Florian Mermin au Palais Idéal du Facteur Cheval : nouveau chapitre de l’histoire  

Florian Mermin, Palais du Facteur Cheval courtesy de l’artiste

Florian Mermin, à partir de la phrase du Facteur Cheval « Les morts ne sont pas les absents, mais les invisibles » convoque ces figures disparues dans des sculptures-reliquaires-totems à partir de l’imaginaire sans limite de Ferdinand Cheval. Comme dans une dérive post-apocalyptique, la céramique devient la clé d’un songe entre l’organique et le sacré, l’animal et le végétal, l’artiste poursuivant un dialogue avec Leonor Fini qui avait donné lieu à un premier hommage. L’exposition « Le parfum des absents » inscrit un nouveau chapitre enrichi et fait suite à une résidence de l’artiste à Molly-Sabata, selon un partenariat inédit entre les deux institutions du territoire. Le parfum entêtant des roses rejoint les dérives engagées par l’artiste à l’occasion de la Biennale de Lyon à partir de l’histoire florale de la capitale des soyeux. Inspiré par ses explorations, ses photographies au flash ajoutent au mystère et à l’ambivalence… Florian Mermin nous donne sa définition de l’ornement.

Florian Mermin, Palais du Facteur Cheval photo Pauline Darley

Que représentait pour vous le Palais Idéal du Facteur Cheval ?

Pour moi, le Palais Idéal du Facteur Cheval représente la victoire d’un rêve sur la banalité du quotidien : la preuve qu’un geste répétitif et humble peut devenir une œuvre d’art. C’est un témoignage de persévérance et d’imagination, construit hors des écoles et des modes, où l’art met l’accent sur le travail manuel. Il incarne aussi une forme de liberté, le fait d’habiter un monde intérieur façonné pierre par pierre. A l’image d’un château de sable, il s’agit d’un monde utopique et poétique qui défie le temps et les classifications, et qui invite chacun à croire que l’impossible peut être réalisé. 

Comment avez-vous souhaité mettre au diapason votre inspiration avec la pensée du génie du lieu ? 

L’exposition actuelle a naturellement découlé de l’exposition précédente dans le même lieu en dialogue avec les œuvres de l’artiste Leonor Fini. Il s’agissait de proposer un autre chapitre pouvant créer la suite de l’histoire avec la présentation d’œuvres déjà intégrées à la première exposition tout en les déplaçant ou les exposant d’une autre manière et par le même temps de créer de nouveaux dialogues avec d’autres œuvres dont certaines ont été produites spécifiquement pour l’occasion.

Les nouvelles œuvres proposent de manière inédite de poursuivre mes recherches relatives à des motifs singuliers à ma pratique (toiles d’araignées, papillons…) tout en intégrant le registre du bas-relief de manière frontale à ma pratique. Il s’agissait également de créer des œuvres recomposées dont les éléments sont reliés par des joints à l’image de la construction du Palais Idéal où chacune des pierres est associée et liée à la suivante par la matière.

« Les morts ne sont pas les absents, mais les invisibles » : cette phrase du Facteur Cheval vous a inspiré le titre de l’exposition, comment pour vous la mort et la vie se confondent ? 

Cette citation du Facteur Cheval est très évocatrice. Elle soulève une réflexion profonde sur la manière dont nous percevons la mort et la présence des êtres chers qui ne sont plus parmi nous. Pour moi, la mort et la vie se confondent dans la mémoire et l’héritage émotionnel que laissent ceux qui nous ont quittés. Les souvenirs, les traditions et les histoires continuent d’animer notre quotidien, nous rappelant que la vie ne se limite pas à notre existence physique. Ainsi, les morts deviennent invisibles mais jamais absents, car ils perdurent à travers nos pensées et nos actions.

De plus, cette fusion entre vie et mort nous pousse à réfléchir sur notre propre existence. Chaque moment vécu, interaction nouée, façonne notre passage dans le monde.

Enfin, à travers l’exposition, il s’agissait également de trouver un moyen d’honorer la mémoire des invisibles par une intention plus large porté à notre environnement et notre monde vivant, tout en tissant un lien entre le passé et le présent.

On retrouve la rose des soyeux lyonnais (Biennale de Lyon) dans un nouveau contexte : que traduit-elle ici au milieu d’autres symboles ?

Dans le contexte de l’exposition “Le parfum des absents”, sa présence revêt plusieurs significations ambivalentes et duelles. Elle incarne à la fois la beauté et la sensualité dans le monde des fleurs, tout en étant très liée à l’évocation des souvenirs à travers une symbolique de croissance et d’épanouissement. Parallèlement, elle représente également la fragilité et l’aspect éphémère de l’existence. Doté originellement d’un haut potentiel olfactif, la rose relie le tangible à l’intangible, rappelant que les souvenirs, même s’ils sont invisibles ou immatériels, ont une présence bien concrète.

Cette exposition s’inscrit dans le prolongement de votre résidence à Moly-Sabata autour d’un partenariat inédit : que vous a apporté cette expérience ? 

Dans un premier temps, le fait de bénéficier d’une résidence de création à Moly Sabata, m’a permis de créer sur le territoire ; en effet Moly Sabata se trouve à environ 30 min en voiture du Palais Idéal du Facteur Cheval. Il s’agissait donc de pouvoir donner forme à une pensée de manière la plus directement lié au lieu d’exposition.

Dans un second temps, la résidence a permis de challenger ma pratique et ma technique de modelage sur un temps extrêmement court (deux semaines) tout en me donnant la possibilité d’expérimenter des sous cuissons de grès colorés avec des superpositions d’émaux jamais réunis dans les mêmes œuvres et de produire 7 nouvelles œuvres.

Quelle serait votre définition de l’ornement ? 

Pour moi, l’ornement est un langage visuel qui ajoute un sens à une chose ; il ne s’agit pas seulement un ajout décoratif mais une manière de raconter, de rythmer et d’animer la surface d’un objet. Il établit une relation entre sa fonction potentielle et sa poésie : il révèle des savoir-faire, des mémoires culturelles et des identités tout en jouant sur la répétition, la variation et la surprise. L’ornement peut rendre palpable le geste du travail de la matière, et parfois agir comme geste politique en subvertissant les hiérarchies esthétiques entre le monde des beaux-arts et celui des arts décoratifs. Dans ma pratique artistique, c’est une zone de liberté et de détail où se concentrent sens tactile, symbolique et narratif.

Infos pratiques :

Florian Mermin 

Le Parfum des absents

du 20 septembre au 11 novembre 2025

https://www.facteurcheval.com/programmation/evenements/le-parfum-des-absents