Open Space, espace de tremplin et de révélation pour de nombreux artistes à la fois français et internationaux dont c’est souvent la première exposition institutionnelle. Il a répondu à mes questions.
Comment aviez-vous découvert et repéré le travail de Jakob Kudsk Steensen ?
J’ai découvert le travail de Jakob Kudsk Steensen à Venise en 2019 à l’occasion de l’exposition du Prix Pinchuk en marge de la biennale de Venise. Jakob Kudsk Steensen est né en 1987 au Danemark où il vit et travaille aujourd’hui. Son univers artistique est très lié au monde du jeu vidéo, puisqu’il va utiliser des logiciels ou des technologies propres aux jeux vidéo pour créer des mondes virtuels à partir d’images qu’il a prélevées dans la nature. Tout le principe de l’œuvre de Jakob repose sur l’impact des nouvelles technologies dans notre rapport à la nature. Pour son exposition à la Fondation, il développe un nouveau projet intitulé « The Song Trapper », le traqueur de chants, qui met en scène son premier personnage. Habituellement, ses vidéos prennent uniquement pour objet la nature. Ici, c’est la première fois qu’il décide de développer une narration autour d’un personnage, le premier d’une série qui s’inscrit dans un projet plus global d’opéra/jeu vidéo.
Vue comme une sorte d’œuvre d’art totale, la forme du jeu vidéo lui permet de travailler le son, l’image, le dessin, la narration, etc.
La place du son est importante : où a-t-il été enregistré ? est-il naturel ? artificiel ?
Comme toujours, l’artiste a créé un paysage sonore spécifique aux images à partir de sons du vivant collectés et remixés, ici, il a collaboré avec le compositeur Matt McCorkle et la chanteuse Lyra Pramuk. Il a également collaboré avec l’actrice et danseuse Iris Thomsen, spécialiste de la capture de mouvement et pour la première fois, avec un parfumeur, Yann Vasnier, pour créer une senteur propre à l’exposition. Les collaborations sont nombreuses et habituelles chez Jakob qui s’entoure de biologistes, philosophes, chercheurs…
Qu’évoque ce parfum ?
Des notes terreuses, tout ce qui évoque les marais aquatiques, les sous-bois. Une odeur à la fois humide et métallique reprise dans les teintes des murs de l’installation dans des tonalités un peu vertes, brumeuses qui rappellent les marécages et les surfaces d’eau.
En quoi cette proposition rejoint-elle votre démarche pour l’Open Space ? Quels sont vos critères de sélection des artistes ?
C’est la première exposition personnelle de l’artiste en France avec une production spécifique, ce qui rejoint les critères du programme que nous développons à la Fondation depuis 2018. Il n’y a pas d’attentes ou de prérequis en termes de sujets ou de mediums. Plusieurs artistes invités travaillent à partir des nouvelles technologies comme Matt Copson, Nadyé Kouagou, Lu Yang, Özgür Kar ou encore Meriem Bennani. Mais nous avons aussi accueilli des peintres comme Jean Claracq, Xie Lei ou Portia Zvavahera, des sculpteurs comme Bianca Blondi, Anna Hulacova, Lauren Halsey… Je dirais qu’il n’y a pas de tropisme autre que donner voix à des artistes qui parlent de notre monde selon une approche singulière.
A ne pas manquer lors de votre visite, l’exceptionnelle exposition de Gerhard Richter !
Infos pratiques :
Jakob Kudsk Steensen
Open Space #17
The Song Trapper
Jusqu’au 2 mars 2026
https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/fondation/les-expositions







