MC Mitout, Les deux Lucie, Verceil, Musée Francesco Borgogna, 2024 gouache sur papier, courtesy de l’artiste, galerie Claire Gastaud
Si certaines galeries ont le vent en poupe comme Jocelyn Wolff qui inaugure son nouvel espace dans le Triangle d’or parisien (relire son interview), beaucoup d’enseignes de taille moyenne ferment ou se mettent en pause à la recherche d’un modèle capable de résister à l’hyper-concentration du secteur au profit d’une poignée de mégas-galeries. De quoi ce trou d’air est-il porteur ? Est-ce temporaire ? En tous cas, il convient plus que jamais de soutenir notre écosystème en cette rentrée.
Quelques incontournables pour garder le mental et rester positif :

Hans Op de Beeck, The Vessel 2024 courtesy de l’artiste et TEMPLON
Hans Op de Beeck
« On Vanishing »
TEMPLON
Dans le prolongement de sa carte blanche au Musée de Flandre de Cassel, le belge Hans Op de Beeck ouvre la saison parisienne des galeries et c’est un évènement. Il investit les deux espaces de TEMPLON dans une dramaturgie qui condense l’ensemble de ses recherches et obsessions autour des Vanités flamandes, du silence, de l’introspection, des codes du portrait, ses personnages étant retranchés dans leurs pensées, les yeux clos. Les bulles de savon (célèbre tableau de Rembrandt), les insectes, les fossiles, les symboles sont nombreux dans ce qui ressemble à un Cabinet de curiosités allemand « Wunderkammer », ces Chambres des merveilles des châteaux de la Renaissance qui lancent une mode culturelle dans toute l’Europe. Une magie silencieuse et haptique rigoureusement en monochrome gris, le titre de l’exposition jouant de sa double signification à la fois « disparaître soudainement et complètement » et « devenir nul ».
https://www.templon.com/fr/expositions/on-vanishing-
Emmi Whitehorse
« Inside the White Cube »
La peintre Navajo, Emmi Whitehorse, exposée à la dernière Biennale de Venise où la galerie White Cube l’a découverte puise son inspiration dans le concept Navajo du Hózhó qui revendique un équilibre et une éthique de beauté et d’harmonie entre l’homme et son environnement. A l’origine du collectif d’artistes amérindiens le Grey Canyon Group, celle dont l’enfance fut nomade, entretient un lien singulier avec les cycles cosmologiques du lac Whitehorse dont elle porte le nom. Site archéologique essentiel à la culture du peuple Navajo, elle traduit dans ses toiles l’atmosphère, les phénomènes naturels, le lien avec la terre, la topographie tout en y ajoutant des motifs hérités du tissage pratiqué par sa grand-mère et une admiration pour les champs d’abstraction de Rothko. Quelques effets de rupture signalent l’entreprise extractiviste postcoloniale menée sur ces territoires autochtones.
https://www.whitecube.com/gallery-exhibitions/emmi-whitehorse-paris-2025
MC MITOUT
« Je suis immense »
Galerie Claire Gastaud
Nous sommes accueillis par un large wall-painting dont le titre « Je suis immense » renvoie à une émotion de l’ordre du ravissement que l’artiste nous partage.
Dans un entretien à la fois drôle et savant avec Thomas Levy-Lasne Marie-Claire nous dévoile les œuvres réalisées à la suite d’une résidence en Italie qui cohabitent avec des œuvres plus anciennes dont la série « Les plus belles heures », clin d’œil aux miniatures « les Très riches heures du Duc de Berry », célèbre manuscrit du Moyen Age, rythmé par les saisons et le travail aux champs. Marie Claire utilise la gouache, l’une des techniques les plus anciennes et fragiles de la peinture comme elle l’explique. Elle revendique des « petits moments d’éternité », loin d’une quelconque virtuosité même si leur gestation peut prendre plusieurs mois. Quand une chambre d’hôpital devient médiévale sous la figure de Séraphine de Senlis, il est question de soin et de réparation, en lien avec l’ex-voto comme elle le confie. Tout à fait captivant !
https://claire-gastaud.com/exhibitions/85-mc-mitout-je-suis-immense-solo-show
« Les habités »
christian berst
Art brut et art premier en dialogue
En parallèle de la remarquable exposition art brut au Grand Palais à partir de la collection Decharme, Christian Berst pour les 20 ans de sa galerie, ose un rapprochement qui pourrait sembler simplificateur à première vue. Mais il n’en est rien grâce au regard éclairé des deux commissaires et collectionneurs Daniel Klein et Antoine Frérot, par ailleurs associés au galeriste. Ainsi Scottie Wilson, Mary T. Smith ou Adolf Wölffli voisinent avec divinités protectrices, masques, fétiche vaudou, ivoire inuit, incitant à décentrer les regards. Christian Berst est un infatigable défricheur qui a su convaincre et fédérer autour de lui des amateurs toujours plus nombreux jusqu’à ouvrir une antenne à New York.
Autre pas de côtés avec :
« Conjurations, Fétiches et totems en Aliénocène »
Galerie Talmart,
(hors les murs du Centre Wallonie Bruxelles)
Stéphanie Pécourt et Ariane Skoda, complices de ce projet aux allures de cabinet de curiosité, revendiquant une lecture iconoclaste et joyeuse autour de rituels et autres charmes cosmiques. Une cartographie de l’hétérotopie qui attire et déroute, agite et persiste. J’étais en pays de connaissance avec les artistes Carlota Sandoval Lizarralde, découverte lors d’Art-o-rama cet été (galerie Fahmy Malinovsky) avec ses totems inspirés de sa Colombie natale et Anna de Castro Barbosa (galerie Spiaggia Libera) et ses fétiches corporels qui appellent au soin.
Également Elise Peroi, fabuleuse tisseuse textile que j’ai toujours plaisir à retrouver à Bruxelles. Après je me suis laissé porter au gré des hasards et des collisions entre les pigeonniers de Galatée Deschamps, l’Aphrodite en écailles de porcelaine de Luna-Isola Bersanetti (lauréate ceramic brussels 2025), la collection de masques miniature du Congo d’Anna Safiatou Touré, les augures algorithmiques de Thomas Garnier, la fontaine techno-queer d’Emile Degorce-Dumas ou les clous géants de Rachel Labastie. Le tout sous le prisme du totem de l’artiste brut Jean-Pierre Rostenne, adepte du glanage de cannes dans le quartier des Marolles. Dans cet espace assez ingrat au pied de l’église Saint-Merry et des tentes des migrants, il fallait tout le génie de Stéphanie et Ariane pour animer cette fable contemporaine, mordante et trouble.
Jusqu’au 24 septembre
Galerie Talmart – Hors les murs CWB
22 rue du Cloître Saint-Merri 4ème
https://cwb.fr/agenda/exposition-collective-conjurations-fetiches-a-la-galerie-talmart
Liste forcément incomplète, mises à jour prochaines !
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